Nosaltres

De Moussa Touré

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Fidèle à sa méthode rentre-dedans, caméra face au sujet et questions indiscrètes, après avoir exploré l’intimité de lycéens français (Nanga def) et sénégalais (Nawaari), Moussa Touré profite d’un contact institutionnel en Catalogne pour s’intéresser aux Maliens qui hantent comme des ombres la jolie petite ville côtière de San Feliu, à 35 km de Barcelone. De toute évidence, l’intégration est nulle, si ce n’est dans le travail. Les deux groupes restent séparés et s’en attribuent mutuellement la responsabilité. Aucun ne chercherait le contact. Les étrangers ne partagent pas les activités des locaux (le film montre alors malicieusement une danse traditionnelle catalane interprétée par des vieux) tandis les villageois ne commencent même pas par les saluer. Une scène édifiante au café montre combien on corrige sa parole devant les autres pour se dédouaner de tout racisme ou rejet. C’est là que la méthode Touré est probante, dans son culot pour pousser les gens à s’exprimer. Ils disent peu à peu leurs préjugés et leur fermeture, leur méconnaissance de l’Autre (où est le Mali ?), leurs idées reçues, notamment sur la différence religieuse. Par contre, ne passant qu’un temps limité sur place, il est obligé de s’en tenir à un discours immédiat qui pourrait paraître banal s’il n’était déjà édifiant en soi. Il manque les événements, les conflits, les drames même qui permettraient d’enrichir son étude s’il avait pu prendre le temps de l’exercice. Du coup, il est obligé d’en provoquer un : réunissant sous l’égide du maire Villageois et Maliens, il provoque un échange qui n’a jamais lieu et où se diront des choses que ne se sont jamais dites. Il organise en somme la rencontre qui ne pouvait prendre place. Et le comble est que, plutôt que de pousser la crise de la relation pour la prendre à la racine, il leur demande de façon très volontariste de s’embrasser !!
Le témoignage d’un Malien qui s’est caché dans la forêt de la police marocaine et n’a été nourri que de pain et d’eau par le passeur rappelle a propos la dureté du vécu de l’immigré, que n’imaginent pas les Villageois. Une autre vision s’installe, celle de l’exclusion géographique qui débouche sur l’exclusion sociale : alors que les Catalans insistent sur la différence culturelle, les Maliens soulignent qu’ils doivent s’entasser dans des logements trop petits car on ne veut pas leur en louer. C’est là que deux logiques s’opposent clairement, qui ne peuvent se rencontrer, car au-delà des possibilités de ponts culturels malgré les différences de classes et d’origines, la discrimination sociale est à l’œuvre. C’est bien sûr la grande leçon de ce film qui, tout en laissant un goût d’inachevé, pointe les questions qui fâchent : ce n’est que lorsque l’immigré a les droits et les chances d’un citoyen qu’il peut communiquer en dignité.

///Article N° : 4513

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