Panorama sur l’archipélisme théâtral de la Caraïbe (1)

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L’effervescence culturelle et théâtrale, commune à la Guadeloupe et à la Martinique en dépit des disparités des deux îles, tout comme la vitalité et la richesse de la production dramaturgique antillaise contemporaine peuvent surprendre quand on sait les difficultés encore réelles aujourd’hui de création et de diffusion des pièces. Les conditions de l’activité théâtrale sont très différentes entre les deux îles qui ne bénéficient pas des mêmes infrastructures et qui ont connu des évolutions culturelles relativement divergentes durant les cinquante dernières années.
La Guadeloupe a longtemps fait figure de parent pauvre par rapport à la Martinique où l’effervescence théâtrale a toujours été plus importante, par le passé déjà avec la prédominance culturelle de Saint-Pierre évincée par Fort-de-France après 1902 puis à une période plus récente avec l’influence d’Aimé Césaire, écrivain et homme politique qui a activement œuvré en faveur de la promotion des arts et de la culture. L’impulsion du député-maire de Fort-de-France (de 1945 à 1993) fut déterminante dans le développement culturel martiniquais. C’est lui qui met en place en 1971 l’Office Municipal d’Action Culturelle auquel succède en 1975 le SERMAC (Service Municipal d’Action Culturelle) longtemps dirigé par Jean-Paul Césaire (de 1976 à 1998) et aujourd’hui administré par Lydie Bétis ; cette structure située au cœur du parc floral et culturel de Fort-de-France propose de nombreux ateliers (arts plastiques et scéniques) ainsi que des stages dans le domaine des arts visuels et dramatiques. Toujours à la même époque, aidé de Jean-Marie Serreau, Césaire crée le Festival Culturel de Fort-de-France, qui a connu ses heures de gloire et reste l’événement annuel incontournable de la ville, même s’il n’a plus de nos jours l’ampleur d’autrefois. Ce festival met chaque année à l’honneur les arts de la scène (théâtre, musique, danse) en accueillant au mois de juillet des artistes de toutes les nationalités. Il a permis de révéler de nombreux talents, parmi lesquels les musiciens martiniquais Eugène Mona et Guy Conquète, le poète Joby Bernabé, le metteur en scène haïtien Syto Cavé, et des troupes de théâtre comme celle du Cyclone de Guadeloupe et les Kouidor d’Haïti. Des grands noms de la scène internationale ont figuré au nombre des invités (Jean-Marie Serreau, Ariane Mnouchkine, Wole Soyinka) et leur influence sur le développement du théâtre en Martinique fut considérable.
D’autres centres culturels participent aussi au développement théâtral martiniquais : le CMAC (Centre Martiniquais d’Action Culturelle) ouvre ses portes en 1974 grâce aux efforts du Ministère de la Culture et du Conseil Régional ; longtemps dirigé par Fanny Auguiac (1975-2006), il est labellisé « scène nationale » en 1992 et est aujourd’hui administré par Manuel Césaire. Le CMAC pratique une politique de coopération aussi bien intercaribéenne qu’internationale : il organise de nombreux festivals parmi lesquels la Biennale de danse contemporaine, les Rencontres théâtrales d’avril et de nombreux rendez-vous autour de la musique (Martinique Carrefour des guitares et Jazz à la Martinique). Il a très récemment fusionné avec L’Atrium, centre culturel départemental, inauguré en octobre 1998 et financé conjointement par les Conseils Général et Régional de la Martinique, par les Ministères de la Culture et de l’Outre-Mer ainsi que par la ville de Fort-de-France. Il dispose d’une salle de spectacles de 896 places et est doté d’un équipement acoustique et technique parmi les plus performants des Antilles pour accueillir concerts, spectacles de danse, pièces de théâtre et expositions.
Le petit théâtre municipal à l’italienne de Fort-de-France devenu Théâtre de la Ville, constitue un autre centre culturel martiniquais important et abrite le CDRM (Centre Dramatique Régional de la Martinique) qui a pour mission d’assurer la promotion du théâtre caribéen par la création et la diffusion de spectacles dans toute la Martinique, voire à l’extérieur de l’île, ainsi que par l’organisation de stages de formation aux métiers de la scène. Le CDR abritait à l’origine la première troupe professionnelle de Martinique, le Théâtre de la Soif Nouvelle fondé par Annick Justin-Joseph, qui affichait une nette prédilection pour le théâtre contemporain français (Eugène Ionesco, Marguerite Duras) ; Élie Pennont son successeur se tourne vers le répertoire césairien, les adaptations de théâtres antique et shakespearien ainsi que les montages de contes et les créations comiques ; Michèle Césaire, actuelle directrice du Théâtre de la Ville de Fort-de-France, travaille, quant à elle, à l’émergence et à la promotion d’un répertoire caribéen contemporain en sélectionnant des créations et des textes inédits venant des Antilles et de la diaspora caribéenne francophone et en favorisant l’apport d’expressions artistiques multiples.
A l’extérieur de Fort-de-France, dans le nord de la Martinique, sur la côte Atlantique, le Domaine de Fonds Saint Jacques, ancienne propriété des frères dominicains rendue célèbre par le père Labat qui en fit une manufacture sucrière au XVIIIe siècle, devient Centre Culturel de Rencontre en 1996 avec les subventions du Conseil Général de la Martinique. Il accueille aujourd’hui des artistes en résidence et des chercheurs tout en programmant régulièrement des spectacles variés (théâtre, conte, musique). Dans le sud de la Martinique, la salle Paroissiale du Marin programme aussi toute l’année des spectacles et organise chaque été un festival de musique, de danse et de théâtre.
En Guadeloupe, la situation administrative et le morcellement géographique ne favorisent guère un développement homogène. Contrairement à la Martinique qui bénéficie d’une forte concentration urbaine à Fort-de-France, la Guadeloupe est un archipel où la population est éparpillée (2) : le centre administratif se situe à Basse-Terre avec la préfecture, les Conseils Régional et Départemental et la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), alors que la plus grande partie de la population guadeloupéenne se concentre sur Pointe-à-Pitre et ses environs (les Abymes et Gosier). De plus, la dispersion géographique entre les deux îles principales (Grande-Terre et Basse-Terre) et les dépendances (Marie-Galante, les Saintes, la Désirade, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) ne facilite guère un accès à la culture égal pour tous.
Les Guadeloupéens n’ont pas eu la chance de bénéficier d’une politique culturelle aussi dynamique et organisée qu’en Martinique, ce qui explique un développement artistique plus lent et plus compartimenté des arts (la musique et la danse jouissent de manière générale auprès du public d’une plus grande popularité que le théâtre). Il n’existe pas en Guadeloupe d’équivalent du Festival Culturel de Fort-de-France, et les tentatives pour créer des manifestations théâtrales annuelles ont souvent été avortées ou de courte durée. Dans les années 80, Michèle Montantin, dramaturge et directrice du CACG (Centre d’Action Culturelle de la Guadeloupe), tente de développer une politique culturelle en faveur du théâtre d’auteur : elle organise les Rencontres Caribéennes de Théâtre, où spectacles, expositions et tables rondes permettent aux artistes de la Caraïbe de dialoguer. La biennale du Festival des Arts ainsi que le festival Théâtre d’Ici et d’Ailleurs, créé en 1990, ont aujourd’hui disparu pour laisser place aux manifestations culturelles musicales dont le succès n’a fait que croître. Seul subsiste le festival de théâtre des Abymes (Téat Zabim) qui œuvre au développement de rencontres théâtrales internationales : la municipalité invite maintenant depuis dix ans des troupes de théâtre professionnelles et amateurs de la Caraïbe et d’Europe à venir se produire au mois de mai dans de petites salles ou en plein air ; ce festival est encore très loin d’avoir l’ampleur et le succès du Festival Culturel de Fort-de-France et se produit de manière irrégulière. Après avoir été suspendu pendant deux ans, il a rouvert ses portes en 2007 et vient de présenter une édition hors-série en mai 2009 avec une programmation réduite ; les grèves de janvier et février 2009 ont ralenti l’activité non seulement économique mais aussi culturelle de l’île en même temps qu’elles ont permis aux artistes antillais de se s’interroger sur leur rôle et de se repositionner dans le paysage artistique, comme en témoigne la création du Kolektif Sonny Rupaire (3).
Les salles de spectacle importantes sont moins nombreuses en Guadeloupe qu’en Martinique et la plupart d’entre elles servent de lieux de représentation sans être de vrais théâtres dotés de l’équipement technique approprié. C’est en 1978 qu’est mis en fonction à Pointe-à-Pitre le CAC (Centre des Arts et de la Culture), aujourd’hui dirigé par Claude Kiavué et qui dispose de deux scènes (la salle Toussaint Louverture de 1100 places et la salle Salvador Allende de 280 places) ainsi que d’une salle d’exposition. La musique (concerts de zouk, de salsa, de jazz donnés par des groupes venus de toute la Caraïbe) domine la programmation du CAC qui laisse toutefois place au théâtre, en général des spectacles comiques en créole et en français pour le grand public. Ce centre subventionné par la ville, le Conseil Régional, le Conseil Général et par le Ministère de la Culture propose également des ateliers de danse, de musique, de théâtre et d’arts plastiques. Il est aujourd’hui en cours de rénovation et ne rouvrira ses portes que dans quelques années, ce qui risque de modifier la diffusion artistique en déplaçant les spectacles dans les autres salles de l’île, par exemple au centre Rémy Nainsouta, situé en centre-ville et récemment rénové ; celui-ci accueille généralement des artistes locaux et caribéens et sert aussi de salle de conférences. Aux abords de Pointe-à-Pitre, le centre culturel du Raizet et le centre Sonis aux Abymes proposent également des salles de représentation. À Gosier, le fort Fleur d’Épée, théâtre passé des affrontements entre les troupes françaises et britanniques au XVIIIe siècle, fait aujourd’hui partie du patrimoine architectural guadeloupéen et l’on y représente parfois des pièces. C’est dans ce fort que fut jouée la pièce de Maryse Condé An tan révolysion ou Elle court elle court la liberté en 1989 pour commémorer le bicentenaire de la Révolution française. Une dizaine d’années plus tard, en 2002, on y célébra ainsi qu’au fort Delgrès de Basse-Terre les commémorations historiques des luttes de libération de 1802. Toujours à proximité de Pointe-à-Pitre, à Labrousse, la troupe du Cyclone dirigée par Arthur Lerus – troupe la plus ancienne de Guadeloupe – continue de recevoir les spectateurs dans son théâtre An Mitan Zyé en plein air. A Baie-Mahault, le Domaine de Birmingham, ancienne habitation de 1830 transformée en centre culturel par Simone Paulin, abritait la troupe du Théâtre des Quatre Chemins dirigée par Eddie Arnell ; des stages de danse, de musique, de chant, de cirque et de théâtre sont encore organisés dans différents pavillons dont le Petit Théâtre, où ont lieu des spectacles de marionnettes et quelques pièces de théâtre ainsi que des concerts de jazz lors des soirées d’Autour de Minuit.
Dans la partie sud de l’île, la Basse-Terre, la petite salle municipale de l’Auditorium a longtemps été l’un des seuls espaces de spectacle en dehors des salles de cinéma faisant parfois office de théâtre pour pallier le manque d’infrastructures (le cinéma d’Arbaud à Basse-Terre et Le Majestic à Capesterre-Belle-Eau). Il faut attendre 1996 pour voir enfin s’ouvrir les portes de la scène nationale L’Artchipel sur le boulevard Félix Éboué à Basse-Terre. Sa première directrice Claire-Nita Lafleur prônait la réinscription de la culture créole dans son histoire et dans sa langue à travers un projet culturel et artistique intitulé « Territoire et Identité » qui visait à favoriser le théâtre créole et le développement des compagnies locales ; elle a aussi œuvré à la décentralisation en présentant des spectacles itinérants dans les différentes communes de l’archipel guadeloupéen. Le dramaturge franco-béninois José Pliya, son successeur depuis septembre 2005, cherche à promouvoir les échanges culturels et artistiques en dehors de la Caraïbe en accueillant des artistes en résidence de création, en développant des partenariats avec des théâtres métropolitains et étrangers et en diffusant les spectacles antillais en dehors du périmètre insulaire guadeloupéen (notamment au Tarmac de la Villette, au Théâtre Daniel Sorano de Toulouse). Cette démarche d’ouverture internationale n’empêche pas L’Artchipel d’œuvrer au développement d’une identité caribéenne artistique qui réside, selon José Pliya, dans la transversalité, c’est-à-dire dans la rencontre des arts (danse, musique, théâtre, arts plastiques, vidéo) ou ce qu’il nomme Nouvelles Écritures Scéniques.
La création théâtrale antillaise, dont on ne peut aujourd’hui nier le dynamisme, reste freinée par l’insuffisance de moyens techniques et financiers et par les très grandes disparités entre les îles comme entre les troupes. Les subventions accordées varient en fonction des municipalités, du Conseil Régional, du Conseil Général et du Ministère de la Culture. A partir de 1982, la loi de décentralisation votée sous François Mitterrand constitue les départements en régions et permet la signature de conventions culturelles entre l’État et les assemblées régionales. Le budget alloué à la culture est désormais géré par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) et l’ARDEC (Action Régionale de Développement Culturel) ; les financements des projets artistiques et culturels sont multipliés tout en étant ralentis par la répartition d’un budget géré par différentes instances, dont certaines siègent à Paris, tel le Ministère de la Culture, tandis que d’autres sont régionales. Malgré les aides nombreuses allouées par la France et par l’Europe depuis 1992, le théâtre antillais ne connaît pas encore l’essor escompté, surtout hors du périmètre insulaire.
Ce qui demeure un frein réel au plein épanouissement du théâtre antillais est la formation défaillante des dramaturges, comédiens et metteurs en scène qui sont souvent autodidactes. La Guadeloupe et la Martinique sont très en retard en matière de professionnalisation en comparaison avec les îles voisines : Cuba, la Jamaïque, Trinidad disposent de troupes nationales et d’écoles d’art dramatique ; rien de tel pour les Antilles françaises où l’absence d’un conservatoire d’art dramatique se fait cruellement sentir. Le Diplôme d’Etudes Théâtrales (DETUAG) mis en place par Michèle Césaire en 1996 a aujourd’hui disparu. Les comédiens se voient contraints de se former sur le tas ou dans des stages ponctuels organisés par des professionnels souvent métropolitains et parfois peu informés des possibilités de l’acteur antillais. Quelques dramaturges antillais, parmi lesquels Ina Césaire, Gerty Dambury, Maryse Condé, ainsi que des metteurs en scène français (Jean-Marie Serreau et Ariane Mnouchkine dans le passé, Philippe Adrien et Serge Ouaknine plus récemment) et des dramaturges africains (le Nigérian Wole Soyinka et le Franco-Béninois José Pliya) assurent des stages d’écriture dramatique ou de pratique théâtrale. Toutefois, à l’issue de ces formations, rares sont les stagiaires qui continuent une pratique régulière du théâtre ; certains préfèrent quitter l’île pour compléter et parfaire leur enseignement en Europe ou en Amérique du nord, où une carrière professionnelle plus alléchante les incite alors souvent à demeurer. L’art dramatique a été pendant très longtemps, en Martinique et plus encore en Guadeloupe, un loisir et l’affaire de troupes amateurs, c’est pourquoi il est particulièrement difficile pour les comédiens d’être reconnus aujourd’hui en tant que professionnels. La majorité des comédiens guadeloupéens sont donc amateurs et regroupés dans de petites troupes, comme celles du théâtre du Cyclone d’Arthur Lerus ou de Pawol a nèg soubarou d’Harry Kancel, troupes qui souffrent d’un manque considérable de moyens financiers. Seule la compagnie Siyaj fondée en 2001 par Gilbert Laumord est professionnelle. La compagnie Savann dirigée par Harry Balthus vient d’être fondée et cherche à se professionnaliser. En Martinique, la situation est un peu plus heureuse avec un certain nombre de troupes théâtrales professionnelles : la compagnie des Enfants de la Mer de José Exélis offre ponctuellement des stages de formation de l’acteur axés sur la performance physique, le mime et la danse ; le théâtre du Flamboyant de Lucette Salibur est plus orienté vers le conte et le théâtre de marionnettes ; la Compagnie L’instant Présent de Sylvie Joco et Patrick Womba est également conventionnée ; deux jeunes compagnies dirigées par des metteurs en scène originaires de Cuba ont récemment vu le jour : la compagnie du Théâtre des Corps Beaux fondée par Ricardo Miranda en 2007 a succédé au théâtre Si de Yoshvani Medina qui n’aura vécu que quelques années car son fondateur réside et travaille aujourd’hui en Floride.
Des initiatives sont prises de part et d’autre de la Guadeloupe et de la Martinique pour lutter contre le manque de moyens matériels, la précarisation professionnelle et pour développer les contacts entre les structures artistiques afin de faciliter la diffusion des spectacles. Telles sont les ambitions affichées par le CEDAC (Collectif des Espaces de Diffusion Artistique et Culturelle) créé en 2009 et qui regroupe des directeurs de neuf centres culturels guadeloupéens : Claude Kiavué et le CAC de Pointe-à-Pitre, Gérard Poumaroux et le Centre Culturel Sonis des Abymes, José Pliya et L’Artchipel, David Drumeaux et la Kaza de Baie-Mahault, Felly Sedecias et le Ciné Théâtre du Lamentin, Marie-Claude Pernelle et la Salle Robert Loyson du Moule, Jean-Claude Laumon et l’Auditorium de Basse-Terre, Olivier Tharsis et le Bik Kreyol de Baie-Mahault, et Guy Colmar et El Rancho à Marie-Galante. Le CEDAC vise à mettre en relation et en réseau toutes ces salles éparpillées sur le territoire guadeloupéen pour permettre la diffusion de pièces dans des lieux multiples et donner aux artistes la possibilité de jouer plus longtemps et d’aller à la rencontre d’un public plus varié. Le CEDAC travaille aussi à promouvoir le théâtre antillais contemporain en choisissant des pièces d’auteurs guadeloupéens reconnus ; l’édition 2009 met à l’honneur Maryse Condé avec sa pièce Comme deux frères mise en scène par José Exélis, Gerty Dambury qui signe et met en scène Trames, et Frantz Succab avec Conte à mourir debout mis en scène par Antoine Léonard-Maestrati.
La collaboration entre la Martinique et la Guadeloupe ainsi qu’avec les autres îles de la Caraïbe commence aussi à se développer. Depuis maintenant cinq ans, le paysage théâtral s’élargit grâce au travail de deux associations de théâtre qui œuvrent au renforcement des relations culturelles intercaribéennes et internationales à travers la promotion des écritures dramaturgiques contemporaines. L’association guadeloupéenne Textes en Paroles, présidée par Michèle Montantin, a pour objectif de faire découvrir des pièces inédites issues de la Caraïbe francophone et créolophone tout en s’ouvrant de plus en plus aux régions anglophones et hispanophones. Une sélection est opérée par un comité de lecture (constitué d’universitaires, de metteurs en scène et de comédiens, les uns et les autres antillais, métropolitains, canadiens ou américains) pour que les pièces soient lues en public par des comédiens professionnels à l’occasion d’une manifestation annuelle qui a généralement lieu au mois de mai simultanément en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. Ces rencontres favorisent le dialogue entre les auteurs originaires de différentes îles de la Caraïbe, dialogue auquel prennent part les praticiens de la scène, metteurs en scène et comédiens, ainsi que le public. En partenariat avec LAMECA (la médiathèque caraïbe Bettino Lara de Basse-Terre), Textes en Paroles contribue à la conservation des pièces (éditées et manuscrites) dans le Centre de Ressources Théâtrales Caribéen qui a ouvert ses portes en mai 2008. Cette association a permis de révéler de jeunes auteurs, tels Gaël Octavia, Guy Régis Junior (alias Baka Rokhlo) et de confirmer des dramaturges plus aguerris comme Georges Mauvois et Daniel Boukman. Parallèlement, l’association martiniquaise ETC (Écritures Théâtrales Contemporaines en Caraïbes), fondée par José Pliya en 2003, dirigé aujourd’hui par Danielle Vendé et présidée depuis 2005 par le dramaturge martiniquais Bernard Lagier, a pour objectif de faire découvrir des auteurs dramatiques de la Caraïbe francophone, créolophone, anglophone, hispanophone et néerlandophone, et de promouvoir ces écritures contemporaines auprès des compagnies professionnelles par des lectures et des mises en espace ainsi que par des créations au sein des réseaux de théâtre nationaux et internationaux. ETC participe aussi à la formation des auteurs de la Caraïbe à travers des stages et des ateliers itinérants ; elle promeut la publication des pièces (en partenariat avec les éditions belges Lansman) et organise des rencontres, colloques, débats autour des dramaturgies caribéennes contemporaines. Une semaine de la Caraïbe a notamment été organisée à la Comédie Française en avril 2005 sous la présidence de Derek Walcott, puis en mars 2007, au Théâtre du Petit Studio de Louvre. En collaboration avec l’Association Beaumarchais, ETC Caraïbes décerne chaque année un prix théâtral pour contribuer à la création de la pièce d’un jeune auteur caribéen. Des projets de collaboration avec l’Amérique du nord sont aussi en cours, notamment avec le Québec et les Etats-Unis. Le « Caribbean Exchange Program » vise à établir une collaboration entre des dramaturges caribéens et américains à travers la traduction et la mise en lecture de pièces antillaises et américaines ; la première édition a eu lieu en novembre 2008 à New York où des dramaturges originaires de la Caraïbe ou y vivant (Pascale Anin, Arielle Bloesch) ont été invités au Martin Segal Theater du Centre des Etudes Doctorales de la City University de New York pour entendre leur texte jouer en anglais. Cette rencontre sera suivie de la venue prochaine des dramaturges américains en Guadeloupe et en Martinique pour assister à la mise en espace de leur pièce jouée en français par des comédiens antillais.
Le cloisonnement et l’isolement culturel des Antilles françaises semblent ainsi progressivement laisser place à des échanges fructueux et prometteurs pour le développement du théâtre caribéen. La volonté, l’énergie et la conjugaison des talents d’artistes et d’acteurs culturels ouverts à la collaboration internationale sont bénéfiques à l’épanouissement d’un théâtre en plein bouillonnement et dont les plus belles promesses sont déjà en passe de se concrétiser.

1. Cet article est partiellement inspiré du chapitre I de mon ouvrage Théâtres des Antilles : Traditions et scènes contemporaines (Paris, L’Harmattan, « Images plurielles », 2009).
2. En Martinique, 381427 habitants se répartissent sur une superficie de 1128 km2 avec une concentration sur l’agglomération de Fort-de-France et de Schoelcher qui abritent plus d’un quart de la population totale martiniquaise. En Guadeloupe continentale, la population est beaucoup plus éparpillée : sur un territoire de 1438 km2, on compte 21000 habitants à Pointe-à-Pitre et 12000 à Basse-Terre sur une population globale de 453000 habitants. Ces chiffres sont donnés par le site du Ministère de l’Outre-Mer et des Collectivités Territoriales.
3. La charte du Kolektif Sonny Rupaire et le manifeste des créateurs culturels sont présentés en dernière section de ce chapitre.
///Article N° : 9320

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