Fiche Personne
Théâtre Cinéma/TV

Jean-Louis Bory

Acteur/trice
France

Français

Né à Méréville (Essonne, à l’époque Seine-et-Oise) le 25 juin 1919, Jean-Louis Bory est le fils d’un pharmacien et d’une institutrice issus d’un milieu d’instituteurs. Avec un père athée et une mère non pratiquante, il est peu marqué par la religion. Par contre, il l’est par le Front populaire. Brillant élève au lycée d’Étampes, il entre en khâgne à Henri-IV.
Collé au concours d’entrée de Normale Sup en 1939, il est appelé sous les drapeaux. De retour au quartier Latin en octobre 1942, il obtient l’agrégation de lettres en juillet 1945. Deux mois plus tard, son premier roman (Mon village à l’heure allemande) est publié chez Flammarion et décroche le prix Goncourt avec le soutien de Colette. Tandis que lui-même est affecté à Haguenau dans le Bas-Rhin, son livre reçoit un accueil exceptionnel du public (500 000 exemplaires). Il n’en est pas de même du suivant (Chère Aglée, 1947). Mais en 1948, il est muté en région parisienne et peut collaborer à La Gazette des Lettres avec Robert Kanters, Paul Guth et François Mauriac.
Politiquement, il appartient alors à cette génération désenchantée par le fait qu’il n’y ait pas eu de mouvement « de la Résistance à la Révolution ». Il est même sollicité par Aragon pour adhérer au PCF. Mais il préfère se limiter à l’adhésion à des associations cryptocommunistes comme le Mouvement pour la Paix, le Conseil national des écrivains ou l’association France- U.R.S.S. Nommé au lycée Voltaire en 1950, il débute dans le journalisme à partir de 1952 par des tribunes dans Samedi Soir. Mais en 1955, il choisit de suivre son ami François Erval au service littéraire de L’Express, porte-voix d’un mendésisme auquel il est de plus en plus sensible.
D’ailleurs, en 1956, il rompt avec les communistes au sujet de l’intervention soviétique à Budapest contre laquelle il signe une pétition avec Edgar Morin, Gilles Martinet, Jean-Michel Domenach et Georges Suffert (France Observateur, 8 novembre 1956). Il démissionne aussi du Comité d’honneur de l’association France-URSS. Cela ne l’empêche pas d’afficher ses positions tiers-mondistes et anticolonialistes. Ainsi, lorsqu’en 1960, son éditeur René Julliard lui propose de signer le Manifeste des 121, il n’hésite pas et se retrouve suspendu du poste de professeur qu’il occupe au lycée Henri-IV depuis 1957. Il est réintégré au bout de quelques mois, mais cet évènement marque une rupture dans son rapport avec l’enseignement.
Il intègre notamment cette année-là le comité de rédaction des Cahiers des saisons, revue où il publie de courts textes littéraires. Et en 1961, il remplace François Truffaut comme critique cinématographique à Arts. L’année suivante, il cesse donc l’enseignement et sa collaboration à La Gazette des Lettres pour ne se consacrer qu’au journalisme et à la littérature. Il ne relance pourtant pas sa carrière littéraire avec L’Odeur de l’herbe (Julliard, 1962). Mais son entrée à l’émission Le Masque et la Plume en 1964 lui assure une audience qui contribue à son succès de critique. Fin 1964, il doit pourtant cesser sa collaboration à L’Express par fidélité à François Erval.
Dès janvier 1965, Guy Dumur lui offre alors de poursuivre ses critiques littéraires au Nouvel Observateur. S’il s’y sent « politiquement en famille », il distingue ses amitiés politiques de ses affinités littéraires. Ainsi, il a réhabilité Céline avant de se lier d’amitié avec Paul Morand et Jacques Chardonne. Et le groupe (François Nourissier, Hervé Bazin, Jean d’Ormesson, Georges Suffert, Louis Pauwels) qu’il réunit à Méréville en 1964/1965 est marqué à droite. Son spectre d’amitiés est donc très large mais n’atténue en rien son engagement comme il le montre à partir de novembre 1966 au sein des chroniques cinématographiques qu’il assure à L’Obs à la place de Michel Cournot. Cessant alors sa collaboration à Arts, il s’impose comme le critique cinéma du journal même s’il y est peu présent. Célèbre pour les joutes qui l’opposent à Georges Charensol au Masque et la plume, il défend notamment le cinéma du tiers-monde, particulièrement africain et arabe. Il apparaît aussi comme le plus influent des critiques du circuit Art et Essai du quartier latin. Mais son ardeur est encore plus vive en Mai 68 où il est un de leaders qui font arrêter le Festival de Cannes dont il avait été membre du jury l’année précédente. Cela ne l’empêchera pas d’être membre de sa commission de sélection de 1970 à 1973 ni d’être des plus assidus au festival de la Rochelle. Au Nouvel Observateur, il ne passe que pour déposer son article.
Il n’intervient pas dans les choix du journal qu’il trouve discutables politiquement. Mais il téléphone régulièrement à Jean Daniel pour lui donner son avis sur un éditorial. Il plaide ainsi pour la cause palestinienne qu’il ne trouve pas assez défendue. Il défend quant à lui des films d’aspect avant-gardiste ou scandaleux qui s’attachent à remettre en question la société, ses institutions et ses valeurs traditionnelles. À côté de films explicitement politiques qu’il soutient en dehors de toutes considérations artistiques, il défend un cinéma dont l’aspect contestataire tient moins au sujet qu’à la subversion du langage cinématographique traditionnel.
Godard, Robbe-Grillet, Resnais, Pasolini, Duras ou les frères Taviani sont des cinéastes qui lui tiennent à c?ur. Défenseur d’une culture « alternative », il se montre souvent agressif à l’égard des films de boulevard, de distraction ou à grande distribution qui ne remettent en cause ni les tabous de la morale et de la vie sociale, ni les habitudes de voir et de penser. Son mépris pour le cinéma de Michel Audiard, Bourvil ou Louis de Funès, qu’il juge bourgeois et franchouillard, n’a d’égal que celui pour des films qui, comme ceux de Henri Verneuil ? exaltant selon lui des valeurs bourgeoises, d’argent et d’ambition ? ou de Claude Lelouch – mettant en scène des personnages socialement « arrivés » – véhiculent des représentations légitimant à ses yeux la droite.
Mais si cette liberté lui permet de consacrer sa « chronique à un film que ne sera vu que par l’auteur et par [lui] »1, elle justifie à ses yeux un très chiche salaire qu’il considère comme le gage le plus sûr de cette dernière. Car la direction déplore de le voir ignorer systématiquement les films à gros budget et à grand public et exerce sur lui une douce pression en suscitant un concurrent moins militant. Mais il n’est pas réellement inquiété et refuse en 1972 de répondre à l’invitation chaleureuse de François Nourissier au Point. Au contraire, il fait entrer Michel Grisolia pour l’aider à rédiger les petites notices qu’on lui réclame sur les films.
Les années 1970 sont marquées par sa lutte pour les homosexuels. Celle-ci transparaît dans ses ?uvres autobiographiques (La Peau des zèbres, 1969 ; Tous nés d’une femme, 1976) mais surtout dans Ma Moitié d’Orange (1973), succès (50 000 exemplaires) dans lequel il annonce publiquement son homosexualité. Il s’affiche alors dans l’association homosexuelle Arcadie, faisant à son premier colloque une intervention des plus retentissantes. Il milite ensuite dans sa scission gauchiste, le F.H.A.R., dont un des membres, Guy Hocquenghem, écrit avec lui Comment nous appelez-vous déjà ?. Il finit au Groupe de Libération Homosexuels, défendant toujours les interdits traditionnels pesants sur les plus prolétaires et les plus marginaux.
Parallèlement à ce combat, il publie plusieurs essais consacrés au roman populaire ? tels que Eugène Sue, dandy et socialiste (1973) ? et un essai historique (La révolution de Juillet ou les Trois Glorieuses, 1972). Mais c’est Le Pied (1976) qui est son principal succès (plus de 100 000 exemplaires) de la période. Dans ce roman fantaisiste, il malmène certaines figures de l’intelligentsia comme Simone de Beauvoir et Michel Foucault. Tombant en dépression en août 1977, il ne réémerge que lors d’une période de rémission (octobre 1978-février 1979) qui lui offre l’occasion de publier un amusant portrait de Cambacérès (1978). Il se suicide durant la nuit du 12 juin 1979.

Notes
1. ↑ Entretien de Jean-Louis Bory avec Jérome Hesse en avril 1978, Gai Pied, n°36 ? mars 1982.
Jean-Marie Domenach (et non Jean-Michel)

?uvres
? Mon village à l’heure allemande
? Le pied
? Questions au cinéma (Editions Stock, 1973)
? Ma moitié d’orange (première publication en 1973 dans la collection Idéee fixe chez Julliard) vient d’être republié avec une préface de Dominique Fernandez, collection « Classiques H&O poche », Béziers : H&O, 2005. 10,8 x 17,8 cm. 128 pages. ISBN 2-84547-110-6

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