Les Tunisiens Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou étaient à l’affiche de la 6e édition du festival « Danse d’ailleurs » (1), initié par Héla Fattoumi et Eric Lamoureux les directeurs du Centre chorégraphique national de Caen. Entre le 22 mars et le 2 avril, le duo présentait ses deux derniers opus. Tandis que le second, « Kawa », un solo interprété par Hafiz Dhaou lui-même, se voulait une remise en jeu des codes chorégraphiques et le prélude à une nouvelle inspiration, le premier, créé quelques jours plus tôt au Théâtre national de Chaillot pour le Ballet de Lorraine, donnait justement à voir les lignes de force qui sous-tendent, depuis sa création, leur compagnie Chatha. Baptisé « Un des sens », il offrait, sur le thème du désir (2), un regard neuf sur les corps en pays du Maghreb. Dans un envoûtant processus d’effeuillage à la fois symbolique et réel, qui conduisait l’il du spectateur du groupe à l’individu et de la sphère publique à celle des émotions privées, Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou mettaient en scène les différentes combinaisons du rapport à l’autre. Derrière le voile blanc tendu en avant de la scène, des silhouettes elles aussi voilées de blanc se laissaient peu à peu entrevoir, dans une intimité troublante de gestes et de sentiments. De la force anonyme et enveloppante du groupe émergeaient progressivement des individus dansant en quête d’un ailleurs. D’abord occultée pour mieux masquer la sourde circulation des pulsions, la différence des sexes s’affirmait à mesure que se libéraient les corps. Par la seule grâce du mouvement et des lignes, les deux auteurs, formés au Centre national de danse contemporaine d’Angers, disaient sans tabous le bouillonnement de vie et de désir qui traverse tout un peuple.
1.Festival « Danse d’ailleurs » au CCN de Caen :[ccncbn]
2. Auquel se confrontaient également les deux autres chorégraphes de la soirée, le Sud-Africain Boyzie Cekwana et les Burkinabè Salia Seydou et Sania Boro.///Article N° : 10061
