Foutan Fonnkèr

De Danyel Waro

Le disque du mois
Print Friendly, PDF & Email

Il a fallu quatre ans à Danyel Waro pour se décider à sortir son second album. Comme pour Batarsité réalisé en 1994, les amis ont dû user de persuasion pour le convaincre à faire porter sa voix et le son de ses tambours au-delà des Hauts de Saint-Paul, coin de la Réunion où il fabrique kayan, bob, roulèr, instruments traditionnels du maloya, et où depuis 1975, à travers la poésie et la musique, il voue sa vie au combat contre l’oppression de sa culture.  » Grâce au maloya, j’ai pris du recul par rapport à la philosophie cartésienne, aux jugements trop conceptuels, précise-t-il. Le Maloya m’a remis en accord avec ma bâtardise.  »
Comme ses cousins antillais, le gwo ka et le bel-air, le maloya trouve son origine historique dans le chant des esclaves débarqués des terres d’Afrique. Longtemps cantonné dans une sorte de clandestinité, il devient avec les années 70 l’espace de résistance à l’alignement sur les paramètres culturels de la métropole, le défenseur d’une identité fondée sur la diversité et le métissage. Aujourd’hui, il sert de base musicale et philosophique aux créations modernes de nombreux artistes comme Ti Fock ou le groupe pluri-ethnique Ziskakan.
Blanc et blond, Danyel Waro porte également en lui cette histoire plurielle venue d’Afrique, d’Asie, d’Inde et d’Europe. La révolte, il lui a payé son tribu au début des années 70 avec deux années de prison en France pour avoir refusé de servir le drapeau tricolore. Foutan Fonnkèr, rassemble des morceaux composés entre 1978 et 1994. Entre le plus ancien, Banm Kalou Banm, et le dernier, Foutan Fonnkèr, le discours de l’artiste n’a subi ni déviation ni concession. La déculturation, la non-reconnaissance du créole comme langue à part entière, la départementalisation, l’exploitation, le départ des jeunes qui fuient l’île et le chômage, le 20 décembre 1848, date de commémoration des abolitions de l’esclavage pour celui qui se construit de nouvelles barrières dans la tête, sont les thèmes d’un combat permanent.  » Moi je dis que le vingt décembre meurt quand pour quelqu’un sa langue est un lien honteux, ses i et ses z, qu’il préfère se donner des airs, avaler ce qui vient de France s’en mettre plein la lampe, en parler ne pas la parler, à la manière de la Srecec pour éteindre, assécher notre langue « , lâche-t-il dans Foutan Fonnkèr – poème caustique récité sans musique. Une parole franche mais qui peut être ludique et tendre, comme celle qu’il délivre à Sami, son fils dans Alowar ou à Madeleine dans Madlinn, femme de 71 ans qui l’aida pendant ses années de prison passées en France. Accompagné de Fred Belhomme, Laurent Dalleau, Tikok Vellaye et Serz Dafrevil, le maloya de Danyel Waro navigue pendant onze titres entre violence et douceur avec cette voix vibrante à la façon de feu Eugène Mona, le poète révolutionnaire martiniquais qui, coïncidence insulaire, a comme lui voué sa vie à la musique, aux tambours et à la lutte pour la reconnaissance culturelle de son coin de monde.

Foutan Fonnkèr, de Danyel Waro (Cobalt)///Article N° : 1014

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire