FIA 1999 : Festival international de l’acteur de Kinshasa :

Un emblème de résistance

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A la cinquième édition du Festival International de l’Acteur (FIA) à Kinshasa dans un jardin au centre d’un quartier populaire, une pièce brazzavilloise de 85 minutes a fait vibrer le public kinois d’une intense émotion. Meilleur spectacle du festival quant au jeu des acteurs et au thème abordé, Couloir humanitaire est l’expression du ras-le-bol des populations subissant des guerres qu’elles n’ont pas voulues. C’est l’histoire poignante de la guerre de Brazzaville de décembre dernier, telle que l’ont vécue deux jeunes comédiens de la Compagnie Deso évoluant dans la province de Bakongo, où tout a commencé. Et parce que Kinshasa avait elle aussi eu sa guerre un peu plus tôt, spectateurs et acteurs n’ont pas su retenir leurs larmes chaque fois que passait la pièce.
L’organisateur du FIA, l’Ecurie Maloba, chère à feu Mutombo Buitshi (qui jouait le capitaine Bordure dans Ubu toujours, mise en scène de Richard Demarcy et Vincent Mambachaka, juillet 1994) a voulu à travers ce festival offrir aux Kinois d’autres images et d’autres sons. Des images et des sons différents de ceux des armes, mines, chars ou grenades. Pendant un mois environ, le Kinois a vécu sans eau et sans électricité, entouré de violence et de peur. Pendant près de sept mois, le Brazzavillois n’a cessé de parcourir des distances impensables à pied, déporté et dépouillé de tout.
Ce combat pour la sauvegarde des échanges et rencontres culturels du théâtre professionnel en RDC qu’incarne le FIA, relayé par les artistes internationaux participants, constitue finalement un emblème de résistance, d’indépendance et de volonté valable partout. Surtout lorsque gouvernement et institutions publiques focalisent toute leur attention sur une guerre qui refuse de finir dans un pays.
Cela pourtant n’entame en rien le tempérament du Kinois, qui se retrouve dans le combat de l’Ecurie Maloba pour apporter la beauté dans le quotidien. Kinshasa reste, malgré la configuration socio-économique et socio-politique de l’heure, aussi chaleureuse que sa renommée. Matonge arrose toujours la capitale de ses cabris kamundele, et de Ya Jean (la dernière trouvaille en viande). Car Kinshasa, avec sa prolifération de troupes théâtrales et de groupes musicaux, reste pour les uns et les autres, un marchand de rêve. Cette ville réputée pour son ambiance chaude et vertigineuse arrive à demeurer le berceau d’une fête africaine de théâtre aussi importante que le FIA. Cela marque symboliquement. Sony Labou Tansi n’écrivait-il pas qu’à côté du symbolisme africain, il y a bel et bien un art qui consiste à satisfaire le besoin humain de donner la parole au beau (L’Autre monde, écrits inédits, Ed. Revue Noire, 1997) ? Ce fut le leitmotiv de ce festival.
Heureusement que la culture est, comme on dit, ce qu’il reste quand on a tout perdu ! C’est ainsi que sous la direction de Nono Bakwa (dramaturge congolais de RDC), l’Ecurie Maloba a bataillé pour brandir haut l’étendard de la culture. On a pu voir des Ivoiriens et Camerounais faire la fête avec les Congolais des deux rives. C’était des moments forts, possibles car les réalités, comme ils ont pu le dire, sont les mêmes que chez eux. Alors à quoi bon se morfondre ? C’est en jouant sur la magie du spectacle autant que sur la nécessité du contact, des rencontres et des échanges que le FIA mène sa propre guerre contre les mochetés de la vie.

///Article N° : 1021

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