Le Maghreb des films

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Dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, les films maghrébins avaient encore droit de cité sur les écrans français, des projections étaient programmées dans les salles Art et Essai pour des films comme, par exemple, Les Mille et une mains (1971) du Marocain Souheil Ben Barka, Sejnane (1974) du Tunisien Abdelatif Ben Amar, Noua (1972) de l’Algérien Abdelaziz Tolbi, ou encore Le Charbonnier (1972) de Mohamed Bouamari et Omar Gatlato (1976) de Merzak Allouache, deux autres réalisateurs algériens. La production cinématographique d’Afrique du Nord, pourtant toujours aussi riche et diverse aujourd’hui – nous pourrions citer Pégase (2010) du Marocain Mohamed Mouftakir, Making of (2006) du Tunisien Nouri Bouzid ou encore La Place (2009) de l’Algérien Dahmane Ouzid – a totalement déserté les salles françaises avec la disparition, en 2006, de la Biennale des cinémas arabes, organisée depuis 1992 par l’Institut du monde arabe, laquelle, au demeurant, n’accordait qu’une portion congrue aux films maghrébins.

C’est ce qui a décidé un certain nombre de « professionnels de la profession » – Gérard Vaugeois, exploitant du cinéma Les 3 Luxembourg, ancien critique, producteur et distributeur de films, Bernard Gentil, ancien haut fonctionnaire aux Affaires Étrangères ayant travaillé en Algérie, Eva Roelens, ancienne collaboratrice de la Semaine de la critique du Festival de Cannes et moi-même, critique de cinéma, ancien animateur de l’émission Mosaïques sur FR3 dans les années quatre-vingt – associés à des amoureux du Maghreb, à lancer, en 2009, des rencontres cinématographiques annuelles ayant pour but de donner à voir des œuvres contemporaines et des films de répertoire issus de la Rive Sud, ainsi que des films français réalisés par des auteurs franco-maghrébins ou des cinéastes français originaires des pays du Maghreb, d’autant que ces derniers sont de plus en plus nombreux à diversifier le paysage audiovisuel français.
Le Maghreb des films (MDF) accorde également chaque année un espace de programmation pour l’expression des jeunes issus des banlieues… Il s’agit de différents collectifs qui se sont créés en banlieue pour traiter de problématiques propres aux quartiers dits défavorisés, tel le groupe de Bordeaux À part ça tout va bien, dont les réalisations ont été diffusées sur Canal+ après leur programmation durant le Maghreb des films.
Manifestation culturelle orientée vers l’échange avec le public, nombre de films sélectionnés servent de support à des débats aussi bien à caractère cinéphile que sur les sociétés d’origine et la société d’accueil.
Le MDF s’attache à faire circuler les films à Paris intra-muros (Les 3 Luxembourg), en périphérie francilienne ainsi que dans plusieurs régions de l’hexagone (Rhône-Alpes, Nord-Pas de Calais, Toulouse, Saint-Étienne, etc.). Ainsi donc, le MDF bénéficie d’un réseau national de salles de cinéma en extension et en comptait une quinzaine pour l’édition 2010.
Sont programmés des fictions, des documentaires, des films d’école de cinéma, courts-métrages (voir les 3 minutes réalisés pour Internet par le collectif bordelais). À part ça tout va bien, des films en langue berbère, des téléfilms, des œuvres sur la musique… Ont ainsi été projetés vingt-trois films dont treize inédits en février 2009, cinquante films dont dix inédits en octobre 2009 et soixante-seize films dont onze inédits en novembre 2010.
Durant ces trois sessions, des hommages ont été rendus à différents auteurs : Khaled Ghorbal, Nadir Moknèche et Biyouna en février 2009, Nouri Bouzid, Serge Moati, Nourredine Saïl, et Mohamed Abderrahmane Tazi en octobre de la même année, Philippe Faucon et Malek Bensmaïl en novembre de l’année suivante. Outre les hommages aux cinéastes et comédiens, la sélection se décline aussi par thèmes : les cinémas berbères d’Algérie en février 2009, les musiques en images en octobre 2009, le cinéma marocain, de la tradition à la modernité, et Alger ville cinématographique en novembre 2010.
Au chapitre de la fréquentation, nous avons enregistré 4 000 entrées en 2009 et 5 500 entrées en 2010, soulignant une montée en puissance de la manifestation qui répond, en outre, à une forte attente des cinéastes du Maghreb oubliés des écrans français depuis plus de deux décennies.
Hormis la section des inédits, la programmation 2011 du Maghreb des films qui aura lieu du 14 au 23 octobre 2011 est quasiment finalisée. Elle sera marquée par deux temps forts et une extension parisienne de nos lieux de projection. Nous appuyant pour cela sur nos réseaux personnalisés, la Tunisie sera particulièrement servie, de manière à être en résonance avec la « Révolution de jasmin ». Un à deux films de fiction seront sans doute présents, de même qu’une importante sélection documentaire…
Le deuxième temps fort de l’édition 2011 sera consacré au cinquantenaire du massacre des Algériens du 17 octobre 1961, pour lequel nous avons passé un accord de partenariat avec l’association Au nom de la mémoire. Le film Octobre à Paris (1963) de Jacques Panijel, censuré pendant une dizaine d’années jusqu’en 1973 et resté invisible depuis, sera projeté à cette occasion au côté d’une dizaine de films documentaires relatant cette page sombre de l’histoire des relations franco-algériennes.
Outre aux 3 Luxembourg, des films du MDF seront, pour la première fois, montrés à l’auditorium Rafiq Hariri de l’Institut du monde arabe et au Forum des images de Paris.
Quatre hommages seront rendus : à deux cinéastes tunisiens, Selma Baccar, pionnière du cinéma des femmes au Maghreb et Nacer Khemir, cinéaste à l’expression à la fois originale et singulière, ainsi qu’à deux cinéastes marocains : Moumen Smihi, réalisateur théoricien des formes d’écriture du 7e art, et Izza Génini dont l’œuvre considérable a révélé le genre musical Gnawa. Tanger sera mise à l’honneur en tant que personnage de cinéma et une sélection de films berbères nous viendra du Maroc et de l’Algérie… Autre événement parmi les inédits, la présence de Pégase (2010) de Mohamed Mouftakir, primé dans de nombreux festivals dont le Fespaco à Ouagadougou en février 2011.
En dehors de ses éditions annuelles, le MDF organise aussi chaque mois des projections-débats aux 3 Luxembourg avec des films récents, anciens ou inédits, fictions et documentaires confondus. Ont ainsi été projetés entre autres, Lamine la fuite (2005) de Samia Chala, Premiers pas (1979) de Mohamed Bouamari, Où vas-tu Moshé ? (2007) de Hassan Benjelloun, Daniel Timsit l’Algérien (2009) de Nasredine Guenifi, Le Matrouz (2010) de Simon Elbaz & Annie Brunschwig, Les Sacrifiés (1983) d’Okacha Touita, ou La Montagne de Baya (1997) d’Azzedine Meddour…
Le MDF se prolonge également par un soutien à la diffusion en salles. C’est ainsi que Making of de Nouri Bouzid et Où vas-tu Moshé ? de Hassan Benjelloun ont connu une carrière commerciale. De la même façon, Fissures (2009) de Hicham Ayouch sortira en salles en 2011, ainsi que sans doute La Mosquée (2010) de Daoud Aouled Syad et My Land (2010) de Nabil Ayouch. Enfin, le MDF envisage une action – actuellement en pourparlers – en direction de l’édition vidéo…

///Article N° : 11193

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