Samedi, la révolution ou les espoirs de la jeunesse algérienne

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Samedi, la révolution, pièce de Arezki Mellal, mise en scène par Rachid Akbal, dresse le portrait d’une jeunesse algérienne pour qui les 50 ans d’indépendance n’ont pas répondu à ses aspirations. Sur scène, Rachid Akbal, Souhade Temini et Kamel Abdelli prennent le spectateur à parti et s’élèvent contre une classe politique corrompue et une société patriarcale.

Samedi, la révolution, fruit d’une rencontre entre Rachid Akbal, metteur en scène d’origine algérienne vivant en France, et Arezki Mellal auteur de théâtre resté en Algérie, offre un regard croisé sur la jeunesse algérienne.La pièce s’inscrit dans la continuité de la Trilogie Algérienne de Rachid Akbal. Composée de trois volets, Ma mère l’Algérie, Baba la France et Alger Terminal 2, elle explorait déjà les méandres de l’immigration. À cette thématique de l’exil, chère à Akbal et Mellal, s’ajoute celle de la volonté de changement de la jeunesse. En effet, lorsque les deux auteurs débutent leur collaboration en décembre 2010, les manifestations de la jeunesse algérienne se multiplient et la révolution de Jasmin en Tunisie en est à ses prémices.
Samedi, la révolution s’inspire d’une nouvelle écrite par Arezki Mellal en 2001 : Que se passe-t-il à Rotterdam ? Kamel, jeune Algérien de Bab El Oued se fait volontairement arrêter à Rotterdam et jeter en prison dans l’unique but de rester sur le Vieux continent. Sur scène, le spectateur retrouve le jeune homme dans sa cellule à quelques jours de sa sortie de prison. Lui qui n’y avait jamais cru et avait préféré les quatre murs d’une prison néerlandaise à l’Algérie est aujourd’hui rempli d’espoir à l’idée que son pays puisse connaître une nouvelle révolution. Son récit s’entremêle aux histoires de ceux qui sont restés. Kader, son ami d’enfance, et Fatima qu’il a abandonnée le jour de leurs fiançailles pour partir à Rotterdam.
Entre ici et là-bas, Samedi, la révolution traite des deux côtés de l’exil. S’exiler c’est trahir. Mais pas seulement, partir c’est aussi « mourir un peu ».
Le personnage féminin, Fatima, tient le rôle central de la pièce. Elle symbolise la mère patrie. Elle est celle que Kamel quitte et qu’il continue d’aimer. Elle est aussi celle que Kader, resté au pays, aime en secret. Histoire d’amour chère au metteur en scène car comme Rachid Akbal aime à le répéter, il s’agit de « raconter la petite histoire dans la grande ». Mais ce qui fait de Fatima le personnage fort de Samedi, la révolution tient davantage à sa détermination comparée à celle des deux personnages masculins.
Au fil de la pièce, les récits s’entrelacent sans que jamais les trois personnages ne se rencontrent. La scène, partagée entre la cellule de Kamel, la rue et un cyber café, délimite des espaces-temps différents. « C’est la théorie des mondes parallèles. Chacun dans son univers pense à l’autre, parfois en même temps, sans le savoir », explique l’énergique Rachid Akbal qui interprète également le rôle de Kamel.
Dans la ligne de ce que le metteur en scène appelle le « théâtre du dire », qui se veut plus narratif et où les comédiens prennent le public à témoin, les trois personnages racontent le « dégoutage » des « haitistes » (1), la persistance d’une classe politique corrompue alors que Fatima s’élève plus particulièrement contre la société patriarcale. Grâce à une bande-son réalisée par Margariga Guia et un jeu de lumière imaginé par Hervé Bontemps, le spectateur est tantôt embarqué au milieu d’une foule scandant des slogans, tantôt le bruit des talons d’une femme seule le transporte dans une ruelle sombre.
Samedi, la révolution vibre du ras-le-bol d’une jeunesse pour qui les 50 ans d’indépendance n’ont pas répondu à ses aspirations, ni personnelles ni en tant que groupe.

Les prochaines dates
Jusqu’au 7 du mardi au samedi à 19 heures et le dimanche à 15 heures au Théâtre de Belleville – 94 rue du faubourg du Temple – 75011 Paris
Les 14 et 15 février à 20 h 30 à L’Avant-Seine/Théâtre de Colombes – Parvis des Droits de l’Homme, 88 rue Saint-Denis, 92700 Colombes
Le 17 février à 16 heures à l’Espace 89 – Centre Culturel Max Juclier 157 Bd Gallieni, 92390 Villeneuve-la-Garenne

1. Le dégoutage est un néologisme algérien qui connote à la fois l’ennui et la déprime. Un haitiste est littéralement une personne qui s’adosse au mur (el hait) toute la journée afin que celui-ci ne s’écroule pas.///Article N° : 11312

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Les images de l'article
Rachid Akbal dans Samedi, la révolution © Catherine Van den Steen





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