Continuer un travail de transmission

Entretien d'Anaïs Pachabézian avec Fatoumata Diabaté, photographe

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L »Alliance française d’Accra a accueilli du 18 au 21 février 2013 une résidence photographique pour treize photographes amateurs (1) venues du Ghana, du Nigeria, de l’Ouganda et des États-Unis (2). Organisée en partenariat avec l’African Women’s Development Fund (AWDF) et dans le cadre de la Journée internationale de la Femme, l’objectif de cet atelier était de professionnaliser les pratiques de ces photographes. Cette résidence a été animée par la photographe malienne Fatoumata Diabaté, lauréate du Prix Afrique en création en 2005 et du prix de la Fondation Blachère en 2011 [ici].
Retour sur cette résidence avec Fatoumata Diabaté avec la collaboration de Sandra Parthonnaud de l’Alliance française d’Accra.

Comment est née l’idée d’organiser cette résidence photo à l’Alliance française d’Accra ?
Fatoumata Diabaté : Tout a commencé par un besoin pratique. Je devais améliorer mon niveau d’anglais qui était insuffisant. L’Institut français de Paris m’a mis en relation avec le directeur de l’Alliance française d’Accra. Dès notre premier échange, j’ai senti que nous pouvions mener des projets ensemble. J’ai intégré l’équipe du service culturel de l’Alliance française et très rapidement, l’idée de mettre en place une résidence photographique est née. Pour moi, c’était la meilleure façon pour partir à la rencontre des jeunes photographes ghanéennes, tout en partageant mon expérience.
Qui sont les participantes ? Quels sont leurs profils ?
J’ai rencontré des femmes aux parcours très différents, mais qui envisageaient toutes leur travail et leur vie comme un moyen de se définir en tant que femme indépendante et engagée. Certaines d’entre elles souhaitaient professionnaliser une pratique déjà existante : travaillant dans le milieu de la communication ou en tant que journalistes, elles voulaient perfectionner leur pratique photographique, d’autres s’étaient engagées dans la défense des droits de la femme. Certaines sont venues par simple curiosité, afin d’apprendre à manier leur appareil photo.
Vous précisez que les photographes sont amateurs. Pourquoi avoir choisi des photographes amateurs ?
Ma première idée était de m’entourer de photographes professionnelles pour ce workshop. Puis, en discutant avec plusieurs personnes de l’Alliance française et de l’African Women Development Fund, j’ai réalisé que ce thème était l’occasion parfaite pour initier un atelier pour des photographes amateurs, comme pour moi, qui ai reçu ma première formation en photographie sur le thème de la Femme. Ces échanges m’ont permis de réaliser l’importance de transmettre ce qui m’a été appris : c’est grâce au centre de formation audiovisuel Promo Femme et au Centre de formation en photographie de Bamako que j’ai pu trouver ma voie. Je voulais continuer ce travail de transmission et d’initiation.
Pourquoi avoir travaillé autour de la thématique des femmes ?
La première chose qui m’a marquée à mon arrivée à Accra, a été de voir le dynamisme de cette ville et notamment de ses femmes : Accra est pleine de contrastes, cela se reflète dans le statut de la femme, qui peut avoir des rôles majeurs dans la société ghanéenne comme effectuer les tâches les plus difficiles. Je trouvais important d’immortaliser cette énergie féminine si particulière. Cette thématique s’inscrivait par ailleurs dans la série d’événements organisés par l’Alliance française Accra et AWDF dans le cadre de la Journée de la Femme.
C’était aussi pour moi une façon de boucler la boucle, j’ai été initiée à la photographie au centre de formation audiovisuel Promo Femme de Bamako, où la première thématique que j’ai abordée était celle de la Femme.
Comment s’est déroulée la résidence ? Quel était l’objectif recherché ?
Ça a été une expérience très enrichissante pour elles, car la plupart manquaient de connaissances techniques. Au-delà d’une formation pratique, j’ai essayé de provoquer un réveil artistique, afin qu’elles ne voient pas leur travail uniquement comme un savoir-faire, mais aussi comme une création.
Cette résidence a permis de révéler plusieurs photographes prometteuses et de créer un réseau de soutien commun. J’ai essayé de faire en sorte que cette résidence ne se résume pas à un événement mais qu’elle permette à ces femmes de pouvoir s’entre-aider dans leur pratique artistique et leur évolution professionnelle.
Pour celles qui souhaitent continuer dans cette voie, j’ai ainsi mis en place une formation courte à la photographie d’événements culturels, dans le cadre des événements autour de la Journée de la Femme qui ont été co-organisés avec l’African Women’s Development Fund. C’est à l’occasion d’un Book Slam le 8 mars que les photographies sélectionnées pendant la résidence ont été projetées lors de la performance.
Je tenais à cette idée que cette résidence puisse rebondir sur d’autres événements, s’inscrire dans un cadre général et ne se limite pas à une seule rencontre.
Sandra Parthonnaud : L’idée était de créer une sorte de réseau de photographes semi-professionnelles permettant de créer une cohésion entre elles. Concrètement, ce tissage de lien s’est exprimé par la volonté de Fatoumata d’informer les participantes sur des questions pratiques qui pouvaient se poser pour des photographes femmes, par l’invitation commune de ces femmes à des événements de l’Alliance française, que ce soit pour se retrouver dans le cadre d’un événement culturel, ou pour pouvoir pratiquer ensemble la photographie.
Fatoumata les a invitées aussi à les contacter si elles ont des questions techniques ou des entretiens professionnels. Elle les informe par ailleurs lorsque des résidences, appels à projets, événements ont lieu.
L’idée donc est de permettre l’émergence d’un groupe soudé, ce qui facilite leur entrée dans le marché professionnel et de faire de l’Alliance française un lieu leur permettant de se retrouver et de s’exercer ensemble.
Fatoumata, comment avez-vous accompagné ces jeunes femmes ? Quel est votre ressenti par rapport à cet atelier ?
FD : J’ai cherché à accompagner ces femmes en leur donnant des sources d’inspiration multiples, que ce soit en leur exposant le travail de différents photographes, en leur proposant des angles d’approches, des pistes de travail, ou en menant une réflexion commune sur les clichés qui ont été pris tout au long de la résidence. J’ai beaucoup aimé animer cet atelier, j’ai apprécié la motivation et l’engagement qui s’en dégageaient. Le résultat, la sélection finale, en est le meilleur exemple.
Est-ce la première fois que vous animez un atelier de ce type ? Qu’avez-vous appris de cette expérience pour votre propre pratique ?
FD : C’est le deuxième atelier que j’anime, le premier concernait un tout autre public, des enfants d’écoles primaires de Montreuil, à qui j’ai expliqué le dispositif du sténopé. Nous avons fabriqué ensemble des boîtes permettant de reproduire le système de la photographie. Bien que le contexte ait été très différent, l’idée était la même, pouvoir partager mon travail et ma passion. Cette résidence en particulier m’a permis de prendre une certaine assurance et de m’affirmer dans ce rôle éducatif.
J’ai été surprise aussi de voir la qualité des clichés résultant de cette résidence. J’ai ainsi appris que l’on pouvait avoir de hautes ambitions quels que soient les participants, professionnels ou amateurs.
Et pour l’Alliance française, quel bilan tirez-vous de cette résidence ?
SP : L’Alliance organise régulièrement des ateliers, résidences, mais qu’en ce qui concerne la photo, c’était une première, organisée grâce à la présence de Fatoumata. Cette résidence a créé une émulation certaine, cela nous a permis de désigner plusieurs photographes de talent, de rassembler ces jeunes femmes autour d’une envie commune, de réfléchir à la possibilité d’exposer ces photos à d’autres occasions.
Nous sommes ravis de voir que cet événement n’est pas resté figé dans le temps qui lui était donné, mais qu’il trouve chaque fois de nouvelles retombées, de nouveaux échos. C’est donc une expérience à renouveler !

Anaïs Pachabezian

1. Rencontres photographiques au Ghana : une résidence pour les femmes amateurs du 8e art?

2. Liste des photographes participantes à l’atelier :
Abena Sekyiamah – Ghana
Adwoa Gyimah – Ghana
Ayli Adamseh, Ghana
Anita Cobbinah – Ghana
Efua Smith – Ghana
Mavis Gardiner – Ghana
Monica Jeannormil – États-Unis
Onyinye Okechukwu – Nigeria
Paulina Kaimabo Timbillah – Ghana
Roxanne Scott – Etats-Unis
Sarah Mukasa – Ouganda
Selasie Cornelia Djameh – Ghana
Sena Dede Ahadji – Ghana
Sophia Kpebutso – Ghana///Article N° : 11399

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Les images de l'article
© Roxanne Scott - États-Unis
© Paulina Kaimabo Timbillah - Nigeria
© Sarah Mukasa - Ouganda
© Anita Cobbinah - Ghana
© Efua Smith - Ghana
© Selasie Cornelia Djameh - Ghana
© Sena Dede Ahadji - Ghana





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