Femme de combat/Combat de femme 11 : Le féminouchi de la go Nash

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Avec la série Femme de combat/Combat de femme, Africultures vous propose des portraits choisis de femmes. Elles utilisent leur art ou tout simplement leur voix, pour parler, montrer, décrire la place de la femme dans la société. L’occasion pour Africultures de compléter la thématique de son magazine interculturel Afriscope, consacrée en janvier et février à la question du féminisme.

Activiste de la scène rap ivoirienne, Nash défend ses « sœurs » dans des textes plein d’humour. Son missile sol-air de la rime s’appelle le nouchi.
On aurait tort de la sous-estimer en raison de sa petite taille et sa mine joviale. Nash a du mordant et le sens de la saillie qui te met KO. Surtout quand elle t’affronte sur son terrain favori : le nouchi. Un créole urbain, instauré par la jeunesse ivoirienne, qui emprunte à diverses langues locales mais aussi au français, et qu’elle a érigé en académie, au point de traduire l’hymne national : l’Abidjanaise, en mots nouchi. Quand on lui demande ce qu’il y a derrière nouchi elle récite amusée, comme pour un devoir scolaire, sa propre définition : « N pour langue nationale. O pour originalité U qui prône l’unité C créole ivoirien H basé sur l’humour I identité culturelle. » Cette identité culturelle Nash alias Natacha Flora Sonloué la défend bec et ongle depuis qu’elle est en âge de prendre le micro.
La go de Yop
Originaire de Guitrozon, dans l’Ouest du pays, Natacha fait ses premiers pas « rapologiques » dans la ville de Man. Une autre « gomi » va l’influencer dans cette voie : la rappeuse Priss-K, dont elle admire un jour une prestation en Live sur la chaîne nationale, la RTI. « Je sentais bien son style et sa manière de faire » avoue Nash. Natacha est douée et se rode avec les groupes The Best et Collecteeth exceptionnel. Mais il lui manque encore cette griffe qui la fera sortir du lot quelques années plus tard. En 1998, sa famille s’installe dans la commune de Yopougon, à Abidjan. C’est un terreau propice à la création, réputé pour son activité nocturne et ses maquis. Les rappeurs Billy Billy et Garba 50 en sont notamment issus. Surtout, Nash se familiarise avec la subtilité de la langue nouchi et les réalités des quartiers populaires. « Yopougon m’a grave inspiré. Il y a la joie, la galère, Il y a de tout c’est un « toutouya ! »
Maso contre les machos
Nash écume les rues de « Yop city », y puisant son style fait de dérision, de punch line « nouchysantes » et de piques bien senties. Mais son entrée dans un milieu dominé par la gente masculine n’est pas du gâteau. Elle se fait rabrouer par des collègues qui lui font sentir qu’elle ferait mieux de chanter du zouk ! Seulement la jeune femme est têtue comme une mule « Je suis maso ! Chez nous ça signifie : quelqu’un qui ne lâche pas prise ! » L’obstination finit par payer. Invitée par son aîné Boni sur la compilation Enjaillement elle sort le savoureux Première djandjou, parodie du Premier gaou de Magic system. En nouchi le terme djandjou désigne une fille légère qui se vend pour de l’argent ou des avantages matériels. L’air de rien et avec une verve comique, elle s’en prend à la société ivoirienne et l’image dégradée de la femme qui y est véhiculée. « La femme est chosifiée, sexualisée, « mougoulisée » martèle Nash. On ne la respecte pas suffisamment. Quand voit une femme ici, on la prend automatiquement pour une fille facile. J’essaie aussi de sensibiliser les sœurs qui s’adonnent à ces pratiques. Il faut qu’on éduque plus les femmes, qu’on les aide à s’exprimer, qu’on leur donne plus de postes importants. » Le constat est lucide sur la société et ce n’est pas un hasard si son album s’intitule… Ziés dédjas, les yeux ouverts en nouchi. Dans le titre Respectons notre corps elle enfonce le clou sur la condition féminine. Sans faire de démagogie elle fustige les hommes qui sont « beaucoup malos » et pointe les jeunes femmes laissées pour compte, déscolarisées, celles qui sont obligées de se tchou pour daba (se prostituer pour manger)

Une battante
Comme parler c’est bien, agir c’est mieux, Nash s’engage sur le terrain. D’autant plus que c’est une boule d’énergie. « Je n’attends pas qu’on me tende la main. Je suis tout le temps au fer et au moulin. Je me bouge dans tous les sens ! » Récemment, elle a participé à une campagne organisée par l’ONG « International Rescue Committee » contre les violences domestiques faites aux femmes. En ressort un single enregistré avec le chanteur de Reggae Kajeem intitulé Brisons le silence. Dans la foulée elle a fait un titre pour l’Onuci en faveur de la paix dans le pays. Pour Nash dont la famille guéré a été endeuillée par la crise, ce n’est pas une initiative parmi tant d’autres. « Ce qu’a vécu la Côte d’Ivoire on ne peut pas le souhaiter, même à son ennemi. On gagnerait à être ensemble, à laisser les politiciens dans leur politique et à vivre, s’unir pour aller de l’avant. » Nash est convaincue que cette unité passe par la promotion des artistes. Parallèlement Nash a créé sa structure : Nouchy Arts « C’est aussi un cadre pour mes frères musiciens. Il s’agit de leur mettre le pied à l’étrier en les mettant en relation avec d’éventuels mécènes. » Entre-temps, Nash a déménagé à la Cité Bourgeois de Marcory, à Abidjan. Elle y a créé un festival de quartier à vocation solidaire. « On a tenu à associer l’école primaire du secteur aux bénéfices récoltés pour repeindre la façade, acheter des bancs supplémentaires. » Enfin, dernier cheval de bataille pour cette stakhanoviste : relancer le Hip-Hop ivoirien, en berne ces dernières années, avec le festival Hip-hop enjaillement. La première édition a réuni quelques caciques du genre, dont Didier Awadi, Brasco, Almighty et Steezo. Reste que la culture a un coût et que les subventions ne sont pas légions. « On te fait payer des salles très cher ici. Pourtant dans d’autres pays, on met tout à la disposition des artistes. Ça fait que tu es obligé de te défendre tout seul. Les autorités doivent réunir les conditions pour créer ! » Avis aux amateurs.





///Article N° : 11409

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