« Notre devoir est d’améliorer la place des immigrés dans notre société »

Entretien de Carole Dieterich avec Cécile Duflot

Print Friendly, PDF & Email

Le projet pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) de la ministre du Logement et de l’Égalité des territoires, Cécile Duflot, devrait améliorer le droit et la participation des résidents dans les foyers. Il sera examiné par les parlementaires le 10 septembre 2013. Dans cet entretien, Cécile Duflot revient également sur la situation des populations roumaines et bulgares, fréquemment menacées d’expulsion.

Quelle est la politique de logement du gouvernement pour les populations immigrées ?
Ma priorité est que les travailleurs immigrés puissent habiter dans des conditions de confort acceptables et qu’ils soient considérés comme des citoyens à part entière. Pour cela, il faut agir sur plusieurs leviers : d’abord sur les foyers de travailleurs migrants, qu’il faut transformer en résidences sociales et rénover.
D’autre part, dans le secteur privé, ils vivent souvent dans des conditions indignes et sont la proie des marchands de sommeil. Le projet de loi Alur contient des dispositions pour empêcher ces derniers de sévir et obliger les bailleurs indélicats à rénover leur logement.
Enfin, il faut aussi accompagner les personnes immigrées pour leur permettre d’accéder à un logement « autonome » si elles le souhaitent, notamment pour pouvoir accueillir leur famille. C’est un des objectifs de la réforme du mode d’attribution des logements sociaux. Elle simplifiera les démarches, rendra ce processus plus transparent et permettre une meilleure prise en compte des demandes de ces populations.
Le Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants initié en 1997 pour accompagner leur transformation en résidence sociale n’a toujours pas été achevé. Comment l’accélérer ?
La mise en œuvre de ce plan s’est heurtée ces dernières années à des problèmes, notamment dus à la taille des structures ou à la question du relogement provisoire pendant les travaux. Ce Plan a été révisé : près de trois cents foyers ont été à ce jour transformés, ou sont en voie de l’être. Je souhaite ardemment que ce plan, financé par l’État et Action logement, soit achevé dans les meilleurs délais.
Que révèle ce regain d’intérêt pour ces immigrés aujourd’hui âgés pour la plupart ?
Une grande partie des travailleurs qui ont participé à la reconstruction et au développement économique de notre pays vieillit aujourd’hui dans des foyers construits à la hâte à partir de la fin des années 1950. Améliorer les conditions de vie et la place de ces personnes dans notre société me semble essentiel, c’est notre devoir. Pas seulement parce que nous aurions une dette envers elles : tout simplement parce qu’elles font partie de nos cités, qu’elles habitent ici, qu’elles doivent avoir toute leur place et vivre dans des conditions dignes.
Le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté en janvier 2013, comporte un volet destiné précisément à améliorer les conditions de logement et de vie des personnes résidant dans les foyers de travailleurs migrants.
Comment leur garantir des conditions de vie acceptables et adaptées à leur âge ?
En renforçant l’aide à la gestion locative sociale à hauteur de quatre millions d’euros, le gouvernement a donné plus de moyens financiers aux résidences sociales pour améliorer les conditions d’accueil et d’intégration des résidents. Par ailleurs, je suis très attachée à l’existence de lieux de vie collective. Générateurs de lien social, ils répondent aux attentes et aux besoins des travailleurs migrants âgés. Enfin, le gouvernement travaille pour que les travailleurs migrants bénéficient de toutes les aides existantes pour les personnes âgées (soins à domicile, minimum vieillesse, etc.) et des aides au logement.
Envisagez-vous une transformation du statut des résidents ?
La participation des résidents est pour moi une question essentielle. Le projet de loi Alur prévoit des dispositions sur la participation des personnes accompagnées et hébergées. Je suis très attachée à ce que progresse le droit dans les foyers – singulièrement celui du respect de la vie privée.
Serait-il souhaitable de se diriger vers un modèle d’autogestion à l’image du foyer du Centenaire à Montreuil ?
L’erreur serait sans doute de croire qu’il est souhaitable de décliner un modèle identique partout. La clé de voûte réside dans une démarche participative et innovante, qui associe à la définition des projets les maîtres d’ouvrage, les gestionnaires, les collectivités locales et les résidents eux-mêmes. Nous devons faire le pari de l’intelligence collective.
En mai 2013, le Défenseur des droits dressait un bilan démontrant que la circulaire du 26 août 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement du démantèlement des campements illicites, n’avait été que très partiellement appliquée. Comment améliorer cette situation ?
L’application des décisions de justice pour l’évacuation des bidonvilles, notamment les plus insalubres, est une nécessité. Néanmoins, ces évacuations doivent impérativement faire l’objet d’actions mobilisant tous les acteurs (services de l’État, collectivités, associations) le plus en amont possible. Et ce, dans le but d’établir un diagnostic de la situation de chaque ménage pour les accompagner vers la forme d’habitat pérenne la mieux adaptée à leurs besoins.
En France, certaines villes mettent sur pied des dispositifs dits « villages d’insertion » qui pour les populations venues de Roumanie et de Bulgarie. Quelles sont les alternatives possibles à cette politique souvent désignée comme paternaliste ?
Toutes les solutions doivent être mobilisées et en priorité celles du dispositif d’hébergement et d’accès au logement de droit commun. Cependant, des solutions spécifiques et adaptées doivent également être proposées notamment pour mettre un terme à l’insalubrité des bidonvilles. C’est le cas des villages d’insertion qui, comme toutes les structures d’hébergement, doivent être dotés d’un règlement intérieur permettant une vie en collectivité respectueuse des droits et devoirs de chacun et prévoir un accompagnement des résidents vers un projet d’autonomie.

N.B. : En raison d’un agenda chargé, cet entretien a été réalisé par échanges de mails.///Article N° : 11779

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire