Kelibia 2013 : de l’enjeu politique du cinéma amateur dans la culture du cinéma tunisien aujourd’hui

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En plein sit-in au Bardo, entre deux marches contre le gouvernement en place, s’est déroulé du 25 au 31 août dans une petite ville de la côte est de la Tunisie, la 28ème édition du Festival du Film Amateur de Kelibia (FIFAK).

Créé en 1964, le FIFAK est la manifestation cinématographique la plus ancienne de la Tunisie indépendante, et le rendez-vous incontournable de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs. Porteuse depuis 1962 d’une longue tradition de cinéma amateur, la FTCA fut pendant longtemps l’accès privilégié à la formation pour un nombre conséquent de réalisateurs et techniciens actifs encore aujourd’hui en Tunisie, comme par exemple Kaouther Ben N’Hia ou Selma Baccar, la première femme réalisatrice en Tunisie aujourd’hui élue à l’Assemblée constituante. Si l’avènement des écoles de cinéma et des formations à l’audiovisuel avait remis en cause cette fonction première, la chute du régime de Ben Ali puis les attaques répétées contre la culture du gouvernement conduit par Ennahda ont redonné à la FTCA une raison d’être. A quelques jours du FIFAK, la poursuite par le ministre de la Culture du réalisateur Nasreddine Shili qui lui avait jeté un œuf lors de la commémoration du décès d’un artiste à Tunis, et l’arrestation d’un caméraman, Mourad Maherzi, qui couvrait l’événement pour Astrolabe TV pour avoir filmé l’incident (1), avait suscité l’indignation. Les attaques directes et répétées contre des artistes et contre la liberté d’expression ont régulièrement mobilisé la communauté du cinéma et montrent, tout comme la création à la mi-juillet 2013 d’un Mouvement Culturel Révolutionnaire (MCR), combien depuis le début de la révolution tunisienne les enjeux de la culture sont avant tout politiques. La résistance aux pouvoirs autoritaires en place et la lutte pour la liberté d’expression sont liées à l’histoire de la FTCA, des valeurs souvent rappelées lors de cette dernière édition. C’est au croisement de ces deux temporalités, le présent suspendu de cette révolution et de la crise profonde de la culture qui l’accompagne, et le demi-siècle d’une histoire empreinte de nostalgie de la FTCA que se situent les enjeux de cette 28ème édition du FIFAK. Il s’agira ici de comprendre une démarche au point de rencontre d’une intention, d’une histoire à plusieurs temps et de différents publics mus par des motivations et des conceptions du cinéma très diverses.

I – La cérémonie d’ouverture donne le « la »

Le FIFAK, ce sont des publics distincts qui comme dans tout festival, se côtoient, se regardent, circulent entre différents espaces empruntant ici les taxis jaunes de la ville qui font office de transport public, et interagissent plus rarement. Les invités, membres du jury, intervenants, logent dans deux grands hôtels sur la côte. Ils assistent principalement aux projections, et interviennent dans des Master class, des ateliers ou débats, ils sont le plus souvent francophones. Les membres de la FTCA logés à l’Ecole de pêche pour les hommes et à la Maison des jeunes pour les femmes, sont les plus assidus, en priorité aux débats et aux projections, mais également aux Master class et autres rencontres. Et la jeunesse kélibienne est présente en petit nombre aux débats et massivement aux projections, des projections nocturnes qui constituent le point vers lequel tous les publics convergent une fois la nuit tombée. Le festival soucieux de s’inscrire dans la vie culturelle d’une petite ville plutôt que d’y implanter un événement exogène gère tout, y compris le service d’ordre assuré par quelques volontaires.

Le FIFAK, c’est d’abord une grande fête, celle des retrouvailles de toute une communauté construite autour d’un fort attachement à la FTCA, ce sont des nuits passées ensemble autour de la piscine de l’hôtel, des discussions jusqu’au petit matin. Le FIFAK, c’est aussi l’alternance dans une régularité quotidienne de diverses activités, des Master classes le matin, des débats sur les films en fin d’après-midi et des projections en plein air à partir de 21h30 dans l’hémicycle de 1200 places assiégé par une jeunesse qu’on aurait pu à première vue imaginer peu réceptive à des formats, des genres, et des productions assez éloignées des schémas standards de la culture de masse. La rareté des événements culturels de cette envergure dans cette région à l’écart de la métropole tunisoise et de l’afflux épisodique lié au tourisme de masse dans certaines villes côtières, contribue sans doute à cette popularité.

Électrisée par les soubresauts politiques du présent, le public tunisien a vibré ensemble dès la cérémonie d’ouverture, exprimant son rejet du pouvoir en place et arborant quelques cartons rouges, « Ra7il », ou « Dégage » en arabe, ceux-là mêmes qui avaient été brandis la veille dans la marche vers le Bardo, à Tunis. Alors même que le FIFAK bénéficie du soutien de la ville, le Maire à qui on a reproché son alliance avec Ennahda, a dû se retirer sans pouvoir prononcer un mot sous les huées d’une foule refusant collectivement devant des invités ébahis, d’écouter le mot de bienvenue. Tournant les projecteurs vers les gradins les plus éloignés de la scène et de l’écran, cet incident nous rappelle la force mobilisatrice de l’événement au-delà de ce qu’il est, et nous rappelle que la culture n’existe pas sans les publics qui se l’approprient dans leurs propres termes. Incidemment, il nous rappelle aussi que les questions sont posées en Tunisie, par des Tunisiens, en tunisien et que les regards sont résolument tournés vers les pays arabes. L’actualité politique syrienne et égyptienne est revenue régulièrement dans les conversations.

Cette édition avait d’ailleurs mis la Palestine à l’honneur avec la présentation hors-compétition, à l’issue de cette cérémonie, d’un film au sujet passionnant, Gaza 36mm (2010, 47′) de Khalid El-Muzayen sur la culture du cinéma et la vie des cinémas dans la bande de Gaza après la seconde guerre mondiale. La mise en scène de soi de Khalid (le réalisateur), personnage du film – figure solitaire saisie dans des plongées saillantes qui opèrent comme une métaphore de la claustration – fait de ce documentaire une démarche très personnelle. On a pu regretter certains choix esthétiques, en particulier une bande-son omniprésente, qui assomme les spectateurs leur laissant à peine le temps de regarder les images des quelques vestiges de salles disparues, d’entrer dans ce monde peu connu des spectateurs de cinéma à Gaza, si loin de ce qu’on imagine Gaza. Les témoignages convergent dans une condamnation de l’Islamisme pour avoir lutté davantage contre la société que contre l’occupation, un message que les publics présents ont très bien entendu. Tout un programme documentaire était aussi consacré à la Palestine la nuit suivante.

II – Les méandres de deux sélections internationales et nationales assez déséquilibrées

a) Une compétition internationale conventionnelle dans son propos

Il est difficile de rendre compte de l’hétérogénéité des films en compétition sans entrer immédiatement dans des jugements de valeur, ce qui n’est pas mon propos. La sélection internationale qui comptait vingt-huit films a rassemblé des œuvres du pourtour méditerranéen et du Moyen Orient, l’Iran et l’Egypte, la Syrie, le Kosovo, l’Irak, Les Emirats, le Liban, le Maroc, l’Algérie, la France et bien évidemment la Tunisie avec six films, comme de Pologne avec six films également. Cette sélection a clairement privilégié le conte qui permet la dépiction d’univers sociaux souvent violents explorés à travers le regard (faussement) naïf d’enfants, une vision tirant ainsi les récits vers l’universalité. Universels mais aussi conventionnels, l’optimisme rare de Bleu ciel (Syrie 2013, 3’6) de Wassim Khachlène, couleur du rêve d’un enfant qui veut une bicyclette, et qui l’obtient d’une main inconnue en ayant fait la demande écrite au ciel, ou Il fait nuit à l’extérieur (Irak 2012, 14’30) de Darine Salam raconte le quotidien d’une jeune fille qui dessine le rêve dans une école qui, à l’inverse, le réprime. C’est aussi Le Jeu (EAU 2012, 5’35) de Salah Nes qui suggère la solitude d’un enfant qu’un gros 4×4 rutilant dépose pour un match de foot auquel il ne participe pas, exclu de la bande de copains d’un quartier populaire qui l’ignore. Le conte, c’est aussi l’univers très poétique de La Grenade, fruit du paradis (Iran 2013, 15′) de Taimour Ghadiri qui construit l’amitié d’un garçon et d’une fillette contre la vigilance de la mère soucieuse de soustraire sa fille à l’éducation partagée par le garçon et aux désirs que celle-ci pourrait faire naître. Filmé dans un magnifique décor naturel, la dimension picturale repose sur un petit nombre d’éléments visuels et narratifs symboliquement forts, un pull jaune et vert, des bottes en plastique, la bande magnétique d’une cassette. On retrouve aussi une symbolisation plus classique, le poisson rouge, dans Le Cercle (Egypte 2013, 14′) de Kamel Mallekh qui esquisse l’inexorable détérioration de la relation entre un père rigide malmené au travail et son fils qui subit en silence les brimades. La dureté du monde, le déni d’amour ou l’incapacité à le communiquer s’incarnent dans des figures de pères castratrices comme, par exemple, dans Et moi ? (Maroc 2013, 6′) d’El Houssain Chani, un cinéaste amateur marocain. Initialement abstraite, inexpliquée et sans visage, filmée de dos face à un mur, cette figure violente qui cache la silhouette de son fils soumis à ses coups, isole l’enfant prostré. Cette œuvre formellement assez aboutie, avec des lignes de force liées à un travail sur le cadrage, a remporté le Faucon de bronze. Constituant collectivement une vision du monde assez sombre, ces trames narratives qui sont ancrées dans un clivage générationnel fort, hantées par la solitude de l’enfance et la violence du présent, sont étrangement à des lieux de toute vision révolutionnaire. Au contraire, la projection dans un futur radieux ne tient plus que du miracle.

Bon nombre de films d’animation ont aussi été présentés, pour la plupart dans une esthétique soignée mais qui restent anecdotiques dans leur propos, si ce n’est la très belle réalisation, Le Bien, la beauté et la vérité (Pologne 2011, 7′) de Balbina Bruszewska, une histoire là encore très conventionnelle de migration et d’indifférence à l’autre. Le film retrace le voyage d’un homme migrant qui a emmené avec lui son monde, un paradis perdu, dans sa valise et qui le ressort de temps à autre avec une grande nostalgie sans que celui-ci n’intéresse plus personne dans ce nouvel ailleurs. La Plage (Pologne 2013, 5′) de Pawel Prewencki passe par un coup de crayon primesautier de la page blanche, à la plage, au soleil, aux vacances, et à l’amoncellement des déchets dans une évocation assez drôle d’un phénomène environnemental qui dépasse les frontières du pays de production, pour devenir d’une pertinence singulière en Tunisie.

À noter quelques démarches cinématographiques tentant de créer un regard ou un univers inédits. Dans un film assez drôle qui a remporté le Faucon d’argent, Le Bruit (Pologne 2011, 7′) de Prezemyslaw Adamski, l’espace de vie du protagoniste soumis au vacarme se rétrécit jusqu’à le rendre physiquement prisonnier de cette puissance menaçante. Dans Catharsis (Egypte 2013, 7’10), Alya Aymen, une caméra rivée sur son corps, crée dans le mouvement des parallèles entre des activités qui relèvent de ses deux cultures égyptienne musulmane et américaine occidentale, la prière et la danse, un petit film naïf qui contourne habilement les clichés pour trouver un ‘je’. D’autres esquisses demeurent inabouties, c’est le cas, par exemple, de Rogalik (2012, 17′), de Pawel Zimilski, une caméra documentaire caustique avec une caméra très mobile qui suit les figures isolées de chacun des membres d’une famille s’adonnant frénétiquement à ses écrans et activités dans la plus grande indifférence à l’égard des autres jusqu’à la fuite éperdue de la caméra.

Néanmoins, quelques films ont dominé cette projection et fait l’unanimité, en particulier le Faucon d’or, la plus haute récompense du FIFAK, accordée à Sous le drapeau (Iran 2013, 21′) d’Ismael Moncef. L’histoire de ce soldat malgré lui qui n’a de cesse d’enfreindre le règlement arbitraire, violent et déshumanisant d’une institution grotesque dans sa police des corps. Récupérant une jupe accrochée aux barbelés de la caserne, il part à la recherche de sa propriétaire fantasmée, ce qui le mène à tous les étages d’un immeuble. Des portes s’ouvrent, autant de vignettes sur la diversité des valeurs et des mœurs d’une société complètement hétéroclite. The Wedding Tape/La Bande du mariage (Kosovo 2011, 18′) d’Ariel Shaban évoque le désir aveuglant d’émigrer, à travers la fable douce-amère d’un homme sommé par l’administration de produire une vidéo de son mariage fictif afin de pouvoir émigrer et dans laquelle il fait jouer le rôle de la mariée à son ex-petite amie. Beyond/Au-delà (Kosovo 2012, 26′) d’Ujkan Hysaj est un film fort sur la violence inouïe de la guerre vue à travers une file de voitures qui tente de passer un barrage ennemi afin d’échapper à une mort certaine, une évocation en flash-back traversée par une tension insoutenable.

Animé par le désir d’inclure, le festival n’a pas de définition « officielle » de ce qu’est le cinéma amateur. Cette catégorie qui intègre à la fois « les films amateurs, films indépendants et films d’écoles, de toute origine, de tout genre en 16mm, MiniDV, DVCam, Beta », ne prend pas en ligne de compte la taille de l’équipe de production, ce qui crée dans la compétition un important déséquilibre entre des pays qui soutiennent activement une telle production – certains génériques révèlent des productions quasi professionnelles – et les autres. Ainsi, les très beaux films iraniens et kosovars qui ont dominé la sélection sont le fruit d’une organisation qui n’a rien à voir avec les bouts de ficelle de la production de la Fédération tunisienne. Ils ont ravi les publics, mais relèvent-ils du cinéma amateur dans l’esprit du FIFAK ? Quoi qu’il en soit, l’ambivalence vis-à-vis de la qualité des films tunisiens n’est pas liée au manque de moyens.

b) Une compétition nationale en deçà du moment suspendu de l’Histoire ?

La compétition nationale qui regroupait cette année les étudiants des écoles et ceux de la FTCA, comptait vingt-trois films, dix d’entre eux réalisés par des étudiants en écoles de cinéma, huit par des membres de la FTCA et cinq par des indépendants. C’est Le Mur vous demande… ça va ? (Tunisie 2012, 3′) d’Ahmed Hermessi qui a gagné la Médaille d’or. Un mur blanc, un plan fixe et une succession rapide de graffiti aussitôt effacés pour laisser la place à de nouveaux slogans, autant de traces de la profonde transformation politique et culturelle de la société tunisienne en l’espace de quelques années, un condensé très drôle de l’histoire tunisienne récente, à voir en intégral ici :

Les réalisatrices étaient bien représentées dans ce palmarès. La médaille d’argent est allée à Lou (Tunisie 2013, 26’28) de Lara Lotz. Le film construit un univers de science-fiction gris, métallique et technicisé, dans lequel la sélection des individus s’établit sur des critères de beauté construits par la publicité, les tentatives de l’héroïne de passer dans la catégorie supérieure se soldant par des échecs. La solitude déshumanisante de ces êtres mis en concurrence permanente au regard d’une idéalité marchande des corps, est assez bien évoquée même si la dernière partie de la rencontre amoureuse construite par le contraste des couleurs, des rythmes et de la musique, est malheureusement plus kitsch et moins réussie. Dans une composition formelle, largement abstraite en noir et blanc, Sabrina Naes, étudiante à l’ISAAM, propose à travers Le fils de l’homme (2013, 10’41) une évocation énigmatique, construite comme une porte de Janus, un espace seuil dont on ne sait jamais s’il est ouverture ou fermeture, début ou fin et dans lequel circule un enfant, avec un beau travail sur la musique. Ce film a obtenu a reçu la Médaille de bronze. Dans « … » (Tunisie 2013, 3’33), Lilia Ben Achour crée dans un monde tout en blanc une figure mi-barbie/mi-ange armée d’une énorme épingle à nourrice qui détruit tous les ballons roses qui l’entourent, une évocation légère d’un univers féminin aseptisé, s’agit-il d’amour, de sexualité, ou de la volonté d’en découdre avec les clichés on en sait. Si l’idée première de ce film qui n’a soulevé aucune réaction parmi le public, n’a pas été pleinement exploitée, on voit apparaître des imaginaires créés par des femmes qui sont distincts, ce qui pose la question des dimensions sexuées du regard.

Des couleurs chez les Nuances (Tunisie 2013, 4’55) de Mohamed Hamemi constitue un bel hommage au film muet, un film complexe dans la forme, simple dans le récit, une histoire d’amoureux empêchés, avec le recours à l’animation. À noter aussi, l’ovni assez anachronique d’une jeunesse rebelle, Kerta l’autre (2013, 4’34) de Sami Belhaj, un film qui cite Baudelaire et John Cage refuse tout récit, au sens d’histoire racontée. On pourrait opposer ce dernier au récit à l’inverse très abouti de Pulsion meurtrière (2013, 16′) de Khalil Baraket, un film sur la jalousie meurtrière d’un jeune homme dont l’efficacité relève du film de genre. Cet étudiant en 1ère année d’études à l’ISAAM entré dans la compétition en indépendant puisqu’elle est réservée aux années supérieures, montre une vraie maîtrise de la construction narrative même si le film est loin de la conception du cinéma prisée au FIFAK.

Les documentaires qui constituaient une dimension importante de cette sélection, sont issus le plus souvent du désir de mise en valeur du patrimoine. C’est par exemple le cas d’Au pays des mères vieilles (Tunisie 2013, 15′), assez belle évocation personnelle du retour à la culture d’origine et du désir de faire l’expérience des rites de la culture berbère, le tatouage en particulier. Néanmoins, dans l’ensemble, cette sélection très inégale soulève de vraies questions, certains films ne remplissant pas les conditions minimales de mise en images d’une histoire ou d’un sujet. Les jurys dans leur présentation des palmarès ont évoqué le manque de qualité de la production, en particulier du documentaire, souvent « anecdotique »… Serait-ce par un manque ou une absence de réflexion sur ce que sont les enjeux du cinéma amateur aujourd’hui ? Alors même que les publics montraient leur mobilisation, l’engagement politique était largement absent dans les films présentés.

Quelques semaines plus tard, le FIFAK a laissé place aux Rencontres de Hergla, repoussées au mois de septembre du fait de l’actualité tunisienne, puis au Festival International du Film des droits de l’homme à Tunis… Les manifestations se succèdent, avec elles les projections, circuit privilégié de la mise en valeur des films produits au Maghreb et dans le pourtour méditerranéen. Elles témoignent de l’engagement très souvent bénévole d’acteurs déterminés à ce que vive le cinéma quel qu’en soit le coût personnel. Que reste-t-il de toutes ces projections si des institutions nationales ne soutiennent en parallèle les initiatives ainsi que des activités plus pérennes, c’est-à-dire si ces institutions ne donnent à ces acteurs les moyens d’exister ? Notre mémoire ne gardera que quelques images qui chemineront, on ne sait pas toujours pourquoi, dans le for intérieur de chacun. Car si des films comme Sous le drapeau, La Grenadine, fruit du paradis, La Bande du mariage ou encore Beyond, restent en mémoire, c’est parce qu’ils correspondent à ce qui a fait la force du film d’auteur depuis plus d’un demi-siècle : ils s’appuient sur une conception du cinéma forgée en réaction à certains modes de production industriels. Qu’en est-il aujourd’hui de cette jeunesse présente au FIFAK ? Qu’en est-il de ces réalisateurs et réalisatrices en herbe qui présentent leur film ? Quelle vision ont-ils du cinéma ? Peuvent-ils se reconnaître dans des formes qui appartiennent à une culture du cinéma d’une autre génération ?

III – Du FIFAK à la FTCA : une identité vécue de l’intérieur mais qui reste en suspens !

Même si les compétitions constituent paradoxalement l’apothéose de ce grand rituel, les films projetés ne sont pas au centre des enjeux de cette manifestation. Le FIFAK est le rendez-vous annuel des membres d’une Fédération nationale qui compte 17 clubs répartis à travers la Tunisie et qui sont, plus que les invités officiels, au cœur d’une manifestation qu’ils portent et qui leur est destinée… La dimension identitaire forte se construit davantage de l’intérieur par un présent de l’être et du faire ensemble, dans l’immense énergie investie collectivement dans l’organisation, dans la fête le soir, et cela même pour des membres dont l’adhésion est très récente, que par une communication vers l’extérieur structurée et relayée par les accroches d’un plan de communication clairement élaboré. (2) Au FIFAK, l’évolution entre les générations de la FTCA est claire, les jeunes, à peine sortis du lycée ou étudiants, logés à l’Ecole de pêche ou à la Maison des jeunes, sont là pour présenter leurs films, pour apprendre le cinéma dans leurs propres termes. Ceux qui au tournant de la trentaine viennent en famille, ont rejoint la coordination, et sont logés avec les invités au Palmarina ou à la Belle Étoile. La plupart des femmes disent n’avoir plus de temps à consacrer à la réalisation, tout en participant très activement à l’organisation de la manifestation, les enfants accompagnant souvent leurs parents aux projections tardives. Le sentiment d’appartenance ne s’exprime donc pas uniquement à travers une participation à la réalisation de films.

La FTCA subventionnée par le Ministère de la Culture qui achète aussi les films réalisés, opère sur un budget très limité. Dans l’année, chaque club comptant de façon réglementaire entre sept et vingt membres, organise son programme de formations en autonomie. Celles-ci sont dispensées par des membres ayant développé des compétences spécifiques ou par des professionnels invités. La Fédération quant à elle organise deux formations annuelles au niveau national, en décembre et en mars, à laquelle chaque club peut envoyer un nombre limité de ses membres. Ces formations sur cinq jours sont intensives et les participants ont le choix entre différents aspects de la réalisation d’un film, atelier d’écriture, formation à l’image, etc.

A partir de là, la FTCA, c’est une histoire, mais l’histoire d’un présent éternellement renouvelé qui peine à trouver aujourd’hui les termes de sa transmission. Certaines traditions perdurent, comme par exemple la mobilisation autour du FIFAK et une réelle capacité d’organisation, ainsi que le débat collectif très vif et critique qui suit les projections, ceci étant une dimension inhérente à la culture du cinéma associative en Tunisie. Mais pour ce que nous avons pu suivre, ce rituel performatif se vide petit à petit de son sens écartelé qu’il est entre les films réalisés et les grilles de lecture qui sont privilégiées. La culture du cinéma demeure ancrée dans une conception du cinéma d’auteur qui associe certaines formes filmiques et certains modes de représentation du monde, en particulier la crise intime de l’individu issu de la modernité construite dans l’image, une problématisation du monde que les films tunisiens réalisés ne véhiculent plus que très rarement, sauf peut-être justement dans des films comme Le Fils de l’homme. Donc, des films dont le propos demeure aujourd’hui abstrait face au vécu au jour le jour de cette transition politique, économique et culturelle de la Tunisie du moment, aux aspirations que celle-ci fait naître et aux énormes frustrations que le présent engendre aussi. Certes, la révolution partout présente dans les esprits est trop encombrante, et elle n’apparaît plus directement à l’image.

D’où une injonction contradictoire, adhérer à une culture du cinéma en décalage avec la puissance du moment, gratter la surface de l’événement sans pouvoir mettre cette expérience nouvelle dans les formes légitimées par la communauté. La révolution et le développement des formes qui lui donnent du sens répondent toujours à des temporalités différentes, d’où l’écart actuel. Dans cette impasse, les films se réfugient dans des productions qui ne sont pas encore signifiantes ou de pâles évocations de formes contemporaines. Un exemple assez frappant de ce décalage est sans doute Break out (Tunisie 2013, 7’22) de Youssef Bouafif qui explore la transformation de l’individu dans son rapport aux écrans, et qui emprunte assez maladroitement sa forme au clip et au jeu vidéo, ce que le débat dans les termes donnés ne peut que lui reprocher puisqu’il tourne le dos à une cinéphilie plus « classique ». Mais que faire d’autre ? Comment rendre compte par l’image de ce rapport permanent aux écrans qui transforme les rapports interpersonnels, le rapport des individus au monde, à la politique et à eux-mêmes ?

Comme l’avait déjà remarqué Kmar Bendana, membre du jury de la compétition nationale, dans une conversation, c’est qu’en Tunisie la réalité du moment est plus intéressante, plus palpitante que la culture ou l’art… Alors même que le FIFAK était le lieu de l’expression répétée du rejet fort de la politique culturelle menée par le gouvernement, quelques tee-shirts oranges du Mouvement Culturel Révolutionnaire apparaissant de temps à autre parmi le public ou les invités, il est étonnant de voir l’écart entre l’engagement politique exprimé et l’absence de films tentant de construire, à tout le moins de proposer un nouveau regard politique sur les réalités contemporaines. La révolution a-t-elle emporté en même temps que l’issue devenait incertaine toute expérimentation du politique ? On peut en douter. Il existe bien évidemment une dimension politique dans les évocations de la pénibilité du travail industriel, dans l’hommage aux mineurs du phosphate, comme dans les effets de la migration sur la cellule familiale dans le documentaire La Place du déshérité (Tunisie 14’15) d’Alaedine Abdellah. Partout, le mal-être social transparaît sans jamais vraiment trouver les formes renouvelées de son expression. 10 de la capitale (2012, 23′) d’Hamdi Jouini condense le désespoir d’une population qui se sent oubliée à seulement dix kilomètres de Tunis. Là encore, la force étonnante des témoignages reste à la surface de cette actualité brûlante, celle d’un immense désarroi et d’un profond ressentiment qui n’est pas analysé ni mis en perspective. L’urgence et la volatilité du moment comme l’ampleur des enjeux rendent illisible l’expérience du présent dans sa quotidienneté. Si les grilles de lecture qui permettraient de donner du sens aux événements font cruellement défaut, qu’en est-il des grilles de lecture qui donnent du sens aux films ?

IV – Les points aveugles de lignes de faille culturelles, linguistiques et générationnelles

a) Dans l’intention et le format

La majorité des intervenants conviés à cette manifestation qui apportent avec eux, une expérience, des savoirs, des perspectives et un regard plus distanciés, était venue de France, d’Espagne, etc. Ils et elles sont partis de leur vécu et de leurs valeurs décrites en termes très personnels, afin de mettre à la portée d’un public dont ils ne connaissaient pas bien les attentes, une démarche mûrie sur des années. Maria Ruido a tenté de faire partager un attachement à la dimension politique de la vidéo, pour en faire une autre histoire. Le documentariste Gilles Nadeau ayant à son actif la réalisation de plus d’une centaine de documentaires, a montré comment il a pu entrer dans l’univers d’Iggy Popp ou celui de Pierre Clémenti et rendre compte de présences foudroyantes et meurtries. Pauline Dairou, monteuse du beau film étrange de Raja Amari, Les Secrets, sur trois femmes qui vivent recluses dans une ancienne demeure coloniale, a parlé du travail de monteuse et de son rapport au cinéma, à travers quelques exemples, en particulier Vengo de Toni Gatlif. Evoquant la dynamique des plans, la nécessaire fluidité d’un film, l’accumulation d’énergie, elle a rappelé que le cinéma est le seul art pour lequel l’étape du montage existe et qu’un film n’est jamais l’aboutissement des différents éléments d’un scénario mis bout à bout. Le travail du monteur dit-elle, est « d’accompagner le réalisateur dans ce travail de révision » qui est en quelque sorte un travail de deuil. Dans le choix des exemples évoqués, on voit clairement ici le désir qu’avaient les intervenants de partir de sujets auxquels un public jeune pouvait être sensible, même si in fine ce même public est resté en retrait.

Les jeunes membres de la FTCA, les hommes surtout, ne cachaient pas un certain désappointement vis-à-vis des Master Classes. L’écart était patent entre les attentes d’une génération accrochée à son propre projet et des intervenants cherchant les termes dans lesquels exprimer une expérience pour qu’elle prenne du sens. Non pas tant que les jeunes contestaient ce qui était présenté, mais ils n’en voyaient pas la pertinence au regard de leurs préoccupations. Apprendre à faire un film, c’est concrétiser une idée à partir d’une démarche qui permet d’arriver au meilleur résultat. Ils étaient venus pour participer à des ateliers, découvrir du matériel et des techniques, acquérir des savoir-faire qui leur permettent de faire avancer leur propre idée. Cet attachement presque viscéral à la mise en œuvre et à l’aboutissement d’un projet dans lequel la maîtrise devient la clé « de la réalisation », ne laisse aucune place à la curiosité, au décentrement et la réflexivité pourtant indispensables. Et là, le manque de circulation entre les espaces, au-delà du temps même de la Master class, contribue à l’éloignement progressif des visions. Les intervenants invités et les jeunes qui vivent dans des espaces séparés, accaparés par des emplois du temps et des activités différentes, n’interagissent guère au-delà de la rencontre formalisée. Ces Master class sont en français, une langue de moins en moins bien maîtrisée par les jeunes générations, tandis que les débats sur les films sont en arabe et inaccessibles aux francophones qui ont d’autres activités, jurys et échanges avec les pairs, les festivals constituant un lieu de rencontre et de travail essentiel pour tous les gens de cinéma. Tant et si bien qu’au final, on peut se demander s’il existe vraiment un espace commun et une langue commune à travers laquelle associer une démarche au long cours et des conversations autour de nouveaux projets en cours.

b) Les enjeux de la transmission d’une culture de cinéma

À l’inverse, la génération des formateurs comme les intervenants invités reprochent à ces jeunes leur inculture du cinéma, de ne pas connaître et de ne pas s’intéresser aux « classiques », et donc de ne pas comprendre le cinéma. Prisonnière de son histoire prestigieuse, la FTCA aborde la question de la transmission de sa conception du cinéma, de ses valeurs et de ses savoir-faire dans une forte tension générationnelle. Depuis de nombreuses années, des voix s’élèvent dans ses rangs pour déplorer l’absence d’intérêt des jeunes pour l’histoire du cinéma. Les formes qui sont devenues l’expression légitime des révolutions sociale, culturelle et technologique des années 60, peuvent-elles ou doivent-elles devenir celles du rapport de la jeune génération à l’Histoire ? On est en droit d’en douter puisque ces formes filmiques ne sauraient constituer l’essence du cinéma, même si toute une histoire et des institutions tentent encore aujourd’hui, et bien au-delà de la Tunisie, de les construire comme telles. Elles n’en sont au mieux qu’une forme très aboutie de son passé récent.

En outre, s’il est vrai que les jeunes se détournent tant par ignorance que par opposition de ces corpus légitimes, on ne peut pas pour autant dire qu’ils ignorent l’Histoire. Quelle que soit la qualité de productions, les films qui portent sur le patrimoine tunisien sont très nombreux : ils posent un regard sur les traditions culturelles des communautés berbères dans le désert du sud tunisien, les traditions de fabrication artisanale, explorent la détérioration d’obscures demeures beycales, chroniquent des projets de réhabilitation. Ces films attestent que de nombreux réalisateurs considèrent naïvement le cinéma (amateur ?) comme un outil privilégié de préservation, une capacité technologique à empêcher ou enrayer le travail du temps. Mais si la mutation technologique en cours rend l’acte de filmer accessible à tous, que reste-t-il au cinéma que le téléphone portable ne peut pas faire ? Filmer n’est pas réaliser un film. Vouloir faire Histoire sans même envisager un instant les conditions par lesquelles un film amateur peut garder la trace d’un patrimoine et donner du sens à celui-ci révèle une vraie naïveté et peut vouer tout projet à l’échec. Les images prolifèrent…à tout vouloir garder, tout disparaît dans une masse confuse dépourvue de sens pour les petits publics que ces films rencontrent. Ces questions constituent l’un des enjeux fondamentaux de la transmission aujourd’hui.

Dans un deuxième temps, ces questions sont indissociables du rapport des spectateurs aux films. La même mutation qui banalise la production d’images brouille considérablement les chemins par lesquels les films parviennent à leurs spectateurs en même temps qu’elle fond cette activité spectatorielle dans une multitude d’autres, le téléchargement et le partage de fichiers. Dans quelles économies de tels films s’intègrent-ils alors qu’un nombre infini d’images est disponible dans l’immédiateté du moment ? Comment, dans ce contexte, les spectateurs et spectatrices s’approprient-ils les films et leur donnent-ils du sens ? La revendication haut et fort par les jeunes d’une consommation massive de films est construite comme une manne inespérée : « je profite à fond du streaming et du téléchargement illégal. C’est une vraie chance pour nous. » Mais à la question, « quels sont les trois derniers films que vous avez vus ? », nombreux sont les répondants qui peinent à n’en citer qu’un seul. Dans ce contexte d’accessibilité illimitée et de consommation proliférante, comment s’opèrent les choix ? Comment donner du sens à une telle consommation des films, l’activité de spectateur dans ce rapport boulimique à des films en streaming qui s’approche de ce que les cinéphiles des années 50 ont toujours rêvé et revendiqué de faire mais qui ne l’est pas ? Et quelles formes peut-on donner à cette nouvelle expérience des films pour qu’elle reprenne du sens en créant des espaces qui soient aussi des lieux d’échanges sur la façon dont les jeunes la vivent ?

D’un côté, le FIFAK dans sa dimension collective a rappelé la tradition politique du cinéma amateur en Tunisie, mais, de l’autre, les films tunisiens présentés ne constituent pas ou pas encore une réflexion politique allant au-delà du constat brut. Quels sont les enjeux de la création cinématographique amateur aujourd’hui pour une fédération telle que la FTCA alors que la mutation technologique en cours rend l’acte de filmer accessible à tous ? À partir de quelle expérience, de quelle culture et de quelles connaissances peut-on découvrir le cinéma et accéder à la pratique du cinéma, en particulier la réalisation ? Ces questions restent ouvertes.

VI – Conclusion – Ce qui demeure de la culture et des tabous, une révolution à venir ?

Au-delà de la formidable énergie de ce rituel festif qui témoigne de la volonté de faire exister le cinéma coûte que coûte, du plaisir de l’être et du faire ensemble, de l’accueil si chaleureux qu’on en aurait presqu’oublié la grave crise non seulement économique et politique, mais aussi de la culture que traverse la Tunisie, comment appréhender cette dernière édition ? La convergence thématique autour d’un nombre de sujets et de formes au final bien réduit, le conte en particulier, aurait pu surprendre, mais ne pouvons-nous l’interpréter comme une des réponses possibles à l’injonction contradictoire d’un attachement à une culture du cinéma ancrée dans des formes qui ne peuvent plus rendre compte de l’expérience vécue au quotidien aujourd’hui. Au cœur des questionnements justement la transmission, la filiation construite comme la dureté de relations familiales compromises par des conditions socioéconomiques délétères, des traditions qui étouffent l’individu et répriment toute velléité de liberté. Le déni de la revendication du droit à faire ses propres choix, à l’épanouissement personnel, exploré de façon très conventionnelle, constitue le métarécit de cette édition, réinscrivant le présent dans les normes narratives qui lui sont antérieures et extérieures.

Le recul de quelques semaines met aussi en évidence quelques absences qui suscitent à leur tour de vraies questions. Le rapport humain transformé par le cyber monde dans lequel nous vivons demeure très peu exploré, si ce n’est dans les images un peu télécommandées de Break out qui ouvre timidement un chemin. L’émigration clandestine est moins présente dans les œuvres tunisiennes ou du sud de la Méditerranée. La Bande du mariage / The Wedding Tape fait exception et propose une approche distanciée loin des images du désespoir suicidaire des brûleurs. Avec son simulacre de mariage, le héros obnubilé par son désir de tout quitter, ne voit plus ses sentiments pour son ex-petite amie qu’à travers le film tourné qu’il regarde alors qu’elle est déjà partie. L’amour et les rapports amoureux – mis à part l’amour filial ou son absence – sont singulièrement absents de cette édition. De la sexualité ou des sexualités, il n’est pas non plus question. Est-ce de la pudeur ? Les révolutions sont passées mais certains tabous demeurent intacts… de transmission donc, de transmission, il est question !

1. Mourad Maherzi avait été arrêté pour avoir diffusé des images, il a été libéré depuis mais les charges contre lui demeurent.
2. À ce titre, il est assez éloquent que le site web laissé en friche de la FTCA qui a depuis migré sur Facebook ne dérange personne.
///Article N° : 11824

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Les images de l'article
Le petit carton rouge "Dégage" © Patricia Caillé
Kmar Bendana (jury compétition nationale) © Patricia Caillé
Débat "cinéma de résistance" : Walid Tayaa et Naceur Sardi © Patricia Caillé
Pauline Dairou, monteuse, en master class © Patricia Caillé
Le Comité d'organisation du FIFAK © Patricia Caillé
La marche contre le gouvernement du 24 août © Patricia Caillé
Sit-in au Prado le 23 août © Patricia Caillé
Jeunes de la FTCA remplissant un questionnaire © Patricia Caillé
La marche contre le gouvernement du 24 août © Patricia Caillé
Jeunes de la FTCA au débat © Patricia Caillé
Le jury Compétition Internationale : Gilles Nadeau, Tawfik Abu Wael, Maria Ruido, Ahmed El Housni (et Moncef Dhouib absent à la cérémonie de clôture) © Patricia Caillé
Le jury compétition nationale : Elyes Baccar, Hatem Ben Miled, Marouen Meddeb, Kmar Bendana, Sondos Belhassen. © Patricia Caillé





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