« J’ai commencé ma carrière de dessinateur de BD par la fin… »

Entretien de Christophe Cassiau-Haurie avec Redouane Assari

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Au début des années 1970, Redouane Assari faisait partie de la jeune génération de bédéiste révélée par le magazine M’quidèch, première revue spécialisée dans le 9e art du Maghreb. Pourtant malgré un réel talent graphique et un souci du détail hérité de ses grands modèles comme Franquin ou Tillieux, il devra attendre plus de 40 ans pour voir son premier album édité. La faute en revient en grande partie aux événements qu’a connus son pays au cours de ces dernières décennies. Retour sur un parcours semé d’embûches qui illustre parfaitement une réalité souvent oubliée : la carrière d’un artiste est toujours dépendante de son environnement, et ce quel que soit son talent ou sa volonté de s’exprimer.

En 2010, Omar Zelig publiait votre biographie avec le titre suivant : Red one, l’énigme du mystérieux dessinateur oublié. Pourquoi ce titre, selon vous ?
D’une part parce que j’ai commencé à publier très jeune, à 17 ans, que j’ai ensuite arrêté pendant 15 ans. Quand j’ai repris le crayon, Zelig m’a repéré. Son titre est un clin d’œil aux effets de style de la BD franco – belge traditionnelle à laquelle je me réfère dans mon dessin. Et lorsque le Festival international de la Bande dessinée d’Alger (Fibda) est né, j’étais totalement oublié en Algérie. Zelig a suggéré à l’organisation de m’inviter en 2009 et du coup pour 2010 j’ai eu le prix de la reconnaissance !

C’est ce qui vous a permis de publier votre premier album ?
Bizarrement oui. Les périodes qui auraient dû être pour moi les plus productives, de 1974 à 1979, puis après 1992, ont été marquées soit par l’absence de publications, faute d’imprimerie, soit par le début de la terreur et mon départ pour Paris. Je dis parfois que j’ai commencé ma carrière de dessinateur de BD par la fin, avec ce recueil.

Mais votre carrière commence tout de même avec M’quidesh
Oui ma carrière a commencé à M’quidesh. Je dessinais sans arrêt mais je ne me croyais pas capable de devenir dessinateur de BD. En fait je dessinais surtout des voitures, ma grande passion ! Ça m’aurait bien plu de devenir un nouveau Jidéhem, mais je n’ai jamais osé rêver être un nouveau Franquin ou un nouveau Tillieux. Je n’ai jamais eu beaucoup d’ambitions. En 1969 quand M’quidesh a été créé, un camarade de classe vint me trouver et me proposa de m’y introduire par un de ses amis qui était interne au lycée et qui prétendait être le dessinateur star du journal (« Kapitia », qui en réalité était un Portugais, cadre politique du MPLA, le mouvement de libération de l’Angola, et réfugié à Alger). De rendez-vous raté en rendez-vous raté, j’ai fini par me présenter moi-même au journal et j’ai été embauché. Quand le directeur des éditions m’a demandé de lui présenter un scénario, j’ai évidemment proposé une histoire de bagnoles, vu que je ne savais pas tellement dessiner les personnages (j’étais un peu une sorte de Roger Leloup algérien, je crois), et surtout je n’avais aucune envie de raconter des histoires de chameaux, je ne connaissais qu’Alger, qui était une ville très européenne. Mais j’étais tellement content d’être pris que je me suis mis à travailler méthodiquement le dessin des personnages et j’ai vu que je n’étais pas si mauvais. Je dois avouer que je ne m’intéressais pas beaucoup à mes personnages ni à l’histoire. Ce qui m’a toujours passionné dans la BD c’est d’abord le trait (j’ai beaucoup cherché la bonne plume !) et puis ensuite le dessin des décors, les ambiances, crépuscule, nuit etc… J’étais un gros lecteur dans ma jeunesse, je lisais tout ce qui me tombait sous la main, des « Femmes D’Aujourd’hui » de ma mère au « Larousse du XXème siècle » en 6 volumes de mon père. J’étais très intello pour mon âge et pour l’époque, ce qui explique sans doute pourquoi je ne m’intéressais pas aux histoires de BD que lisaient mes camarades de classe. J’adorais (le mot est faible) Franquin et Tillieux. J’étais un enthousiaste des ambiances de banlieue industrielle parisienne ! Allez expliquer ça à Alger en 1970 ! Mais j’ai eu beaucoup de chance de trouver un support juste à l’âge idéal pour commencer. Les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup plus de mérite que moi à persévérer.

Qu’elles y ont été les séries ou les héros que vous avez développés dans ce journal ?
Je n’en suis pas très fier, ce n’était pas terrible ! J’assistais aux courses de voitures quand il y en avait à Alger et dans ses environs, et j’avais créé un personnage de jeune pilote amateur nommé Alilou (diminutif très algérois de Ali) qui bricolait ses propres machines. Il avait un alter-ego négatif nommé Si Grellou (Monsieur Cafard), un homme plus âgé, austère portant petite moustaches. Maintenant que j’y pense, c’était une sorte de caricature inconsciente du cadre du Parti (unique !), sur le modèle de la rivalité comte de Champignac/Zorglub. Ce malfaisant gaffeur dont les stratagèmes malhonnêtes se retournaient systématiquement contre lui, se bricolait aussi ses propres engins, dont une Traction-Avant Citroën portant aileron réglable (c’était l’époque des Chaparral !) et dont un gros carburateur américain dépassait du capot, ainsi qu’une Cadillac 62 (de 1950) truffée de pièges à la James Bond. J’avais créé aussi un personnage plus vraisemblable, H’midouche Boudmagh, toujours un peu centaure puisqu’il était inséparable de sa vieille camionnette Citroën B14. On devinait qu’il devait avoir une petite affaire ambulante de commerce de légumes, comme il en existait tant à l’époque (et même aujourd’hui) pour alimenter les quartiers ou les villages de Kabylie. Dans ma tête c’était d’ailleurs un Kabyle d’Alger, portant « Shangaï » (une sorte de costume de toile bleue), marinière et béret basque. C’était la panoplie classique à Alger du travailleur modeste et du voyou du port. Le directeur des Éditions m’avait refusé les dix planches (entièrement terminées) sous prétexte que le béret basque ne « faisait pas Algérien » ! J’ai transformé en fulminant le béret en chèche avec de la gouache et ce fut accepté.

Jusqu’à quand a duré l’aventure M’quidesh?
M’quidesh a existé de 1969 à 1974. J’ai été publié la première fois dans le numéro d’avril 1970. Je partageais une double page d’illustrations de vulgarisation scientifique avec Brahim Guerouj qui débutait aussi. Il a été assassiné par les intégristes en 1995. Le journal ne s’est pas vraiment arrêté, l’équipe de salariés a continué à exister, sauf que l’impression offset qui était faite jusque-là à l’étranger (Italie, Espagne) devait être rapatriée, mais de retards en retards dans l’achèvement du complexe graphique, M’quidesh n’a repris que plusieurs années après et ce n’était plus vraiment le même journal.

Qu’avez-vous fait après ?
J’étais free-lance, la plupart des autres dessinateurs étaient salariés. Et même si je passais plus de temps sur mes BD qu’à étudier, j’ai quand même eu le bac et j’ai entrepris des études de dentiste qui ne me laissaient plus autant de temps libre. Ensuite ce fut le service militaire (deux ans) et la recherche d’un poste dans la Santé publique. Mes camarades avaient fait plusieurs tentatives pour relancer un journal de BD et je dessinais quelques planches à chaque fois, mais aucun projet n’a abouti. Le plus sérieux a été « Tim » en 88/89, qui m’a demandé beaucoup d’efforts mais en vain encore une fois. On avait eu la possibilité de publier des albums noir et blanc dans les années 1980, mais je n’en avais pas très envie je dois dire. J’ai toujours eu besoin d’être entouré. Je crois que j’avais le sentiment d’être trop marginal pour me confronter directement au public.

Vous n’avez donc jamais vécu de votre dessin…
En Algérie non, je n’ai jamais vécu du dessin, je dirais même que je n’en ai jamais eu l’idée ! Étant un garçon raisonnable, je ne voyais pas pourquoi j’aurais dû m’épuiser à faire un travail si dur, si peu reconnu et si mal payé alors qu’il m’était bien plus facile de devenir dentiste ! Par contre, à Paris je me suis immédiatement adressé aux agences de communication et ça ne marchait pas trop mal jusqu’au krach des années 2002-2003. J’ai donc vécu du dessin pendant pas mal d’années quand même, mais je confirme qu’il vaut mieux être dentiste (ou même plombier comme me le conseillait un ancien de Spirou !).

Quand avez-vous émigré en France ?
Je suis resté en France en 1994. Je n’avais pas l’intention d’émigrer, ça s’est fait un peu par hasard. Je n’avais pris de vêtements que pour un mois. Je n’ai pu avoir la carte de séjour permettant d’être salarié qu’au bout de cinq ans, en 1999, ce qui m’a maintenu dans une situation précaire pendant un bout de temps. Je n’aurais jamais pu tenir le coup en faisant de la BD à mon avis.

Avez-vous continué à publier en France hormis dans la communication ?
J’avais entamé une carrière de dessinateur de presse en Algérie qui marchait plutôt pas mal, avec la libéralisation de la presse, à partir de 1990. J’avais aussi commencé à publier régulièrement des articles sur l’histoire de l’automobile mais aussi sur le cinéma et le rock. J’étais donc plutôt dans une phase ascendante. J’avais enfin trouvé un entourage qui me soutenait et qui comprenait ce que je voulais faire, chose essentielle pour un dessinateur je pense. Ça peut paraître bizarre, mais je n’ai plus du tout retrouvé ça en France. Les gens trouvaient que j’étais bon et me faisaient travailler mais je n’ai jamais retrouvé le plaisir de travailler avec l’équipe du « Jeudi d’Algérie ». Du coup j’ai un peu perdu en motivation. On m’a proposé de travailler sur des projets d’albums mais j’avoue que j’étais un peu déçu. Je n’ai pas rencontré les gens qu’il me fallait, je n’ai pas su les trouver. Alors, comme je ne voulais pas non plus placer des dessins de presse sur ce qui se passait en Algérie, je me suis contenté de faire des dessins pour les agences. Un peu de tout, de l’illustration, du dessin technique en vectoriel, du réalisme, des gros nez et même des BD. Ça convenait à mes clients et ça me plaisait bien. Mais plus on s’éloignait des années 1980 et plus les desiderata des clients étaient austères, je voyais une sorte de volonté de prise de contrôle absolu de la part des gens qui détenaient les budgets. Je m’ennuyais de plus en plus et ça se voyait dans mon dessin. Quand les agences se sont mises à fermer, il fallait que je trouve autre chose, et on m’a proposé de créer une série de petits livres pour enfants. Là j’ai demandé à être salarié, mais ce fut un autre genre de galère.

Quelle galère ?
Un ami m’a présenté un commercial (lui aussi avait fermé sa société) qui avait un projet d’édition pour enfants. Il s’était plus ou moins porté garant. J’ai créé le petit personnage sur ses indications. On a réalisé quelques albums avec les moyens du bord et puis il a trouvé des financiers. Une société a été créée et j’ai demandé une part, ce qui me semblait logique. Mais quand il a fallu signer le contrat, je n’y étais plus que simple salarié. De plus il m’a fait signer un renoncement à mes droits sur le personnage et j’ai su plus tard qu’il avait déposé mon dessin initial à l’INPI en le signant de son nom. Il savait que j’étais étranglé financièrement par la faillite des agences qui me faisaient travailler et il en a profité. Par la suite un autre personnage (encore quelqu’un en faillite) s’est greffé sur l’histoire et a tenté de s’emparer de l’affaire en me discréditant et en faisant dessiner de nouveaux personnages par un autre dessinateur, après avoir pris soin de les déposer secrètement à son propre nom ! La société a heureusement fermé, après un autre épisode malhonnête : la propriétaire de l’affaire m’avait convoqué pour me faire signer un nouveau renoncement à mes droits, le premier étant visiblement trop mal ficelé. Le problème c’est que j’ai dû travailler comme un dingue pour suivre le programme démentiel sur lequel le gérant s’était engagé, et j’ai eu un décollement du vitré à l’œil droit, suivi quelques mois plus tard par une déchirure de la rétine à l’œil gauche. J’ai été opéré en urgence aux 15/20 et j’ai repris le travail à peine une semaine plus tard. Je dessinais d’un œil. Heureusement que ce n’était pas de la 3D ! J’en ai gardé de légères séquelles quand même.

Combien avez-vous sorti combien d’albums ?
En tout, seul ou avec des dessinateurs qui m’aidaient pour les décors (beaucoup de cathédrales !), on avait sorti 30 petits albums je crois, en deux ans. La société a été mise en liquidation en 2006. Déjà qu’à l’époque c’était mal distribué, alors aujourd’hui… C’est bien triste tout ça car je voyais bien que la formule aurait pu marcher. J’étais frustré parce que je n’étais pas écouté. Ce n’est qu’à la fin qu’on m’a dit qu’on aurait dû suivre mon avis.

Pardonnez-moi d’insister mais vous arriviez à en vivre tout de même ?
Quand ils ont commencé à être vraiment odieux, j’ai annoncé que je ne ferai plus une minute d’heures supplémentaires et je m’y suis tenu. J’étais donc salarié à 1 500 € nets et j’avoue que ce n’était pas si mal de passer à la banque à la fin du mois et de ranger mes crayons tous les jours à 18 heures. Quand je repense aux nuits blanches quasi-systématiques pour chaque commande quand j’étais indépendant, quelle horreur. Une fois on m’a appelé à 14 heures pour me demander deux planches de BD finalisées pour le lendemain 9 heures ! A l’époque internet n’existait pas, il fallait livrer en personne. Métro, RER et bus, j’y étais à l’heure dite après 18 heures de travail acharné. Les gens sont fous.

A quelle époque avez-vous cessé d’exercer votre métier de dentiste ?
J’ai exercé mon métier de dentiste de 1982 à 1994, mais en fait les dernières années je travaillais dans la communication pour la santé. À cause de l’effondrement des prix du pétrole en 1987, les caisses de l’État algérien étaient vides et les centres de santé ne pouvaient plus se fournir en petit matériel, en produits et en pièces détachées. Après un dernier soin pour un copain qui avait insisté pour que je le soigne, dans des conditions acrobatiques, j’ai demandé à ne plus exercer. Je fabriquais des projets d’affiches et des manuels de prévention (qui restaient généralement au fond d’un tiroir faute de financement). J’ai quand même réalisé pour une agence un dessin animé de 30 secondes pour la Sécurité routière. J’étais un peu un précurseur puisque l’animation avait été faite sur ordinateur, on était en 1992. J’ai improvisé une technique mixte, calques et scans. J’ai rencontré le mois dernier le directeur d’un studio de dessins animés en 3D qui m’a dit qu’il se souvenait très bien du spot et qu’il trouvait ça réussi ! J’étais un peu étonné mais ravi.

Actuellement vous vivez toujours en France ou à en Algérie ?
Je vis en France. J’aimerais bien partager mon temps entre les deux rives de la Méditerranée, si j’en ai les moyens un jour. Ça me rappelle feu M. Madoui, le directeur des Éditions nationales qui faisait régulièrement son apparition sur le seuil de l’atelier des dessinateurs et qui nous disait sur un ton de reproche : « Vous êtes des petits Français, je veux une bande dessinée algérienne ! » Lui-même avec son éternel costume rayé, sa pipe et sa culture française ne faisait pas tellement Haroun el Rachid non plus.

Actuellement, quels sont vos projets ?
À la suite de la période que je décrivais précédemment, je me suis mis à douter de ma capacité à gagner ma vie avec le dessin. Plus j’étais rabaissé et plus j’étais perfectionniste. J’y suis arrivé à la toute fin mais j’avais quand même pris un coup au moral. De plus la mode étant ce qu’elle est, on me demandait de dessiner dans un autre style. Les rares commandes d’illustration étaient apparemment réservées à cet étrange style naïf uniforme qui règne sans partage à Paris depuis la fin du XXème. J’ai essayé de m’y faire, mais j’y suis définitivement allergique ! Après une longue période d’hésitations, d’échecs, je me suis dit que le mieux était de revenir à mes fondamentaux : la ligne claire à la Spirou et les voitures. Et les choses se sont arrangées quasi instantanément. J’avais dessiné une page de BD et par le plus grand des hasards (par le biais d’un site internet très pointu consacré à la course automobile) j’ai pu la montrer à un éditeur de chez Glénat, qui m’a aussitôt dit qu’il était enthousiaste ! Vous imaginez ma joie et mon sentiment de revanche. La question du scénariste s’est alors posée et en attendant de trouver une solution, mon éditeur m’a proposé de me mettre à un projet d’art-book. J’ai proposé la Panaméricaine, une course au Mexique des années 1950. Un projet qui a pris beaucoup plus d’ampleur que ce qui était prévu au départ et qui exigeait un véritable travail d’historien du sport. Étant d’un naturel méticuleux, le travail de documentation m’a pris un temps énorme et le projet est loin d’être achevé. Le problème de la BD sur la course auto c’est que ça demande une masse importante de documentation aussi bien au scénario qu’au dessin, c’est assez lourd à mettre en place. C’est une série qui s’adresse à un public assez spécialisé (même si j’espère intéresser un public plus large) et je me suis dit que sans une connaissance approfondie du sujet on n’arriverait à rien. Finalement j’en suis revenu un peu à l’idée initiale d’écrire en duo et j’ai proposé à un ami réalisateur et familier des forums de F1 d’y réfléchir avec moi. Je resterais le « fournisseur d’idées » et la ressource documentaire, mon partenaire serait surtout un metteur en forme et un interlocuteur pour la psychologie des personnages et l’arrière-plan historico-politico-social.

On peut espérer que cet album verra le jour prochainement ?
Je suis tombé gravement malade en 2010 et au moment où je vous parle, je viens de subir ma troisième intervention chirurgicale en un an. Je me rends compte que j’ai oublié de signaler ma collaboration avec une petite revue, Tournesol, je suis en train de travailler sur une histoire. J’ai pris un grand plaisir à leur dessiner un conte de Noël, l’année dernière.

Vous ne parlez pas de votre album, La planète du Chomorkoul, publié chez Dalimen éditions il y a deux ans…
Comme je le disais, j’ai eu la joie de participer au festival de la BD d’Alger (le Fibda) à partir de 2009, grâce à mon ami Omar Zelig (mon compère du Jeudi d’Algérie en 1992), quelqu’un de très fin et de très cultivé, grand connaisseur de la BD franco-belge, qui a éclairci « l’énigme du mystérieux dessinateur oublié » puisque j’ai reçu le prix de la reconnaissance (qui porte le nom d’un pilier de M’Quidech, hélas décédé, mon ami Sid Ali Melouah) en 2010. On m’a demandé de présenter quelque chose pour 2011, et faute de temps, on avait choisi de reprendre la série qui plaisait beaucoup à Omar, « La Planète du Chomorkoul », une sorte de fable philosophique de SF, à l’origine destinée aux enfants et datant de 1988/1989, réécrite en français et pour un public adulte, truffée d’allusions à la situation de l’Algérie, sur sa relation au progrès, à la tyrannie, à l’intégrisme à l’hégémonie occidentale et surtout au second principe de la thermodynamique tout en étant inspirée d’une certaine S.F.. J’ai donc ajouté un épisode d’une vingtaine de pages pour boucler l’album. L’idée était de dessiner très vite, à la façon des dessinateurs-feuilletonnistes comme Hergé dans ses albums des années 1930. J’ai donc dessiné les 20 pages en un peu plus d’un mois, en travaillant sans interruption. Il m’a fallu quand même l’aide de mon ami Sami pour le découpage, qui a dessiné aussi la splendide rosace en arabesques de la couverture. Je dois dire que la finalisation trop rapide a sans doute nui à la lisibilité de l’album et que son discours était un peu abscons, mais il a eu des fans et pas des moindres. J’aimerais bien continuer la série, mais si je ne trouve pas mon lectorat il faudrait peut-être laisser tomber, je ne sais pas.

Que pensez-vous de la situation de la BD algérienne ?
On a la chance en Algérie d’être au début d’une belle renaissance de la BD et c’est le moment de tenter des expériences. Je dois dire que je ne suis pas très intéressé par les scénarios sociaux ou sentimentaux, je ne me vois pas du tout faire ce genre de truc (ou alors pour le tourner en dérision). Quand j’étais petit, je trouvais les « BD de culturistes » genre Blek, Akim ou Zembla (qui arrachent des larmes de nostalgies à mes camarades) sans grand intérêt, et aujourd’hui je suis souvent étonné de voir ce que le public aime. J’ai quand même choisi de faire de la BD pour me faire plaisir, quoi !

Audruicq, tout au long du mois de novembre 2013.///Article N° : 12054

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