An nou pale kreyol !

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Interdit puis dévalorisé, le créole connaît aujourd’hui un renouveau. Ils sont de plus en plus nombreux en métropole, jeunes et moins jeunes, à manifester leur intérêt pour la pratique de cette langue.

« An nou pale kreyol !  » Un mot d’ordre qu’a fait sien Souria Adele, à l’initiative des ateliers hebdomadaires de Bokantaj, Porte de vanves à Paris. De nombreuses années durant, cette comédienne ne parle pas le créole, langue qu’elle comprend pourtant. Le cas de Souria n’est pas isolé. Formellement interdit dans de nombreux établissements scolaires des colonies d’Outre-mer jusqu’à leur départementa- lisation en 1946, il n’est que toléré par la suite. « J’ai 10 ans (…) avec mes camarades de classe on parle créole à voix basse « , chante E.sy Kennenga dans son nouvel [1]Aujourd’hui encore les parents ont tendance à décourager cette pratique et nom- breux sont les Antillais vivant en métropole à ne pas se sentir capable de s’exprimer en créole. Pour libérer la parole, Souria crée en octobre 2013 des ateliers de conversa- tions en créoles martiniquais et guadelou- péen. Divers intervenants, comme les sla- meurs TiMalo et Simone Lagrand ou le per- cussionniste Dominique Taulaut ont animé des sessions. « Il ne s’agit pas d’un cours formel mais une fois la porte franchie, on ne parle qu’en créole », explique cette femme d’une quarantaine d’années.
Le créole au Bac
Avec les ateliers de Bokantaj, Souria Adele n’en est pas à sa première initiative pour la promotion de la langue créole. En 2005, elle crée d’abord un collectif de parents d’élèves pour permettre à son fils d’apprendre le créole en métropole. Le créole n’était pas proposé en raison de la loi Deixonne qui a pour objectif de favoriser l’enseignement des langues locales uniquement dans les régions où elles sont en usage. Pourtant, des excep- tions étaient faites pour le breton et le corse, enseignés dans certains établissements du secondaire en Île-de-France. Aux côtés de Tony Mango, fondateur de l’association cristolienne Eritaj pour la promotion du créole, Souria fonde finalement le Collectif pour le créole au Bac dans l’Hexagone.
En option
Grâce à la pétition « Konvwa pou kreyol », signée entre autres par Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau, les élèves des lycées métropolitains ont pu à partir de 2007 présenter le créole comme épreuve obligatoire du baccalauréat. « Les langues et cultures créoles sont « traces archéologiques » et patrimoines de l’humanité. (…) Partagées par plus de 13 millions de personnes à travers le monde, leur rayonnement et vitalité sont plus que manifestes « , estimait cette pétition. L’enseignement du créole comme langue obligatoire ne sera instauré qu’en 2008 dans deux lycées de l’académie de Créteil. « Mais les élèves préfèrent prendre le créole en option car cela leur permet de gagner des points sans prendre trop de risques « , précise Souria. À force de lobbying auprès des pouvoirs publics, les académies de Paris, Créteil et Versailles permettent finalement depuis 2011 aux élèves de présenter le créole en tant qu’option et non plus seulement comme une épreuve obligatoire. Une décision qui ne concerne cependant pas les créoles guyanais et réunionnais. Le combat continue !

///Article N° : 12363

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