Après le printemps arabe

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Après la bataille, de Yousry Nasrallah, en compétition officielle au festival de Cannes 2012, sort sur les écrans le 19 septembre. A voir pour comprendre sans clichés et sentir ce qui s’est passé en Egypte.

On a tous encore ces images en tête : des chameaux qui chargent la foule qui manifeste sur la Place Tahrir au Caire. C’était le 2 février 2011. Le 9 octobre suivant, des militaires et des civils armés attaquent une manifestation de chrétiens coptes et de musulmans, faisant 34 morts et des dizaines de blessés. C’est entre ces deux événements que s’écrit Après la bataille. En février, la manipulation par le régime Moubarak de gens simples, les chameliers qui baladent les touristes autour des Pyramides et que l’arrêt du tourisme plonge dans la misère : on les lance sur les manifestants et tout le monde se mettra à les haïr. Mais qui sont les vrais contre-révolutionnaires ? Ceux d’octobre, répond Nasrallah, ceux qui tiennent les commandes : l’armée. Cela, le cinéaste le comprend en vivant les événements, en faisant le film. Mais si la révolution est ainsi confisquée, son film témoigne aussi de la certitude que dans le coeur de chacun, plus rien ne sera comme avant.

Réalisme
Le fil des événements réels va ainsi nourrir les rapports entre les personnages, dans un film qui s’est fait peu à peu, par intermittence, sur des textes souvent écrits la veille au soir. Ce sont cette improvisation, cette liberté, cet ancrage dans l’Histoire autant que sa transposition dans l’intime de quelques protagonistes qui font de ce film une expérience à partager. Les films populaires égyptiens sont très parlés et manient volontiers l’emphase et le mélodrame. On retrouve ici ce débordement d’énergie, mais cela nourrit la façon des personnages d’échapper aux stéréotypes, car aucun n’est clair ni exemplaire. Ils sont mus par leur besoin de trouver leur place comme Reem (Menna Chalaby), la publicitaire révolutionnaire et paternaliste venant des beaux quartiers, ou de retrouver leur dignité comme Mahmoud (Bassem Samra), le cavalier qui l’a perdue en participant à la « bataille des chameaux ».

Liberté
Si le film débute par un débat entre des femmes sur les menaces qu’elles subissent, c’est bien que c’est là que se joue l’avenir de cette société patriarcale. De fait, dans la continuité de Femmes du Caire, le précédent film de Nasrallah, ce sont les femmes qui mènent le pas, Reem en cherchant maladroitement à sauter la barrière des classes et Fatma (Nahed El Sebaï), la femme de Mahmoud, par son pragmatisme engagé. Au bout du compte, chacun se transforme parce qu’il accepte de se poser les questions qui agitent une société en ébullition. Avec Après la bataille, en harmonie avec une nouvelle façon de penser le cinéma que développent en Egypte des réalisateurs novateurs face à la complexité des enjeux de leur société, Nasrallah bat les cartes des possibles et nous offre un feu d’artifices aussi stimulant que dérangeant.

En savoir plus :

Lire également notre entretien avec le réalisateur [entretien 10846]et nos trois questions à son acteur Bassem Samra [entretien 10847].

africultures.com///Article N° : 12608

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