La critique postcoloniale, étude des spécificités

Entretien de Boniface Mongo-Mboussa avec Jean-Marc Moura

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Seul auteur français à avoir publié sur la critique postcoloniale telle qu’elle est pratiquée dans les pays anglo-saxons, Jean-Marc Moura explique ici en détails quel en est l’intérêt et les enjeux pour la pensée dans les pays francophones.

Qu’est-ce qui explique selon vous le silence des universitaires français sur le postcolonialisme ?
Ce qui l’explique, c’est que ce mouvement est né dans les pays anglo-saxons, il y a une vingtaine d’années, de l’arrivée d’immigrants dans les universités américaines et anglaises. Le mouvement s’est donc d’abord développé en Angleterre et aux Etats-Unis, puis a été nourri par des critiques anglo-saxons dans le Commonwealth, les pays anciennement colonisés par l’Angleterre. C’est un mouvement critique actuellement très développé dans les pays anglo-saxons mais qui, parce qu’il n’est pas spécifiquement francophone – il n’est même pas du tout francophone – est un peu ignoré de nous.
Dans quelles conditions l’apparition du terme postcolonie s’est telle produite ?
Cela s’est produit de manière assez graduelle. Ces étudiants sont arrivés dans les universités anglaises et américaines (Africains, Indiens, Antillais, etc…) et ils ont commencé a poser des questions sur l’histoire littéraire en rapport avec leur propre histoire. Ils se sont rendus compte que l’histoire littéraire était très européo-centriste, ne prenant aucunement en compte leur histoire coloniale et post-coloniale. Ensuite, certains d’entre eux ont obtenu des postes dans les universités et ont commencé à repenser l’histoire littéraire en fonction de leur propre histoire d’immigration et d’immigrants. C’est là qu’apparaît le terme postcolonial. Il est intéressant de voir qu’il n’apparaît pas dans des pays du centre comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, il apparaît dans des pays post-coloniaux. Et l’un des grands ouvrages critiques de la théorie postcoloniale est un ouvrage qui vient d’Australie, c’est-à-dire d’un pays anciennement colonisé par la Grande-Bretagne.
Le questionnement autour de la colonisation et de ses effets semble se poser à différents niveaux : à l’échelle d’un Etat et de son histoire et à celle des communautés qui ont composé sa population immigrée.
Ce qui est intéressant dans la théorie et le mouvement postcoloniaux, c’est que c’est un mouvement littéralement mondial. Cela se joue entre l’Europe, c’est-à-dire les anciennes puissances coloniales, les Etats-Unis en tant que représentant principal de l’Occident et tous les pays anciennement colonisés. C’est donc un mouvement global mais qui est pensé selon les pays et les aires géographiques (l’Afrique, l’Australie, les Antilles, la Nouvelle-Zélande, l’Inde), donc selon des spécificités. Mais le questionnement est littéralement mondial. Et c’est peut-être pourquoi en cette fin de XXème siècle, qui est l’ère de ce qu’on appelle désormais la globalisation, le mouvement devient si important. Parce qu’il est adapté à cette globalisation propre à notre époque.
Face à l’ampleur prise par ce mouvement à l’échelle mondiale, comment reconsidérer le silence des universitaires français ?
J’y vois plusieurs causes mais d’abord une principale. Vous savez que la francophonie a été souvent érigée en machine de guerre contre la domination de l’anglais au niveau mondial. Aujourd’hui, c’est une bataille pratiquement perdue : l’anglais est vraiment la langue véhiculaire mondiale. Il me semble que les Français pourraient réagir et considérer que la francophonie a une chance en tant que seconde langue au niveau mondial. Il faudrait cesser de nous raidir contre la domination de l’anglais. Cela nous permettrait de percevoir les bienfaits de la critique postcoloniale. Nous commencerions à la voir, non plus comme une machine anglo-saxonne qui va encore davantage dominer le monde critique francophone, mais comme un outil critique qui pourrait nous aider dans nos propres études francophones. La première cause, c’est cela : la méfiance profonde des francophones à l’égard de l’anglophonie.
La seconde cause est probablement liée à la première. La plupart des universitaires qui s’occupent de la francophonie maîtrisent assez mal l’anglais et ont donc peu accès à ce corpus anglophone qui n’est pas encore traduit en France.
La troisième cause provient du fait que la critique postcoloniale est liée à un développement des études universitaires anglo-saxonnes assez différent de celui des études littéraires françaises. Il n’y a donc pas forcément rencontre entre les deux. Nous avons, pour aborder la critique postcoloniale, à repenser nos propres études en France, d’une manière peut-être plus cohérente que nous ne le faisons d’habitude. C’est une démarche que très peu de collègues semblent soucieux de mener à bien.
Le fait de traiter toute les littératures du Tiers-monde sous la notion de postcolonialisme n’élude-t-il pas les différences entre les anciennes colonies et les anciens protectorats ?
Au niveau global, le corpus postcolonial est « impérialiste », avec tous les guillemets qui s’imposent, puisqu’il comprend l’ensemble des littératures en langues européennes dans les pays du Sud. C’est énorme et c’est une des objections que l’on pourrait lui faire. En réalité, le postcolonialisme permet de penser la littérature dans les rapports centre/périphérie, qui sont une donnée essentielle dans le monde actuel. Cette critique insiste, à l’intérieur de cet ensemble impérialiste, sur les spécificités de chacune de ces littératures. L’un de ses aspects les plus intéressants pour la francophonie, c’est précisément cette insistance sur la spécificité régionale et territoriale de chacune des littératures francophones. Si vous regardez les histoires littéraires de la France et du monde francophone, vous verrez que la plupart traitent ces littératures francophones comme une sorte de prolongement de la littérature française, qui n’aurait pas besoin d’être situé pour être compris. On considère simplement que c’est du français donc on en parle comme de la littérature française. La critique postcoloniale fait l’inverse, elle insiste sur la spécificité et sur le fait qu’il faut d’abord la situer anthropologiquement, sociologiquement, économiquement à la limite, avant d’en parler et de l’analyser comme on le ferait pour de la littérature française. C’est donc un mouvement global parce qu’il se définit au niveau mondial et un mouvement qui, à l’intérieur de cette globalisation, insiste sur les spécificités de chacune de ces littératures. On en remarque au moins deux. D’une part, ce sont des littératures de la périphérie par rapport à un centre qui est le centre éditorial occidental et il importe de bien penser le rapport des auteurs à ce centre éditorial occidental. D’autre part, ces littératures sont caractérisées par la coexistence de deux cultures, le plus souvent également de deux langues : il importe de resituer ces éléments linguistiques et sociologiques avant même d’étudier ces littératures. Voilà un apport de la critique postcoloniale. Prenez par exemple les histoires de la littérature francophone, vous verrez que les éléments vraiment sociologiques, anthropologiques et économiques sont largement ignorés, et qu’on nous donne à commenter des pages de Senghor comme si la poésie de Senghor pouvait être expliquée de la même manière que la poésie de Rimbaud. Alors qu’évidemment la poésie de Senghor appelle d’abord une situation dans l’espace et dans le temps avant d’en discuter tout simplement comme de la littérature française. Pourrait-on ignorer les racines normandes de Flaubert. Une étude de Madame de Bovary qui ne considérerait pas que son auteur vient de Normandie serait-elle une étude rigoureuse ? Les racines normandes de Maupassant, peut-on les ignorer ? C’est exactement du même ordre. Il y a un souci d’identité, un enracinement identitaire comme chez les grands auteurs consacrés français. Il faut passer par cette revendication identitaire.
On entend souvent revenir le terme de ghettoïsation en matière de culture issue de ces périphéries. Le fait que ces littératures soient considérées comme le prolongement d’une expression française, parce que francophone, n’exclut pas un regard marginalisant. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que le coté périphérique est fondamental. Si vous écrivez dans une langue européenne tout en vous situant à l’extérieur de l’Europe, vous ne pouvez pas considérer que cette littérature n’est pas périphérique. Périphérique ne veut pas dire de moindre importance mais signifie qu’il y a là un élément conceptuel qu’il faut prendre en compte pour mesurer la spécificité de cette littérature. Je considère qu’elle est actuellement beaucoup plus importante que la littérature française, qui est un peu narcissique. Prenez l’exemple de Kourouma et Les Soleils des indépendances ou En attendant le vote des bêtes sauvages. Si vous étudiez Kourouma avec des étudiants sans leur donner des éléments de la culture malinké, vous passerez à coté du texte de Kourouma. Tout simplement parce que vous ne leur aurez pas donné les éléments qui leur permettront de voir en quel sens Kourouma infléchit la langue française, en quel sens il crée véritablement un troisième code entre la langue malinké et la langue française. Ils ne comprendront pas non plus toutes les allusions culturelles de Kourouma, notamment dans Les Soleils des indépendances. C’est impossible. A mon avis, ce n’est pas une notion de ghettoïsation qu’il faut introduire là, c’est une notion de rigueur scientifique. Si on veut étudier une littérature, il faut quand même d’abord étudier son ancrage sociologique et politique, sans quoi on est pas rigoureux.
Mais peut-on réellement parler de postcolonialisme alors que l’on a pas fait le deuil du colonialisme ?
Il faut voir qu’il y a deux choses par rapport au postcolonialisme. Je vais introduire une notion orthographique qui est propre aux critiques postcoloniaux, entre post-colonial avec le trait d’union, qui veut simplement dire que nous vivons à l’ère de l’après-colonisation – ce que peuvent contester certains – et postcolonial en un seul mot, sans trait d’union, qui est la critique qui s’intéresse à un ensemble d’oeuvres qui cherchent à déconstruire les codes coloniaux et qui cherchent à lutter contre ces derniers. De ce point de vue, le postcolonialisme commence à l’époque même du colonialisme. Un auteur comme Aimé Césaire – comme Kateb Yacine – est un auteur postcolonial au sens où dès l’époque coloniale, il cherche à déconstruire, il cherche à combattre les codes coloniaux et tous les discours qui contestent l’existence d’un sujet colonisé, etc. En ce sens, le postcolonialisme est un concept critique, pas un concept historique. C’est la critique qui s’attache à étudier toutes les stratégies d’écritures déjouant les codes coloniaux, les codes impériaux.
Y-a-t-il des perspectives de développement de diffusion des oeuvres porteuses de la théorie postcoloniale ?
Vous m’obligez à être immodeste mais il y a un ouvrage qui en ce moment développe en français la rencontre entre étude francophone et critique postcoloniale, c’est le mien et il n’y en a pas d’autres. Cela dit, je suis assez confiant : je pense que l’intérêt de cette critique va l’amener à se développer en France, mais elle va peut-être se développer d’une manière périphérique. C’est-à-dire qu’elle va nous venir par le Canada, le Québec et par l’Afrique, par les critiques africains qui vont reprendre ces éléments et qui vont les transférer dans l’espace francophone.
Avez-vous d’autres ouvrages en préparation sur ce thème ?
Oui, je vais présenter un autre ouvrage aux PUF, mon éditeur, sur le discours du roman francophone qui appliquera plus directement encore la critique postcoloniale aux ouvrages francophones. Puisque dans ce premier ouvrage, c’est une présentation programmatique et théorique. Il s’agit de montrer quels sont les enseignements que nous, critiques francophones, pouvons tirer de ces éléments théoriques anglo-saxons. Dans un second temps, j’aimerais les appliquer davantage aux textes pour montrer comment cela peut fonctionner.
Quel a été l’accueil fait à votre travail, votre positionnement par vos étudiants d’origines diverses ?
Les étudiants français se sont montrés très intéressés par la littérature francophone, pas seulement africaine mais aussi antillaise. Les étudiants d’origine africaine ont été, pour leur part, très sensibles à l’étude des enracinements socioculturels. Ils ont eu l’impression que l’on venait combler des lacunes, une superficialité dans l’étude de ces auteurs.
Comment expliquez-vous que ce mouvement critique se soit développé plutôt dans la sphère anglo-saxonne ?
Je crois qu’il y a fondamentalement la différence entre le mode d’intégration assimilationniste de la France et le mode de coexistence des différences anglo-saxonnes. Les Anglo-saxons n’ont pas prétendu comme les Français assimiler l’essentiel des différences des communautés immigrées. On parlait un moment du melting-pot américain mais c’est fini depuis longtemps. Il y donc dans les pays anglo-saxons une sorte de coexistence entre les différentes cultures. Cela s’est développé aux Etats-Unis avec ce que l’on appelle les cultural studies, c’est-à-dire que chaque communauté immigrée s’attache d’abord à ses racines, non pas pour ignorer l’ensemble national mais pour s’assurer de son identité et s’assurer des relations entre son identité et la culture nationale globale. En France, nous fonctionnons encore sur le modèle assimilationniste, donc celui de l’ignorance des spécificités culturelles qui doivent se fondre dans une sorte de creuset. Il est probable que cela ait joué un rôle dans le retard de la critique postcoloniale en France et dans le fait que, jusqu’à présent, on a peu considéré cet aspect culturel de la littérature. Le premier rapport de la critique postcoloniale en Afrique a été précisément de développer l’étude simultanée comparée – je suis professeur de littérature comparée, c’est peut-être pour ça aussi que ça m’intéresse – des écrits francophones, anglophones et lusophones. C’est-à-dire de développer un point de vue spécifiquement africain indépendamment de la langue dans laquelle était écrite telle ou telle œuvre. Etudier Senghor, Sony Labou Tansi, dans le domaine francophone, Soyinka ou Achebe, dans le domaine anglophone, José Juan Dino Vieira, dans le domaine lusophone. Et donc de développer un point de vue spécifiquement africain qui permettait de montrer les influences, les parentés mais aussi les spécificités de chacune de ces littératures. Cela permet effectivement d’envisager à grande échelle, à l’échelle africaine, le développement de littératures postcoloniales. Alors qu’auparavant, c’était divisé en : un, études francophones ; deux, études anglophones ; trois, si on avait le temps, études lusophones. Ce n’est plus le cas.
Existe-t-il un regard de la critique postcoloniale sur les expressions en langues vernaculaires ?
Effectivement, il y a un regard que je connais mal parce que je ne possède pas les langues vernaculaires. J’ai un peu étudié le malinké pour étudier Kourouma. Je sais que si, par définition, on étudie les langues vernaculaires dans l’optique postcocoloniale, on va être tenté d’étudier leurs relations à la littérature de langue européenne. Il me semble que, dans les années qui viennent – j’en parle un peu en conclusion de mon livre – il y a deux études postcoloniales qui vont se développer : le premier champ qui sera peut-être occidentalo-centré sera celui d’une étude globale des littératures postcoloniales en langues européennes, à l’échelle d’une région ou d’un continent. Et le second champ qui va se développer est l’étude régionale de telle ou telle littérature où l’on envisagera alors le rapport des langues en littératures vernaculaires et le rapport des langues en littératures européennes. Ces deux champs vont, me semble-t-il, s’éloigner de plus en plus. Ils composeront la galaxie postcoloniale.
Peut-on véritablement parler d’une littérature vernaculaire contemporaine ?
Là, le problème est véritablement économique. C’est un problème éditorial car les structures éditoriales ne sont pas suffisamment développées, notamment en Afrique, pour permettre à un grand public d’accéder à ces littératures en langues vernaculaires. Il y a de grands auteurs postcoloniaux qui se sont remis à écrire dans ces langues. On cite toujours l’exemple de Ngugi Wa Thiongo qui a commencé à écrire en anglais et qui, après, a écrit en kikuyu. Il s’est aperçu qu’il n’avait pratiquement pas de public dans cette langue. Aux Antilles, on peut citer le cas de Confiant, qui a commencé par écrire en créole, qui a écrit ensuite en français et qui a re-écrit en créole. Il s’est finalement aperçu qu’il avait beaucoup plus de public s’il écrivait en français. C’est véritablement un problème économique. Je pense que le dynamisme de ces littératures dépendra du dynamisme économique des pays africains.
Qu’en est-il du regard de la critique postcoloniale sur les auteurs culturellement métissés vivant en Occident ?
On a aux Etats-Unis l’exemple de Toni Morrison et ceux que l’on appelle les african americans, les Africains-américains. C’est l’un des auteurs majeurs de la littérature anglophone actuelle, reconnu par tous, et qui s’efforce de développer le sentiment identitaire de la culture noire américaine, y compris dans ses racines africaines. Là, il y a un cas que nous n’avons pas en France – si, nous l’avons eu un peu avec Senghor – mais dans la génération actuelle, les grands auteurs africains ne fonctionnent pas selon le modèle de Toni Morrison. Ce sont plutôt des auteurs qui écrivent d’Afrique, en français, et qui nous présentent leurs spécificités africaines. Le cas de la littérature beur en France a commencé a être étudié non pas par des Français mais par des Américains à la Nouvelle Orléans, il y a une dizaine d’années. Son étude en terme de critique postcoloniale, ce sera vérifier l’ancrage sociologique de cette littérature et l’ancrage de cette littérature par rapport à un sentiment identitaire qui est un peu différent du sentiment identitaire français, d’un Français né en métropole qui ne se soucie pas de ses ancêtres. Il faudra donc prendre en compte une certaine revendication identitaire qui appartient à ce groupe et qui joue comme facteur structurant de cette littérature. Mais ce n’est pas une ghettoïsation, c’est simplement un souci de rigueur scientifique. Si on étudie une littérature, il faut savoir d’où elle vient, comment elle naît, et quelles sont profondément les racines de cette littérature.
Pouvez-vous nous expliquer la notion d’hybridité ?
L’hybridité, c’est le grand concept d’un critique postcolonial indien qui s’appelle Homi Kay Bahbah. Le monde hybride, c’est un site de négociation en deux parties. Etant entendu que, sur ce site de négociation, chacun arrive avec une identité qui n’est pas clairement définie, avec une position qui est prête au compromis, à s’allier avec l’autre pour essayer de réaliser quelque chose ensemble. La situation de l’hybridité, ce n’est donc pas la confrontation entre deux identités figées. C’est la rencontre de deux identités qui sont en devenir et qui, par cette négociation, vont devenir et advenir. Cela n’est malheureusement pas traduit en français. C’est un des grands concepts de la critique postcoloniale, non seulement au plan politique et social mais également au plan littéraire. Cela revient à traiter les oeuvres en tant qu’oeuvres hybrides où coexistent deux cultures qui sont en négociation constante. Ce qui fait l’intérêt de l’œuvre, c’est justement cette négociation plurielle qui se déroule à l’intérieur de chaque chapitre, chaque strophe s’il s’agit de poésie.
Comment a été accueilli votre ouvrage par vos collègues universitaires ?
Il a très bien été accueilli par mes collègues francophones en général parce qu’ils ont souligné que j’apportais des éléments méthodologiques nouveaux et importants. Ce qui a parfois été contesté, c’est le mot postcolonial, le terme colonial maintenant d’une certaine manière les auteurs dans une histoire dont on voulait se débarrasser. Mais je n’ai fait que traduire le terme américain et, en fait, ne sommes-nous pas dans un monde postcolonial ? Qui pourrait dire que l’Afrique n’est pas encore concernée par tout ce qui s’est passé pendant la colonisation ? Je pense simplement aux frontières nationales. S’il y a des drames qui en naissent, s’il y a tellement de conflits, c’est parce que ces frontières ont été décidées du temps du monde colonial et de manière totalement aberrante. En ce sens, nous sommes dans un monde postcolonial. J’ai eu aussi des échos du monde francophone plus large. Les Québécois, je comprends pourquoi, s’y intéressent beaucoup parce qu’ils sont directement influencés par l’Amérique du Nord. C’est donc pour eux quelque chose qui va de soi. Je n’ai pas encore eu d’échos de mes collègues africains… ni antillais mais j’espère que j’en aurai bientôt et qu’ils seront élogieux (rires).

Jean-Marc Moura est professeur de littérature comparée à l’Université de Lille III. Il a publié L’image du Tiers-monde dans le roman français contemporain, PUF 1992 ; Lire l’exotisme, Dunod 1992 ; L’Europe littéraire et l’ailleurs, PUF 1998, et le livre objet de cet entretien : Littératures francophones et théorie postcoloniale, PUF, 1999. Il a par ailleurs publié en collaboration avec Jean Bessière, Littératures postcoloniales et représentations de l’ailleurs. Afrique, Caraïbe, Canada. Champion 2000. ///Article N° : 1360

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