Rage invaincue

Tribune littéraire

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Comédien, metteur en scène, dramaturge, Papy Maurice Mbwiti livre ici une tribune littéraire, dans le contexte notamment de l’instabilité politique de la République démocratique du Congo. 

Epouaaaa…crachats de mes mémoires en feu

Epouaaa…. Postillons de mes coliques en colère

Epouaaa…fumées de mes narines enragées

Je hais ces conglomérats d’aventuriers et de ventripotents

Je hais ces déferlements d’idiotie et de bassesse à outrance de la chose publique

Je hais l’amnésie chronique et flagrante qui caractérise ce peuple

Je hais cette population infantilisable à souhait et manipulable à volonté

Je hais ces regroupements tribaux prêts à se trémousser devant n’importe quel salop de fils du terroir

Je hais ces intellectuels catins sacrifiant le savoir au profit d’une masturbation pécuniaire égoïste.

Je hais cette naïveté quasi nationale à pouvoir se taire

Je hais cette nouvelle histoire de mon pays…

Je hais cette nation d’oralité incapable de tenir parole

Je hais cette capacité nationale de s’adapter au mal et minimiser le pire

Epouaaaa……

Je hais cet évangile irresponsable évoquant que toute autorité viendrait de Dieu; si oui le quel; en tout cas pas le mien

Je hais ces prières égoïstes et fallacieuses adressées au très haut et qui vont à l’encontre de réels soucis de son peuple

Je hais ces versets qui pullulent des verves infâmes de ces gourous de basse besogne qui conduit toute une nation à l’abattoir de l’ignorance sous la bénédiction d’une classe politique toxique; névralgique et assassine

Je hais ces médias crasseux et polluant ne vociférant que louanges à la con ; diatribes et insanités

Je hais cette nation qui n’offre à sa jeunesse   que deux issues l’exil ou la prostitution au régime

Je hais cette opposition de merde prompte à la corruption; prête à la soumission ; adepte de la compromission et apôtre de la concussion

Je hais cette armée des généraux fantoches et ripous conduisant à la mort des fantassins affamés sous la nuée des feuilles sèches enivrantes tournant leurs kalaches contre leurs propres frères et donnant dos aux vrais ennemis de la patrie.

Je hais ces escadrons assoiffés de sang en treillis national pétris d’infiltrés; des vendus laissant toute poreuses nos clôtures à n’importe quel viol territorial

Je hais cette politique de sangsues et des défis contre sa terre

Je hais cette terre aux milles dialogues sans prologue

Epouaaaa… Je hais l’écartèlement de la mère Afrique; pissant ses filles et filles comme de bouts de chairs dans l’arène acariâtre de l’atlantique

Je hais ces images des milliers d’hommes et de femmes telle des mouches agrippées sur une barque de l’incertitude naviguant en toute ivresse sur une mer cimetière pour atteindre une terre de pseudo espoir laissant derrière eux des forêts de vie remplies de cadavres ; des enfants soldats et des minerais a richesse maudite ; mais aussi de terres arables ; merde alors

Je hais qu’on en soit arrivé là

Je hais mon incapacité à défendre ma vielle mère ; mon amour de femme et mes sœurs contre ces bandits de la dignité ; ces égorgeurs de fierté ; ces Ali baba de la république

Je hais mon incapacité à subvenir aux besoins de mes enfants; je hais mon absence de mots justes pour répondre à ma fille que non le lundi il n’y aura pas de guerre chérie; juste que le mandat de l’actuel chef de l’État est fini mais lui pense ne pas encore en avoir fini avec nous

Je hais mon incapacité à défendre ma terre; je hais mon manque de courage à continuer ce combat de liberté et de dignité; Epouaaaa….

Je hais qu’on en soit arrivé là

Je hais cette histoire qui non seulement se répète, mais pète plus haut que la puanteur de nos échecs depuis des soleils des indépendances

Je hais ma condition d’écrivain loin de sa terre; je hais cette tentative de saisir un monde qui m’échappe de plus en plus

Je hais cette sensation de ratés et de gâchis de toutes ces belles années post coloniales et post indépendances

Je hais ce faux espoir des vents de la démocratie tirée d’un seul côté, Epouaaaa….

Je hais ces parodies d’élections; insultes à nos intelligences et à nos volontés de nous choisir un avenir propre et à bâtir nos rêves ;

Je hais cette fierté nous volées par ces régimes blancs noirs; noir blanc; cravates; abats -costs ; cols mao; safaris; monyère; toques de léopards et vie des chiens

Je hais ce qui se passe; ce qui va se passer et surtout ce qui risque de ne pas se passer pour cette génération; la mienne

Je hais le fait que s’éloigne de plus en plus le rêve de mon grand-père; qui me disait que c’est certainement votre génération verra le bonheur de ce pays; et là je me rends que ce rêve continue à être utopique non seulement pour ma génération mais peut-être pour la suivante aussi; alors merde

Je hais cette nouvelle histoire de mon pays

Je hais

Je hais

Je hais ce texte

Je hais cette littérature vache folle et chien enragée; cette littérature peste ;

Ces écrits Ébola ; ces phrases endeuillées; ces lettres de pluie sauvages de nos quartiers inondés des larmes du ciel embrigadées par des montagnes d’immondices de pauvreté surplombée de mendicité indignes,

Ces pluies enfourchées par des barrières de tonnes de plastique d’inconscience nationale et de sape de décence

Je hais ces mots porcs épics et cette senteur d’arène

Je hais ces pages d’histoire qui s’écrit avec ou sans nous ; à cause ou à défaut de nous

Je hais notre nos postures sur nos terrasses de la vie; effritant nos forces et nos intelligences; je hais nos crises épileptiques

Je hais l’arrogance de ces néo colons pyromanes ;

Je hais notre dénie d’échec et de nos peurs de la réussite

Je hais la densité de nos tanks intérieurs d’auto destruction déployés par nous-même ou juste sous la promesse d’une miette par l extérieure

Je hais la méningite de notre pouvoir de décisions et le strabisme de nos vrais combats

Je hais cette nouvelle page d’histoire de mon pays; je hais ce que nous sommes en train de devenir; si certains d’entre nous ne le sont pas déjà

Je hais cette histoire que nous voulons léguer à nos enfants

Je hais ces instants; mais je célèbre le peu de résilience qui reste dans tes yeux, Alors battons nous

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