Terre d’exil

Un premier et un dixième roman racontent le départ de Haïti

Print Friendly, PDF & Email

Le dixième roman de Dany Laferrière clôt ce qu’il appelle une  » autobiographie américaine « . Le narrateur, un jeune homme de vingt-trois ans, apprend que son ami a été tué et qu’il est le prochain sur la liste des tontons macoutes. Ses dernières vingt-quatre heures précédant l’exil, passées à déambuler dans Port-au-Prince, se remplissent de souvenirs et d’adieux discrets à des amis auxquels il ne peut rien dévoiler de cette fuite forcée. De la ville vers laquelle il doit partir, il ne tient qu’un vers d’un poète haïtien :  » le soleil froid comme la mort « .
Tout au long du récit se construit une réflexion sur l’exil, par petites phrases parsemées dans le texte. Le narrateur connaît le sujet de près : une vingtaine d’années auparavant, son père a dû partir lui aussi.  » L’exil est pire que la mort pour celui qui reste  » car le changement est irréversible, autant pour celui qui s’en va que pour ceux qui restent :  » …dès qu’on a quitté l’île, une fois seulement, on ne peut plus revenir. Il n’y a pas de retour possible.  » Dans un style tantôt sarcastique, tantôt tendre, Dany Laferrière nous restitue les sentiments tourmentés du jeune homme. Cette dernière nuit encore, les dieux vaudous veillent sur lui, mais le suivront-ils jusqu’à Montréal ?
Autant les dieux font partie intégrante du monde de Laferrière, autant ils sont bannis dans celui d’Alice Bienaimé, adolescente héroïne du premier roman de Yanick Lahens. En 1943, Alice a treize ans, se passionne pour la danse et finit par obtenir de son père des cours de ballet. Mais ce qui l’attire vraiment, c’est le son des tambours, une danse autre, maudite par le père. Alors Alice s’initie à cet héritage africain en cachette et use de la complicité de son oncle Héraclès pour fréquenter les maîtres du vaudou. Paradoxalement, elle devra partir elle aussi, pour la liberté de danser.
Si, chez Laferrière, la déchirure est marquée par l’exil forcé, pour Alice elle est présente dans son identité même. L’éducation stricte à la française et la curiosité pour la culture de ses ancêtres mènent une coexistence difficile que Yanick Lahens décrit avec une sensibilité à fleur de peau.

Dans la maison du père, de Yanick Lahens. Le Serpent à Plumes, 2000, 156 p., 85 FF.
Le Cri des oiseaux fous, de Dany Laferrière. Le Serpent à Plumes, collection Motifs, 2000, 346 p., 39 FF. ///Article N° : 1455

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article





Laisser un commentaire