Nomades, d’Olivier Coussemacq

S'en sortir là où on a les pieds

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En sortie dans les salles françaises le 7 août 2019, la deuxième fiction long métrage comme réalisateur du scénariste français Olivier Coussemacq (L’Enfance du mal, 2010) pourrait gagner en complexité mais reste touchante, sensible et délicate.

Une mémoire douloureuse : la perte de la mère, trop tôt, puis l’arrachement au pays de son enfance, le Maroc. Si là est la source de ce film très personnel, ce n’est pourtant pas une autobiographie que propose Olivier Coussemacq. Il place plutôt son deuil dans ce qu’il ressent au Maroc aujourd’hui, au contact d’une jeunesse qui ne rêve que de partir alors que lui a souffert de ne pouvoir rester.

Voici donc une veuve et ses trois fils. Deux sont déjà partis, dramatiquement. Que faire pour retenir le troisième, Hossein, 17 ans ? Non pas qu’elle veuille absolument le maintenir auprès d’elle, mais parce que l’aventure est mortifère. Hossein ne se voit pas d’avenir de diplômé-chômeur au Maroc, Naïma tente de lui en trouver un, et l’emmène pour cela dans sa famille paysanne dans le Sud du pays. Une Française, une Marocaine : les premiers émois amoureux d’Hossein seront ses tentatives à lui de s’émanciper mais aussi la révélation de ses contradictions.

C’est ainsi une voie sensorielle que choisit Coussemacq pour aborder ce qui pousse les jeunes à s’exiler dans cette coproduction franco-marocaine orchestrée au Maroc par le comédien et cinéaste Mohamed Nadif (qui joue l’épicier dans le film). Il y a une grande douceur dans sa façon, au demeurant fort classique, de composer ses plans, de s’attacher aux visages, de faire résonner les clairs-obscurs et la chaleur des extérieurs, de rythmer le récit sans à coups, aux sons du piano tempéré de Sarah Murcia. Le jeu des acteurs, notamment des trois frères, tous non-professionnels, est tout en retenue. Jamil Idrissi (Hossein), notamment, est impressionnant de présence et de subtilité. Cette épure évite aussi les paysages touristiques ou la mémoire coloniale à Tanger pour viser à l’essentiel : comment une mère peut regagner la confiance de son fils en s’affirmant et s’émancipant elle-même.

Elle utilise la ruse pour retenir Hossein : c’est ce que font les femmes en société patriarcale pour aboutir à leurs fins sans se mettre en danger. Mais avec son propre fils, ce n’est pas la bonne méthode. Peu à peu s’impose à elle l’idée qu’on ne naît pas par hasard en un lieu. Et que ce n’est donc pas un mauvais coup du destin auquel il faudrait se résigner. C’est dans cette sagesse qu’elle puise cette autre voie, elle qui apprend à écrire : il y a toujours moyen de s’en sortir.

Cela peut paraître fleur bleue et ce film sincère peut parfois sembler maladroit par manque de vertige, de tension et de complexité (notamment dans l’opposition Maroc des villes et des campagnes ou dans le désir d’exil), mais il a le mérite de mettre en exergue le vécu de ceux qui restent et des familles endeuillées. Plus encore, en délaissant toute fioriture, il inscrit Hossein et Naïma comme personnages de roman : leur force humaine transcende leur propre histoire pour nous redonner du courage.

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