Harka, de Lotfy Nathan

Un parangon de la génération perdue

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Présenté dans la sélection Un certain regard au festival de Cannes au mois de mai, où Adam Bessa à reçu le Prix d’interprétation, Harka sort en salles en France le 2 novembre 2022.

Britannique d’ascendance égyptienne copte, Lotfy Nathan a grandi aux Etats-Unis et étudié les Beaux-Arts. Son documentaire démonstratif 12 O’Clock Boys (2013) a fait le tour des festivals, reçu le prix de l’artiste émergent de HBO et a servi de base à la fiction co-écrite par Barry Jenkins Charm City Kings (2020). Il est aussi l’auteur de spots publicitaires. Il prépare en outre une adaptation d’un évangile apocryphe de Thomas sur l’enfance de Jésus, à tourner au Moyen Orient. Harka (= mouvement, brûler, un migrant) est son premier long métrage de fiction, initié aux Etats-Unis, produit par des Européens, tourné en Tunisie en coproduction avec Habib Attia de Cinétéléfilms ainsi que Khaled Barsaoui qui joue un petit rôle dans le film. Il s’agit ici de partir de ce que pouvait être la vie de Mohamed Bouazizi, vendeur de rue de 27 ans qui s’est immolé par le feu le 17 décembre 2010, déclenchant les émeutes qui conduiront à la révolution tunisienne. Ali (Adam Bessa, le seul acteur professionnel du film) est donc un jeune squatteur d’une friche industrielle qui vend du pétrole de contrebande à un coin de rue et économise pour quitter le pays. La mort de son père et le départ de son frère vers Hammamet pour un job touristique l’oblige à prendre soin de ses deux sœurs, Sarra et Allysa dont la voix ponctue le film, formulant ce que ne dit pas le silencieux Ali. Aucune combine ne fonctionnant pour faire face aux dettes du père et assurer le quotidien, il sombre peu à peu dans la dépression…

Le titre du film indique que le sujet n’est pas seulement ce qu’est devenue la jeunesse tunisienne après l’espoir révolutionnaire mais son enfermement alors qu’elle voudrait pouvoir circuler dans le monde. Tourné en 35 mm à Sidi Bouzid, où la révolution a commencé, le film est marqué par les émeutes. Le tournage a d’ailleurs profité de manifestations réelles.

En tant que spectateur, nous ne pouvons que soutenir Ali, qui se démène comme il peut. Rien à condamner chez lui : il rejette le copain qui fait croire à l’eldorado berlinois, il essaye d’assurer auprès de ses sœurs, il ne fait rien d’immoral. Les codes du western et la musique dramatique ne suffisent pas à donner corps à ce parangon de la génération perdue. Même dans sa dérive, il est dénué de complexité comme l’est le reste de ce film-constat qui ne nous apprendra rien de plus sur l’environnement social ou politique. Tant et si bien que le drame final nous paraît improbable et que le film laisse l’impression d’avoir utilisé une histoire fondatrice de la Tunisie contemporaine sans lui faire véritablement honneur.

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