FIMA 2000 : crise ou succès ?

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Du 11 au 13 novembre dernier, s’est tenue à Niamey la seconde édition du FIMA (Festival international de la mode africaine) organisé par l’omniprésent styliste nigérien Alphadi. Si cet événement s’impose comme l’un des plus prestigieux du continent, il apparaît aussi de plus en plus critiqué.

En 1998, le premier festival international de la mode africaine se déroulait en plein désert de l’Aïr-Ténéré, à une soixantaine de kilomètres d’Agadez, au milieu des dunes de sable de Tiguidit. En l’an 2000, pour sa seconde édition, Alphadi et ses sponsors ont préféré Niamey, la capitale nigérienne, destination plus abordable au plan géographique… comme financier. Mais pour l’essentiel, la formule reste la même : un stupéfiant show présentant les plus grands noms de la mode africaine et internationale. Au total, trente-cinq créateurs originaires de vingt-trois pays, une cinquantaine de mannequins et 1500 invités, triés sur le volet, venus notamment de France et d’Europe.
La colère des islamistes
Pourtant le Fima 2000 a bien failli ne pas avoir lieu. Trois jours avant l’ouverture du festival, plusieurs associations islamistes locales s’enflamment. Déjà scandalisées il y a deux ans par l’exhibition de mannequins quasiment nues, elles appellent les Nigériens à manifester contre « cette cérémonie de perversion ». Leur cause ne mobilise heureusement guère les foules. Plusieurs échauffourées éclatent toutefois à Niamey entre une centaine de manifestants et les forces de l’ordre. Dans d’autres villes du pays, des bars et des P.M.U sont incendiés. Les incidents se révèlent suffisamment importants pour être relayés par RFI. Résultat : plusieurs personnalités et journalistes annulent leur venue. Mais surtout, les organisateurs du Fima tremblent pour la sécurité de la manifestation. Le gouvernement nigérien décide de sanctionner plusieurs de ces groupuscules en les déclarant publiquement illégaux. Sept leaders d’associations islamistes et plusieurs dizaines de manifestants sont finalement arrêtés. Bref, le Fima 2000, contrairement à l’édition précédente, s’ouvre dans un climat tendu. Le jour J, un véritable régiment de militaires et de forces de l’ordre, kalachnikov au poing, est d’ailleurs déployé pour quadriller la magnifique plage de sable qui accueille le festival…
Un festival sans ancrage populaire
C’est donc au bord du fleuve Niger, à une dizaine de kilomètres de Niamey qu’a lieu le défilé. Volontairement éloigné de la ville et de sa population, le Fima ne cultive aucun ancrage populaire. Pas une manifestation, un concert ou une rencontre qui ne soit ouvert à tous ou organisé dans les rues de la capitale. Certes, le prestige médiatique que l’événement apporte au Niger est indéniable : le temps d’un show féerique digne du Carrousel du Louvre, ce pays, l’un des plus pauvres de la planète, devient un carrefour international de la mode. Prestige encore accru cette année par la retransmission en direct du défilé par la chaîne CFI (Canal France International). Les Nigériens ne sont pas insensibles à ce prestige et en retirent une certaine fierté, leur pays ayant peu d’occasion de briller sur la scène artistique internationale.
Pourtant toute une frange de la population est loin d’apprécier sa totale mise à l’écart de l’événement. Tel cet artiste nigérien qui n’hésite pas à affirmer : « Qu’est-ce que cela apporte à la ville ? Rien. Nous ne voyons qu’un déferlement prodigieux de moyens et d’argent pour une poignée de Blancs. » Pourtant les grands rendez-vous culturels africains (Fespaco, Masa, Dak’Art) ne démontrent-t-ils pas que leur ancrage dans la ville et la population locale sont un élément essentiel de leur succès ? Le Fima 2000 aura toutefois été l’occasion de mesurer une fois encore la bouillonnante vitalité de la mode africaine.

Les créateurs invités au Fima 2000 :
Les créateurs africains : Alphadi (Niger) ; Bamondi (Togo) ; Claire Kane (Sénégal) ; Collé Sow Ardo (Sénégal) ; Dasha (Bénin) ; Dou Couture (Mali) ; Eric Raisina (Madagascar) ; Fadilah Berrada (Maroc) ; Sakhina M’Sa (Comores) ; Gilles Touré (Côte d’Ivoire) ; Habiba (Côte d’Ivoire) ; Juliette Ombang (Cameroun) ; Jemann (Cameroun) ; Karim Tassi (Maroc) ; Mekness (Algérie) ; Mickaël Kra (Côte d’Ivoire) ; Nawal El Assad (Côte d’Ivoire) ; Olga O (Gabon) ; Oumou Sy (Sénégal) ; Pathé O (Burkina Faso) ; Pépita D (Bénin) ; Xuly Bët (Mali).
Les créateurs des autres continents : Annie Pilote (France) ; Bibi Russel (Bangladesh) ; Carlos Miele (Brésil) ; Clarisse Hieraix (Antilles) ; Jean Doucet (France) ; Jean-Paul Gaultier (France) ; Katherine Pradeau (France) ; Mayela (Vénézuela) ; Maurizio Galante (Italie) ; Paul Hervé Elisabeth (Martinique) ; Seredin et Vassiliev (Russie) ; Yves Saint Laurent (France).///Article N° : 1723

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FIMA 2000 © Desjeux
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