Métissages

Zoë Wicomb et Monique Agénor racontent le métissage en Afrique du Sud et dans l'Océan Indien

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Dans son dernier recueil de nouvelles, Monique Agénor voyage sur les îles de l’Océan Indien comme les cocos-de-mer, ces étranges noix mâle-femelle qui ont donné leur nom à l’ouvrage. La légende raconte que leur odyssée les aurait conduits de la corne de l’Afrique jusqu’aux Seychelles, en passant par les côtes indiennes. Les sept nouvelles insulaires du recueil naviguent entre l’île de Madagascar, les Comores, la Réunion, l’île Maurice ou l’île Rodriguez, guidées par les mythes et les légendes. Ils ont jeté l’ancre avec les hommes, venus de Chine, d’Inde, d’Afrique ou d’Europe.
Le métissage, déjà au cœur de son précédent roman (Comme un vol de papang’), semble être un thème cher à Monique Agénor. Elle en exploite la richesse en utilisant les créoles caractéristiques de ce genre de situation et en décrivant des imaginaires venus des quatre coins du monde. Mais pour les personnages de ses nouvelles, le métissage est synonyme de déchirement, car derrière se cache souvent une histoire douloureuse faite de domination et de violence.
Dans l’Afrique du Sud que décrit Zoë Wicomb, le métissage reste un tabou. La société régie par l’apartheid réservait une place très ambiguë à cette communauté, considérée supérieure à la population noire et pourtant exclue de celle des Blancs.
Frieda Shenton, jeune métisse et héroïne des dix nouvelles d’Une clairière dans le bush, ne trouve guère sa place dans cet entourage qui traite les « Hottentots » avec condescendance et dédain et glorifie ses lointains ancêtres blancs. Gênée vis-à-vis de sa famille quelque peu frustre, mal à l’aise par rapport à sa propre image, Frieda fuit le veld de Namaqualand jusqu’en Angleterre, en passant par le Cap. Mais ni ses années à l’étranger, ni ses diplômes universitaires ne lui permettront d’échapper à son statut de métisse auquel elle se retrouve de nouveau confrontée une fois de retour en Afrique du Sud.
Le recueil de Wicomb est une description tout en finesse du malaise de la jeune femme, torturée par l’image que lui renvoie la société de l’apartheid. On savourera au passage les scènes de réunions familiales, peintes avec une délicieuse pointe d’ironie.

Cocos-de-mer, de Monique Agénor. Le Serpent à Plumes, 2000, 156 p., 89 FF.
Une clairière dans le bush, de Zoë Wicomb. Traduit de l’anglais par Lise Brossard. Le Serpent à Plumes, 2000, 246 p., 129 FF.///Article N° : 1762

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