« L’enfant du pays »

Entretien d'H. Ndandino avec François N'gwa

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François N’GWA auteur, compositeur, interprète, est sans doute le chanteur gabonais le plus doué de sa génération. Star incontestée dans son pays, il n’a cependant pas encore connu la consécration internationale. Probablement parce qu’il vit en indépendant, loin des systèmes des compagnies majors qui pourtant aujourd’hui ne le laissent pas indifférent…

Comment expliques-tu qu’en dehors du Gabon tu sois relativement méconnu et ce malgré des succès dans de nombreuses radios et des récompenses internationales ?
Je crois que c’est parce que nous restons dans un style de musique bien précis, l’Africain danse toujours les mêmes choses ce qui n’est pas un mal en soi, mais c’est quelque part un handicap pour l’émergence des musiques dites « nouvelles » comme ce que je fais.
Quels sont les problèmes auxquels tu es confronté ?
Essentiellement des problèmes de promotion. Réaliser un album ce n’est pas ce qui coûte le plus cher. Il faut trouver des gens qui ont de l’argent et qui croient au genre de musique qui est le mien.
Deux albums en préparation, pourquoi une telle démarche ?
Il est difficile dans un même album d’avoir des choses complètement différentes, où chaque titre serait un concept à part. Au final l’album manquerait d’unité. C’est pourquoi j’ai voulu les séparer.
Quels sont les musiques et les musiciens qui ont influencé ta création ?
J’ai commencé par écouter des musiques pop, rythm and blues, soul… dont j’ai fait beaucoup d’interprétation. Je ne me suis pas rendu compte tout de suite de l’impact des musiques traditionnelles. Ce n’est qu’après quand j’ai commencé à écrire des chansons. Il en va de même de la similarité des mouvements entre les musiques traditionnelles, classiques et modernes. La musique est unique, ce sont les tendances du moment qui changent.
Au niveau africain il y a Fela. C’est quelqu’un qui savait ce qu’il voulait et qui s’est battu sans compromission pour l’obtenir. Au Gabon Rèmpano Mathurin, Touano Ngondet Lambert dit « Quatro », étaient des gens qui possédaient une écriture musicale et textuelle hors du commun, avec des métaphores extraordinaires. Evidemment Akéndéngué qui est un monsieur qui a contribué à non seulement faire évoluer la musique gabonaise, mais aussi la musique africaine par les textes, par les nouveaux arrangements, par l’exploration de lieux non connus, ce mélange tout justement de musiques traditionnelles avec des éléments plus modernes, différents.
François Ngwa musicien éclectique…
C’est pour cela que je fais la musique et non pour m’inscrire dans un genre particulier. Chaque chanson pour moi est comme un paysage.
Il faudrait qu’on voyage à travers un disque, qu’on ne reste pas dans le même univers.
Dans ta musique il y a beaucoup d’amour et autant de dénonciation…
L’amour, oui, on ne va pas épiloguer là-dessus, chacun sait un peu ce que c’est. La dénonciation c’est toutes ces choses qui nous dérangent même quand quelques fois nous composons avec elles. On dit souvent qu’il faut balayer devant sa porte, en l’occurrence chez nous c’est là que l’on trouve les maux les plus durs. Il faudrait que nous parlions de ces choses, c’est aussi notre rôle d’artiste de les dire, parce que nous bénéficions d’une certaine tribune. Je crois que c’est également dans l’intérêt des gens qui nous dirigent d’entendre ces choses.
Crois-tu que nos dirigeants sont aveugles au point de ne pas savoir ce qu’ils font ?
Il faut avouer que parfois on se pose des questions. Il y a des choses qui sont tellement évidentes que l’on se demande comment à certains niveaux de responsabilités on n’arrive pas à résoudre ces problèmes.
Quelle place le Gabon occupe-t-il dans ta carrière ?
Une place de cœur, c’est mon pays d’origine. J’aurais bien souhaité y vivre pour y exercer mon talent et surtout y apporter mon expérience. Ma vie est partie pour être une vie de musique et je pourrais difficilement la vivre au Gabon. Par exemple, faire deux concerts sur une année à Libreville, c’est un maximum. On ne peut pas en faire cinq. Je ne parle même pas des villes de province. Je suis obligé de composer avec d’autres marchés. Y retourner pour le principe ne servirait à rien.
La musique gabonaise malgré des grands noms comme Akéndéngué, Hilarion Nguéma, Mackjoss, Pierre Claver Nzeng, Aziz’Inanga… demeure méconnue ?
Je dirais que ce sont des gens qui ont travaillé dans l’artistique, et qui – ce n’est pas un reproche que je leur fais – n’ont pas compris le business tel qu’il était à l’époque. Encore que des personnes comme Akéndéngué l’ont frôlé pour ne pas dire qu’ils en ont un peu vécu. Il faut dire que nos prédécesseurs ont également passé leur temps à déblayer les idées préconçues, notamment que la musique n’était pas un métier. C’était le cas d’Hilarion Nguéma. Akéndéngué est arrivé à un moment où les musiques du Sud commençaient à poindre leur nez, le business n’était pas encore bien installé.
Aujourd’hui pourtant ce n’est pas plus facile !

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Dolè, Bande originale du film – Direct & Différé///Article N° : 1781

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