« Nous avons le pouvoir de dire »

Entretien d'Olivier Barlet avec Jean Shaka, acteur

Abidjan, 2001
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Ecurie Maloba (RDC),
« Les dernières nouvelles se sont pas bonnes », de Wilson Dave.
Mise en scène de Nono Bakwa

Le type de théâtre que vous jouez est très pathétique. Est-ce le contexte congolais qui ressort à travers les écritures des auteurs ?
L’Ecurie Maloba a décidé depuis quelques temps au travers de son répertoire de dire vraiment les choses. Nous pensons que le rôle du théâtre est de dénoncer certains aspects de la vie sociale et de les arranger. Nous n’avons pas le pouvoir de le faire, mais nous avons celui de le dire. Tout le travail de l’artiste en ce début de millénaire est de savoir dire des choses sans en avoir peur. L’artiste est un leader d’opinion, il a un pouvoir et doit l’utiliser, parfois de façon humoristique. C’est ce que nous faisons. J’espère que nous ne prêchons pas dans le désert, que ceux qui doivent entendre et faire, feront ! Et nous, nous continuerons notre chemin.
La notion de frontière est très forte dans la pièce. De quelles frontières parle-t-on ?
Ce sont les frontières que nous avons dans la vie. Dieu, en créant ce monde, n’avait pas mis de barrière. Pour venir à Abidjan, moi qui suis Africain, je dois avoir un visa d’entrée ; c’est déjà une barrière. Elles se limitent au niveau politique, mais pas au niveau de l’art. Lorsqu’on demande à Koffi Olomide de venir, ses disques eux n’ont pas besoin de visa. On ne peut pas circuler tranquillement. La police, les passeports, tout ça sont des barrières. Ce sont ces mêmes barrières qui font que maintenant on commence à voir son voisin comme un adversaire alors que l’on pourrait le prendre comme un frère.
A côté de la barrière, un pantin figé s’anime de temps en temps. La mise en scène le présente comme un espèce de cow-boy qui lève son bâton.
Le cow-boy représente la partie qui dirige, tous ces pantins qui sont à des postes sans le mériter, sans même avoir fait l’école, juste parce qu’ils sont cousins ou frères de l’un ou l’autre. Ils ont le droit de vie, de mort, de donner ou de retirer à quelqu’un. Ce shérif de l’autre côté de la frontière représente ces gens qui n’ont rien faire à cette place, qui y sont par la force des choses et qui importunent même ceux qui ont le droit d’y être. Le shérif, cela peut-être n’importe qu’elle personne qui empêche l’autre de venir à sa place.
Il y a une tension permanente entre l’humour – avec toutes ces histoires de gosses, du passé et du futur – et le pathétique – et l’on passe sans cesse de l’un à l’autre.
Le texte de l’auteur était très compliqué, très dur et très poignant. C’était un gros travail d’agencer le texte. Il fallait lui trouver des respirations, sinon le public reste sous tension. Ces relâchements humoristiques étaient nécessaires. Il s’agit en fait de situations vécues très dramatiques dans leur fond mais qui dans leur forme peuvent être légères. C’est le cas de ces enfants dans la rue. Ces situations sont à la base de certaines barrières.
Nono Bakwa était malade et les acteurs provenant de différents pays n’ont pu qu’insuffisamment se réunir : avez vous l’impression de présenter le spectacle que vous vouliez montrer ?
Il manque une partie à ce spectacle. La projection d’un film d’animation est prévue, en guise de décor et de complément au texte que nous jouons, durant toute la durée du spectacle. Kibushi, un Congolais demeurant à Bruxelles qui fait du cinéma d’animation, attend que nous trouvions les financements pour commencer le travail.
Les problèmes de régie dus à la difficulté de gérer plusieurs pièces jouées dans une même salle ont également joué mais le spectacle a laissé une bonne impression et nous en sommes contents. Nous avions eu le temps de répéter sérieusement dans un espace qui nous a été prêté.
Dans quelle dynamique se place la compagnie de l’Ecurie Maloba ?
Nous avons quelques difficultés dues à la situation que connaît le Congo. Cela ne nous empêche pas de continuer. Nous venons d’ouvrir la saison qui va de février à décembre et les productions se passent normalement. Nous préparons actuellement le Festival international de l’acteur (FIA) car nous voulons faire une grande édition cette année. L’organisation interne est déjà mise en place. Le protocole d’accord avec la Francophonie est arrivé, ce qui est une bonne chose. J’espère que tout se fera à temps.

///Article N° : 1959

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