Nouveautés du disque

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Solorazaf, Nine pieces of bizarre (Musikéla)
Que dire d’autre qu’un cliché après avoir entendu le dernier album du lead guitar de Miriam Makeba ? C’est un beau moment de musique. C’est aussi un parcours surprenant. Né à Montpellier, Solo Razafindrakoto, originaire de Madagascar, passe son enfance à Tananarive où, à 17 ans, il sera l’un des plus jeunes musiciens de studio. En 1979, la France voit revenir quelqu’un d’assis culturellement et d’affûté musicalement. C’est en 1986 qu’il rencontre la « Mama Africa ». Il l’accompagnera dans toutes ses tournées. « Nine Pieces of bizarre » sont des virgules, des pauses, sans exagération de longueur – le disque fait à peine 41 minutes -, une série d’acoustiques mélodieuses et softs, un peu à la Georges Benson ou Earl Klugh avec en plus, le tempo de la tradition malgache et celle de l’océan indien.
SamFan Thomas, No satisfaction (JPS)
Avant, le Camerounais SamFan Thomas faisait du makassi. Dirigé par une solide ligne de basse, ce rythme sortant tout droit de la tradition bamiléké, de l’ouest du Cameroun, concurrençait sérieusement le makossa et le bikutsi. Maintenant, SamFan ne parvient même plus à se plagier. Il est difficile de mettre un nom sur ce rythme qui tend de plus en plus vers un afro-zouk qui ne dit pas son nom. Un album qui est largement en dessous du réel talent de l’artiste et que l’on peut qualifier de manque de respect aux amateurs et aux fans.
Guy Lobé, O Ya Yo (JPS)
Qu’est-ce qui sépare le Guy Lobé d’il y a dix ans et celui d’aujourd’hui ? Une pléiade d’albums ; certains diront trop… Il y a aussi un style qui depuis le célèbre « Ami, Amyo » n’a pas réellement évolué, si bien que cet ensemble composé de makossa, de rythmes congolais et de zouk a de quoi lasser.
El Hadji Faye, Etoile 2000 de Dakar (Mélodie)
Cet ancien membre de l’Etoile de Dakar, groupe fondé à la fin des années 70 et dont faisait partie Youssou Ndour, n’a pas connu le même rayonnement que ses anciens coéquipiers. Le mbalax a du mal à décoller de son contexte local. Ce qui n’est pas forcément synonyme de médiocrité, mais le travail à l’enregistrement semble quelque peu négligé. On peut le regretter, car El Hadj Faye possède une réelle personnalité musicale.
Anto Déne Wade, Alerte rouge (Mélodie)
Dommage que l’album ne compte que cinq titres. Dommage aussi que le travail d’enregistrement et de conception soit quelque peu bâclé car cet ancien membre de Langa Langa Star – encore un – semble passer facilement du soukouss, à la salsa et de la rumba au zouk et à les faire fusionner de façon imperceptible, comme si l’un découlait de l’autre. Les voix assez classiques sont bien posées sur des thèmes déjà popularisés par le « ghetto » et, avantage des sons provenant de cette région de l’Afrique, c’est toujours aussi dansant.
Moribo Koïta, Sorotoumou (Cobalt)
Nombreux sont les Maliens qui, une fois arrivés à Paris, revendiquent haut et fort des origines griotiques comme justificatif à une pratique musicale à but essentiellement lucratif. Il y en a tellement que l’on s’y perd facilement. Moribo Koïta n’a jamais eu besoin de crier sur les toits qu’il était griot. Il suffit d’entendre la façon dont il égrène les cordes de son ngoni, petit instrument à quatre cordes chez les Bambaras, « véritable instrument des griots », pour comprendre pourquoi les meilleurs ont sollicité ses services. Certes, « Sorotoumou » est un album vieux de près de deux ans, mais les deux concerts que Moribo s’apprête à donner au mois de mai à Dijon et à Istres le réactualise. Et de toute façon, Moribo Keïta reste actuel à tout moment !
Rabah Asmah, Alnim (Blue Silver)
Il est très difficile de dissocier l’importance des textes et celle de la musique de Rabah. La musique d’abord. Elle provient du coeur de la Kabylie. Depuis 82, Rabah tente de la faire sortir du cadre très local dans lequel elle semblait sombrer. Comme c’est malheureusement très souvent le cas, c’est l’exil hexagonal qui lui fournira la possibilité de s’exprimer. Pas tout de suite grâce à un album, mais comme « ambianceur » dans les fêtes et les mariages. Les paroles aussi sont à l’image de la Kabylie et plus généralement de l’Algérie et de la tragédie qui chaque semaine laisse une dizaine de personnes sur le carreau, mais aussi de l’amour, de l’espoir. L’unique texte en français exprime les dures règles de l’exil qui, aujourd’hui, intègrent le racisme et l’hypocrisie. Un album intelligent.
Djigui, M’bolon (Cobalt)
Au premier abord, le son sourd du m’bolon étonne et laisse l’impression d’une guitare mal cordée. Le chant « rauque et incantatoire » du Malien Djigui Traoré évoque les champs et le village. C’est Nahawa Doumbia, la diva malienne qui cartonne actuellement sur le même label, qui le fit découvrir. On voit rarement le m’bolon car il est la plupart du temps dans les champs où ses trois grosses cordes servent à encourager les cultivateurs dans leur labeur. Sympathique reconversion pour un instrument créé dans l’empire mandingue depuis neuf siècles et qui, dans le temps, servait à encourager les guerriers. Ce premier album est composé de créations, de conseils, de leçons de morale, d’hommages et de dédicaces dont la plus belle est celle faite aux femmes qui souffrent pendant les neuf mois de leur grossesse.
Késiah Jones, Liquid Sunshine (Delabel)
On pourrait se demander pourquoi placer Keziah Jones dans le moule de la musique africaine. Le troisième album du Nigérian élevé en Angleterre et découvert alors qu’il jouait dans le métro à Paris ne tient compte que d’une seule chose : Keziah lui-même. Et de sa guitare acoustique qu’il manie parfois à la façon d’un Prince ou d’un Lenny Kravitz voire d’un Hendrix ; d’une destinée universelle qui l’ouvre aussi bien aux travaux de Freddy Mercury ou de John Lee Hooker et Marvin Gaye ; de ses réflexions sur l’Afrique post-coloniale et sur l’esclavage et de ses influences grunges et psychédéliques. Treize titres pour une vision très conceptuelle de la vie et de la musique avec une voix plurielle, qui semble s’adapter à chaque morceau.
Orchestre national de Barbès, Poulina (ONB Corp/Virgin)
On se souvient du carton du premier album. De cette fusion ouverte à des rythmes allant du raï au rock en passant par le gnawa, le ragga, le kabyle, le jazz, le chaâbi, le reggae. « Poulina », le second, est du même registre, avec l’avantage de l’expérience. Celle de la scène surtout, qui a fait leur renommée finalement scellée par une sortie. D’ailleurs, ils le seront sur scène, et pas n’importe laquelle, à l’Olympia, les 1er et 2 mai.

///Article N° : 2020

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