Montpellier Danse 2001

L'atelier du monde, pépinière de talents

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L’été dernier, le festival Montpellier Danse a accueilli, dans le cadre de l’Atelier du Monde, une quarantaine de jeunes danseurs venus des quatre coins de la planète. Parmi eux, 29 Africains originaires de l’ensemble du continent, de l’Algérie à l’Afrique du Sud. Cette opération inédite, initiée par l’Afaa, a non seulement permis à cette nouvelle génération de chorégraphes de se rencontrer et de se former mais elle a aussi confirmé leurs formidables potentialités.

Moeketsi Koena, 30 ans, vit a Soweto. Il compte parmi les jeunes danseurs noirs les plus prometteurs d’Afrique du Sud. Durand Thibaut Boundzimbou Telansamou, 23 ans, Congolais, a remporté avec sa compagnie, le Ballet Tieri, le prix Découverte RFI 2000, sans jamais avoir quitté son pays natal. Taoufiq Izeddiou, 26 ans, Marocain, s’est vu confié par le chorégraphe français Bernardo Montet l’unique interprétation autorisée du célèbre solo de Susan Buirge, Danse Nord. Francisco Edu Monsuy, 23 ans, est le co-fondateur de la première compagnie de danse contemporaine en Guinée Equatoriale… Ils parlent anglais, français ou portugais, n’ont ni le même héritage culturel, ni les mêmes influences, ni des conditions de travail similaires, mais tous cherchent, avec une même ardeur, une nouvelle écriture chorégraphique qui exprime leur identité contemporaine, profondément composite. Aussi différents soient-ils, chacun des 29 stagiaires africains sélectionnés pour participer à l’Atelier du Monde représente dans son pays une pratique et une recherche innovantes de la danse.
L’Afaa (Association française d’action artistique) et le festival Montpellier Danse ont eu l’excellente idée de réunir ces jeunes créateurs qui ne s’étaient jamais rencontrés pour leur offrir une formation pluridisciplaire, à la fois chorégraphique et analytique. Certains n’avaient jamais quitté leurs pays, d’autres leur continent. Durant deux semaines, ils se sont retrouvés au coeur de la cité mediévale, hébergés dans le magnifique cadre du centre chorégraphique de Montpellier, immergés dans le monde international de la danse contemporaine.
Une fenêtre sur le monde
Ils ont ainsi pu suivre plusieurs « workshops » donnés par des chorégraphes renommés, pour la plupart invités dans la programmation du festival : les Français Benoît Lachambre, Laurence Levasseur, Mathilde Monnier, Karine Saporta, le Burkinabé Salia Sanou, l’Allemand Raimund Hoghe, Rita Quagllia et pour la fabrication de décor Lluis Ayet. Mais aussi prendre part a un atelier du Regard qui leur permettait d’assister à tous les spectacles du festival (Merce Cunningham, Jiri Kylian, Emio Greco et Pieter C. Scholten, Catherine Diverres…) afin de les analyser et d’en discuter.
Une formidable ouverture artistique, aussi intense qu’enrichissante, mais qui n’a pas manqué de difficultés et de chocs pour la plupart des stagiaires africains. « J’essaye de capter tout ce que je peux, autant que je le peux. Je découvre, j’apprends énormément, confiait ainsi le Sud-Africain Moeketsi Koena. Lorsque j’ai suivi les ateliers de Salia Sanou la première semaine, j’ai eu beaucoup de mal. Mon corps n’était pas préparé pour de tels mouvements énergiques, difficiles. Au bout de deux jours, je ne pouvais plus bouger. J’ai dû changer et suivre les cours de Laurence Levasseur. » Questions et remises en questions ne manquent pas de survenir chez chacun des participants. Ainsi pour le Togolais Pierre Sanouvi : « C’est une fenêtre sur le monde qui s’est ouverte. A nous de savoir où nous situer. Nos danses viennent surtout du torse. Nos pied sont enracinés par tradition dans la terre. Ici, nous cherchons a être plus volatiles, et nous trouverons peut-être une danse qui sera à mi-chemin entre l’air et le sol. »
L’expérience est une véritable bouffée d’oxygène pour les danseurs africains. Pas seulement aux plans de la formation et de la culture chorégraphique mais aussi du point de vue des échanges. Car s’ils soufrent en effet dans leur pays du manque de reconnaissance et de structure de formation, ils pâtissent tout autant de leur isolement.
Rencontres inédites
Au fil des jours, les chorégraphes se rencontrent et plusieurs projets de collaboration voient le jour entre danseurs qui se découvrent proches que ce soit géographiquement ou dans la perception et la pratique de la danse. Les danseurs égyptien Metyas Bassem Adli Aziz et tunisien Belkhodja Syhem Latrache décident ainsi de créer une pièce commune. Tout comme les Sud-Africains Moeketsi Koena et Nkabinde Themba qui souhaitent travailler avec le Zimbabwéen Gilbert Douglas de Tumbuka Dance Company. Des rapprochements plus insolites se créent aussi comme le projet chorégraphique entre le Togolais Pierre Sanouvi et la Marocaine Bouchra Ouizguen. Tout autant qu’une formidable ouverture sur la danse contemporaine, l’Atelier du Monde aura donc été une exceptionnelle occasion de créer de nouvelles synergies entre jeunes chorégraphes africains mais aussi du monde entier. Cette plate-forme leur aura permis non seulement de se professionnaliser encore davantage mais aussi et surtout leur aura ouvert des perspectives essentielles pour leur avenir. « Ça nous a donné beaucoup d’expérience, résumait Francisco Edu Monsuy. Chez nous, la danse contemporaine commence à peine à exister. C’est après le passage de la compagnie Black Blanc Beur que nous avons commencé à chercher à moderniser la danse traditionnelle. Ce stage nous a énormément appris. De retour dans notre pays, nous voulons monter un cours de danse contemporaine au Centre culturel français. »
A la fin de l’atelier, plusieurs stagiaires ont présenté un solo d’une dizaine de minutes devant un petit nombre de professionnels venus du monde entier assister au festival Montpellier Danse. A l’issue de cette présentation, plusieurs d’entre eux ont reçu une invitation à venir se produire à l’étranger comme le jeune Congolais Durand Thibaut Boundzimbou Telansamou qui devrait se rendre l’an prochain en Inde. Les suites de l’Atelier du Monde seront donc nombreuses. Cette plate-forme inédite a indéniablement confirmé que les chorégraphes africains sont à même de faire surgir une des danses les plus novatrices de ce 21ème siècle.

///Article N° : 21

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