En tournée en France durant l’automne dernier, les acrobates kenyans de la troupe Jumbo Mambo ont donné un spectacle étonnant accueilli notamment au Théâtre 71 de Malakoff. Né d’une rencontre étrange entre le cirque de Jérôme Thomas et Rémy Balagué et ces héritiers de la tradition acrobatique kenyane, Amani ya bwana est une recherche chorégraphique qui investit l’acrobatie d’un véritable pouvoir narratif. C’est la reconquête d’une identité que viennent raconter ces échafaudages babéliens qui donnent le vertige aux spectateurs.
Les personnages qui peuplent d’abord le plateau ne sont que formes pachidermiques et caoutchouteuses, engoncées dans le costume peu seyant du travailleur immigré, terne, et toujours trop étroit. Elles rampent, glissent, trébuchent, boitent, se balancent lourdement…. mais finissent par sortir subitement de leur chrysalide. Sous les bonnets de laine, les canadiennes élimées, les pulls délavés, les anoraks déchirés, les pardessus décousus et les bottes en caoutchouc naissent des corps libres et souples, dreadlocks au vent. Et soudain, comme dans un éclair, ces sept papillons aux costumes colorés qui défient l’apesanteur nous emportent dans un tourbillon de figures étourdissantes : beauté fulgurante d’une identité reconquise. Au delà de l’humour, de la performance et de la virtuosité, Amani ya Bwana est un spectacle qui interroge le regard occidental et sa propension à enfoncer avec mépris celui qui semble ne pas se fondre dans son monde. Un conte éternel : n’oublions pas qu’oripeaux et gaucherie cachent parfois une lumière qui défie les étoiles.
