Palaver Finish

De Chenjerai Hove

Les accusations de Chenjerai Hove
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Receuil d’articles, Palaver Finish, le dernier livre de l’écrivain zimbabwéen, met à nu le pouvoir de Robert Mugabe.

Il devient urgent de déconstruire le discours panafricaniste qui tient du lieu commun, de liant facile chaque fois que deux entités africaines se rencontrent sur un terrain donné. Ce discours passe-partout et sans saveur, on le retrouve dans les journaux et plus spécialement dans le courrier des lecteurs, dans les chansons, sur les ondes des radios ou dans les circulaires des organisations continentales, type OUA. Plus grave, cette pensée minimaliste joue le rôle de fumée d’écran là où la critique lucide serait la bienvenue. Les élites africaines, maîtresses de leur destin depuis une quarantaine d’années et experts en incuries et banqueroutes, s’en tirent à bon compte en accusant qui le monde extérieur, qui les petits-fils des anciens colons, qui les conditions climatiques.
Un exemple récent et tragique nous est donné par le président sud-africain, Thabo Mbeki pour son soutien aveugle au cacique Robert Mugabe qui s’est encore maintenu au pouvoir en bâillonnant le parti de l’opposition MDC et en fraudant lors des élections présidentielles du 8-9 mars 2002. Le verdict de Chenjerai Hove est sans appel : « Mugabe est prêt à tout pour rester au pouvoir, même à tous nous tuer », déclarait-il quelques jours avant le scrutin (Courrier International, 5/3/2002) avant d’ajouter plus loin « Mbeki sait que la crise de la terre au Zimbabwe risque de se répandre en Afrique du Sud, car le problème y est plus grave encore. Il sait que, s’il stigmatise Mugabe, une partie de son opinion publique va l’accuser d’être le complice des Blancs. Et pourtant, la seule personne qui puisse changer les choses au Zimbabwe, c’est lui ».
Chenjerai Hove est aujourd’hui l’écrivain zimbabwéen le plus reconnu tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son pays et dont l’oeuvre se décline en anglais et en shona. Il est aussi depuis novembre 2001 réfugié en France, hôte de la ville de Rambouillet, membre du réseau de « villes refuges » impulsé par le Parlement international des écrivains. Poète, romancier et journaliste, il a l’heur de déplaire fortement au régime de plus en plus suicidaire du président Robert Mugabe parce qu’il intervient fréquemment dans le débat public, et fait de l’ombre à la mégalomanie du chef suprême.
Palaver Finish, qui sort simultanément au Zimbabwe et en Afrique du Sud, est une collection d’articles publiés dans un hebdomadaire libéral de Harare, The Zimbabwe Standard. D’article en article, de fable en parabole, sans complaisance ni acrimonie, Chenjerai Hove met à nu la nature hideuse du parti ZANU-PF toujours au pouvoir depuis l’indépendance de 1981.
Un ancien héros des maquis, le tombeur de Ian Smith, le camarade Robert Gabriel Mugabe s’est mû en chef de clan coléreux et en dictateur fascisant dont l’attribut le plus trouble reste la petite moustache taillée à la Adolf Hitler et dont l’un des hommes de mains, le chef des sinistres vétérans s’est affublé le surnom de Hitler (Chenjerai « Hitler » Hunzvi). Les articles de Hove dévoilent le côté sombre de l’establishment de Harare. On y apprend beaucoup sur la morgue de la fine fleur compradore, l’autisme suicidaire de son chef, le naufrage qui guette tout un pays pourtant riche en ressources naturelles et humaines, la complicité de Pretoria. Le romancier fait montre d’optimisme et de verve même quand la situation est désespérée tant son amour pour ce beau « pays en forme de cœur humain » est incommensurable. Et son analyse sans illusion : « Je sais que je vis dans un pays dirigé par des menteurs qui ont fait tout pour tromper les gens et détruire la conscience nationale« . Chenjerai Hove dénonce le racisme anti-blanc de Mugabe et consorts comme il avait dénoncé le pogrome qui avait eu lieu dans le Matabeleland dans les années 1980.
Enfin, l’auteur d’Ossuaire revient souvent sur la place de l’écrivain, le « tisseur d’histoires », et son rôle primordial dans la société : « En tant qu’écrivain, j’ai fait miens certains principes. Si je vais dans un nouveau, je ne veux pas apprendre son histoire à partir de manuels d’histoire. Je cherche à savoir qui sont les écrivains majeurs du pays. Ainsi Terre violente de Jorge Amado m’a appris davantage sur le Brésil que tous les livres d’histoire. La véritable histoire du Zimbabwe se trouve dans le cœur battant de ses écrivains. La terre, qui est utilisée aujourd’hui comme un argument de campagne électorale, a été brillamment décrite il y a des années déjà, par Charles Mungoshi dans son grand roman, Waiting for The Rain. Les politiciens ne lisent pas » (ma traduction, p.85). On s’en doutait bien.
Trêve de palabres. Même réduit à l’exil, il reste l’une des personnalités les plus sensibles et les plus combatives du Zimbabwe et du continent. C’est l’occasion de découvrir son dernier roman qui vient d’être traduit en français, Ancêtres (Actes Sud, dans l’excellente collection Afriques).

Palaver Finish, Chenjerai Hove, essays, Weaver Press, Harare/M & G Books, Johannesburg,
88 pages, 2002, prix non indiqué
Lire aussi les articles de l’écrivain djiboutien Abdourahaman A. Waberi sur Chenjerai Hove dans Africultures 13 (portrait) et 41.///Article N° : 2421

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