Zaïre : le cycle du serpent

De Thierry Michel

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Cela a commencé avec l’homme Lumumba, espoir de liberté, de démocratie et de bonheur. Mais l’indépendance a mal tourné et le lion Tschombé est venu réinstaurer la discipline. Puis vint le léopard Mobutu qui parle comme l’homme mais, en bon félin, impose sa dictature. Arrivé en fin de règne, le léopard laisse la place au serpent : les services de sécurité et tous les profiteurs. Le serpent est sans finesse : il serre l’homme jusqu’à ce qu’il se révolte, rêvant à nouveau de justice et de liberté. C’est ce cycle du serpent que documente ce film : les terribles jeux de pouvoir et de misère d’un Zaïre en décomposition à la fin des 26 ans du règne de Mobutu.
Thierry Michel prend donc sa caméra pour aller faire le portrait d’un peuple aux abois, du savoir-faire des mendiants handicapés à la douleur et la révolte de ceux qui enterrent leur mort. En contrepoint, il dresse le portrait des barons du régime : le patrons des patrons Bemba Saolona, le cardinal Etsu, le chef spirituel Diangienda de l’Eglise kimbanguiste, le général de l’armée zaïroise Mahele… Rapports de force et intérêts en jeu apparaissent sans qu’un commentaire chiffré ne nous assène ce qu’il faut comprendre : c’est la force de ce film qui sait prendre le temps des images et permet de comprendre peu à peu à quel point cette société en perdition est structurée par la dictature. Aucun sensationalisme, aucun misérabilisme dans ces images exceptionnelles : la simple description d’une dualité. Le conteur Aubert Mukendi l’explique avec simplicité : les agriculteurs-pasteurs travaillent pour produire la richesse tandis que les ceuilleurs-ramasseurs se contentent de prendre ce qu’ils voient, appliquant le vieil adage si je ne le prends pas, c’est l’autre qui le fera. Le cycle du serpent est celui des ceuilleurs sans morale. La caméra de Thierry Michel, comme dans son autre documentaire zaïrois Les derniers colons, a su en saisir la terrible logique.

Franco-belge, 1 h 25, 1992. ///Article N° : 266

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