« Fais-nous encore des films qui nous parlent de nous ! » L’injonction lancée durant le film au cinéaste apparaît programmatique pour ces souvenirs d’un réalisateur à qui une télévision européenne a demandé de faire un film sur ses rapports d’enfants avec le cinéma. C’est bien sûr pour lui l’occasion d’une introspection, où les savoureux moments de son enfance se mêlent à coups de flash-back à l’exposition du délabrement d’une vie de couple minée par le fait qu’il se consacre entièrement à son métier.
Vous parler de vous ? D’accord, mais à travers le prisme du cinéma, en en utilisant toutes les ficelles. Les scènes de mémoire d’enfance sont particulièrement réussies, décrivant des moments forts comme la circoncision, les vacances, les premiers amours, la découverte de la sexualité, avec beaucoup d’humour et de distanciation (comme de faire chanter à l’enfant des chansons d’amour connues). Les dialogues sonnent juste et la relation avec l’oncle Mansour qui tient un cinéma ambulant et initie Raouf aux mondes secrets des adultes mais aussi à l’univers interdit du cinéma est particulièrement convaincante. Le film profite des références cinématographiques comme un extrait sonore d’un film de Fellini ou le tournage du « Voleur de Bagdad » et s’en approprie la force mythique. Une douce nostalgie émane des désillusions successives de l’enfance qui résonnent comme une entrée progressive en religion, celle de la croyance au cinéma qui viendrait prendre la place de l’innocence sans pour autant la perdre.
Les scènes de couple avec Lou, la femme française dépitée du vide qui s’installe entre eux et dans sa vie, n’ont par contre pas la même intensité, au point qu’elles se fondront en un air d’opéra. Dommage : elles déséquilibrent le film, nous qui adhérions à son programme proprement cinématographique : accepter la proposition de l’enfant de nous faire traverser la mer, alors même que nous ne savons pas nager.
