Bonne arrivée patron ! (« Les corruptibles » T1)

D'Alain Brezault et Jean-Denis Pendanx

Une BD décapante sur la corruption
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LES CORRUPTIBLES, ACTE Ier
Comme un coup de poing dans la figure, un coutelas qui tranche une gorge, une balle qui file droit au cœur, une BD – sanguinaire mais drôle – vient, dans le genre « polar africain », tétaniser l’innocent lecteur : Bonne arrivée patron !
La formule de politesse usitée en Côte d’Ivoire sert ici de sésame ironique pour nous introduire dans un monde féroce, peuplé de soudards lubriques, de fonctionnaires magouilleurs, de politiciens véreux, d’expatriés cyniques et/ou lâches, de truands impitoyables, ainsi que de braves ploucs et de pauvres filles « de joie » malmenés par les précités. C’est le BANGALI, pays « imaginaire » sorti de deux esprits en pleine incandescence : ceux d’Alain Brezault, scénariste, auteur du roman policier du même nom (à paraître dans la Série Noire), et du dessinateur Jean-Denis Pendanx, dont le graphisme inventif, burlesque, expressionniste, et les couleurs rouges et brunes (flammes, latérite, sang coagulé) servent et exaltent le propos : il est des coins du monde, d’Afrique en l’occurrence, qui ressemblent à l’enfer, et les feux qui les habitent sont d’abord ceux des diamants…
Mais tout ce bruit et toute cette fureur pourraient à tort laisser croire que Bonne arrivée patron ! n’est qu’un cocktail de Conrad-Coppola, de Céline et de Michel Honorin, journaliste de TF1 qui s’est autrefois complu dans Les derniers Far-West, miniers et bordéliques. Ce qui anime avant tout cet époustouflant premier épisode d’une trilogie baptisée LES CORRUPTIBLES, c’est, à chaque page, l’humour, l’humour « hénaurme », provocateur, ravageur, rageur (ponctué aussi de notations plus tendres et de picaresque farfelu). Et si l’on aime les références, c’est plutôt chez Ubu qu’il convient de chercher, et surtout du côté de Harlem, le Harlem halluciné des romans de Chester Himes. La filiation est voulue, voire fièrement revendiquée : les deux flics protagonistes, justiciers vaguement ripoux, sont surtout désabusés. L’inspecteur Jean-Bedel Yapo, surnommé par tous « Colombo », et son adjoint « Shérif » Bakayoko (c’est-à-dire le gros et le maigre, le chrétien et le musulman, contrastés comme il se doit dans toute bonne bande dessinée) sont des avatars tropicaux d’Ed Cercueil et Fossoyeur Jones. Comme chez leurs illustres aînés, leur outrance n’est qu’un bouclier. Et ils savent que les « corruptibles » le sont à cause des corrupteurs.
Encore quelques mois d’attente pour la suite d’une catharsis déguisée en (beau) sac d’embrouilles !

Bonne arrivée patron ! (« Les corruptibles » T1), d’Alain Brezault et Jean-Denis Pendanx, Editions Glénat, collection Grafica///Article N° : 2753

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