Paris Photo et l’Afrique

Triste constat

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Paris Photo, premier salon européen entièrement dédié à la photographie ancienne, moderne et contemporaine ; 89 galeries, 9 éditeurs internationaux présents au Caroussel du Louvre : un panorama de la création photographique. La 6ème édition avait lieu du 14 au 17 novembre 2002.

Paris Photo est un événement, l’un des moments forts dans le monde de la photographie. Haut lieu de la rencontre entre photographes, galeries, lieux institutionnels, tous ceux qui, de loin ou de près, ont affaire à l’image se retrouvent ici.
Mais visitons ce lieu de plus près.
On peut le parcourir de manière  » naïve  » : découverte de photographes, de sujets, d’objets aussi (les tirages peuvent être en eux-mêmes de magnifiques objets). On peut s’y balader aussi comme un entomologiste regardant se faire, se défaire les liens entre individus, réseaux ; regarder le fonctionnement d’un système lié au marché de l’art (les prix sont là pour nous le rappeler…).
Et puis, on peut, parce que rattaché par une histoire, partir à la recherche de créateurs venus d’ailleurs. Pour moi, il s’agit de l’Afrique.
L’étonnement le partage alors à la colère et l’incompréhension.
Mais où est donc l’Afrique ? Dans les images de Seydou Keïta et Malick Sidibé* ? Arrêtée il y a 50 ans, l’Afrique ? Plus de création depuis ? Ou alors si mauvaise qu’elle ne mérite même pas que le regard d’un galeriste occidental s’y attarde ?
Là aussi, dans la création, l’expression intime de l’être, elle est en mal de développement, l’Afrique ?
L’Afrique, vaste continent où multitude de cultures voisinent, s’affrontent, se mêlent… Rien ne sort, rien ne se produit ?
Mais alors, à quoi servent les biennales de Bamako ? seraient-elles une vaste mascarade ?
Mais alors ces artistes montrés, diffusés après coup, le sont-ils sous la seule étiquette  » Afrique  » sans passer, jamais, dans la création contemporaine ?
Alors, est-ce un risque – un si grand risque que personne n’ose prendre – que de mettre en avant quelques photographes africains ? Leur permettre de se trouver en devanture de quelques galeries de Paris, Londres, New York voire Tokyo ?
Ou alors vraiment, la création photographique africaine s’est arrêtée il y a 50 ans. A été inhumée avec Seydou Keïta… et on n’a jamais rien fait de mieux depuis…
Pourtant, quand on regarde de plus près, il y a du mouvement. Quelque chose bouge, cherche, s’affirme, ne souhaitant qu’à se montrer, se dévoiler, se confronter. Que ne lui laisse-ton une place pour dire qu’elle existe ? pour montrer sa vitalité ?
Symptomatique ? hier 100 photographes photographiaient une journée en Afrique… 100 jours de photographie. Combien d’Africains ont-ils montré leur quotidien dans ce projet ? dix… Les questions reviennent, là encore. Les mêmes. Sont-ils donc, là aussi, incapables ? Ou bien sont-ils enfermés dans cet hier qui fait partie d’un histoire mais pas d’un aujourd’hui ; enfermés aussi sous cette étiquette d’une Afrique de la misère et de la guerre, no man’s land de la création !
C’est de ce constat – désolant, triste, mais également générateur de colère – que je pars pour affirmer que si une tâche incombe à Afriphoto – autant qu’à Africultures – c’est de montrer cette création en mouvement. Qu’elle s’inspire d’hier ou d’ailleurs autres que le continent, il faut le dire, le montrer. Haut et fort. Donner une tribune pour dire. Donner à voir.
Avec de faibles moyens, certes. Mais avoir l’exigence de donner à voir ce qui bouge aujourd’hui, pour demain, de qualité, de talentueux. C’est de cela dont les cultures africaines, dont les artistes ont besoin.
Et c’est ainsi, avec persévérance, que le public, habitué à ses clichés trop souvent distillés, donc même plus remis en question, aiguisera un peu plus son esprit critique, bénéfique à une nouvelle image de l’Afrique.

1. Mon propos n’est, bien sûr, pas de critiquer les images de ces deux photographes. Ils font partie des artistes de talent du XXe siècle africain, reconnus mondialement. Et c’est heureux !///Article N° : 2770

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