Iran, sous le voile des apparences

De Thierry Michel

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Après dix ans consacrés à l’Afrique, le documentariste Thierry Michel (Donka, radioscopie d’un hôpital africain ; Nostalgies post-coloniales ; Somalie, l’humanitaire s’en va en guerre ; Les derniers colons ; Zaïre, le cycle du serpent ; Mobutu, roi du Zaïre) se rend en Iran en cette période de choc des civilisations à la recherche d’un pays où cette confrontation se joue le plus nettement. L’Iran est là première République islamique de l’Histoire, bien avant l’Afghanistan. Des forces considérables s’y expriment, notamment dans la jeunesse, en faveur de la démocratie et même de la séparation entre l’Eglise et l’Etat.
Thierry Michel écoute les deux camps et bien qu’il mette volontiers en exergue ceux qui luttent en première ligne, pose un regard respectueux sur tous. C’est par cette position que le film convainc, même s’il est clair qu’il cherche à témoigner de l’assassinat systématique de la pensée pratiqué en Iran. Il début ainsi par l’enterrement d’un poète assassiné par les hommes de main du pouvoir, non sans multiplier les zooms indélicats sur les visages en pleurs comme s’il avait oublié l’adage de Godard : « La douleur n’est pas une star ». Mais la gêne s’efface ensuite pour faire place à l’intérêt, car progressant pas à pas dans la société iranienne et accompagnant son itinéraire d’images d’archives pour en situer l’ancrage historique, Thierry Michel livre un passionnant constat d’une société en effervescence.
La vénération du martyre autant que du guide Khomeiny légitime la « domination de la religion et du droit sur le peuple », comme le dit un animateur islamique. Les jeunes explosent dans cette société cadrée et s’engouffrent dans toutes les failles laissées entrouvertes, se rassemblent en masse pour soutenir le président Khatani sans pouvoirs ou s’exilent le dimanche sur la montagne qui domine Téhéran pour y respirer un air de liberté. Quelle plus belle fin imaginer alors que ces jeunes femmes faisant du vol à voile qui trouvent ainsi la légèreté que leur refuse une Histoire et une société ?

2002, 94 min, 35 mm, images : Farsin Khosrowshahi, Prod : Les films de la passerelle, rue Vapart 1, 4031 Liège, Belgique, +32 4 342 36 02, [email protected]///Article N° : 2790

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