« une musique sans frontière »

Entretien de Samy Nja Kwa avec Meta

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Percussionniste et joueur de sanza d’origine algérienne, Meta entre dans la danse avec un premier album haut en couleurs. Sa musique est une palette de peintures avec une forte influence sub-saharienne. Entretien.

Tes débuts dans la musique ?
Tout petit en fait. Plus sérieusement, j’ai décidé de partir à Nancy, au centre musical et créatif de Nancy et c’est à partir de 1987 que j’ai décidé que j’en ferais mon métier. Il y avait aussi François et Louis Moutin dans le master class que je suivais, notre amitié s’est liée et ils m’ont aidé à entrer dans le circuit professionnel.
Qu’est ce que tu as appris dans cette école ?
J’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de travail. Ensuite j’ai appris qu’il y avait une méthode de travail, j’ai fait l’apprentissage du rythme de l’harmonie. En fait, j’ai suivi un cursus professionnel de batterie, percussion et chant. J’ai gardé la percussion et le chant que je pratique aujourd’hui encore, j’ai appris la batterie surtout pour le rythme. Elle me permet de le décomposer.
Plus jeune, quelle musique écoutais-tu ?
Tout a commencé réellement avec les Beatles, plus tard c’était Touré Kounda, leur premier album, puis il y a eu Weather Report, et Police. Ce côté rock de ma musique vient de Police et de Peter Gabriel. C’est ce qui a déclenché mon envie.
Avec quels musiciens africains as-tu commencé à jouer ?
Je me souviens de Roger Gnagne, on avait monté un groupe de percussions et cuivres à Compiègne, c’était en 1986. C’était les premiers contacts, c’est à ce moment que j’ai commencé à travailler les percussions et le chant tonal. Ensuite, j’ai rencontré Paco Séry autour du groupe Bad Elephant, Linley Marthe, Louis Moutin, Daniel Casimir et Michael Felberbaum. Souvent, pendant les concerts, Paco venait « taper le bœuf » comme il dit, c’est le premier musicien africain qui m’a stupéfait. Il a cette espèce de « truc » venu d’ailleurs, il m’a réveillé. Ensuite il y a cette collaboration avec Linley, de l’île Maurice, où on retrouve des similitudes avec les musiques arabes comme avec la musique africaine, puisque de toutes les façons, tout vient de là !
Paco Séry et toi avez beaucoup de points communs, il a commencé comme percussionniste, il joue de la batterie, de la sanza. Est-ce à cause de ou grâce à lui que tu joues de la sanza ?
En fait j’étais à Montréal pendant un an, en 1993, et il y avait un concert de Sixun où j’ai vu Paco jouer de la sanza. Il a de l’énergie et de la dextérité. Le son et l’instrument, je l’ai découvert par lui à ce concert. Par la suite, j’ai découvert Francis Bebey, Geoffrey Oryema. J’aime beaucoup le premier album de Geoffrey, il est fabuleux, il m’a montré qu’il est possible de faire de la musique autour d’une sanza. Il n’y a pas que la rapidité, il y a aussi le côté transe. Francis Bebey est pour moi un monstre de cet instrument, il m’a montré qu’on peut créer et être original, et j’essaie de tendre à cela.
Tu parlais de Police, ta voix ressemble à celle de Sting parfois….
Peter Gabriel, Joe Jackson, ce sont des gens qui ont beaucoup apporté à la musique. Chez eux, j’ai tiré le sens de la mélodie, c’est ce que j’ai appris en écoutant leur musique.
Tu es d’origine algérienne, on ne le sens pas vraiment dans ta musique.
Oui, elle a plus de rapports avec l’Afrique subsaharienne qu’avec l’Afrique du nord, ça ne me gêne pas. Je suis né en France, d’origine algérienne, ma musique n’a de rapport ni avec mes origines, ni avec le pays dans lequel je vis, et à partir du moment où on tient bien sa place, tout est possible on peut tout faire si on y croit. J’ai trouvé couleur avec tous ces éléments. Il y a des gens qui savent mieux que moi jouer la musique arabe, je n’ai pas encore composé de manière à trouver mon identité musicale et la musique arabe, mais ça va venir.
Pourquoi chantes tu en anglais ?
Parce que c’est musical, plus chantant. Lorsque j’écris, ça me vient plus facilement en anglais et comme j’ai pas trop envie de m’engager politiquement, je préfère rester dans ce domaine là, et c’est plus facile de parler d’amour en anglais qu’en français. Dans le prochain album, il y aura sûrement au moins une chanson en arabe.
De quoi parles tu dans tes textes ?
C’est assez diversifié. Je parle d’amour, des relations entre les hommes et les femmes, d’espoir. De temps en temps, je suis un peu cynique, ça me permet de caricaturer des situations : dans Innocents civilians, je dis « you have to kill them all » (il vous faut tous les tuer). C’est cynique, c’est un jeu.
Mais si on transpose ce texte par rapport à ce qui se passe aujourd’hui, le terrorisme, la guerre, on se pose des questions !
J’ai peur, c’est un texte que j’ai écrit il y a huit mois. Mais en même temps, si ça peut faire réfléchir quelques uns, parce que dire : « tuer des innocents » comme ça veut dire que la violence n’est pas toujours quelque chose de réfléchi, de malsain, c’est souvent une circonstance. Et les gens qui répondent ou s’y engagent n’ont pas souvent le bagage pour s’en préserver.
Il arrive que pour un premier album, certains musiciens aient envie de tout faire. Toi par contre tu laisses les autres jouer leur rôle.
J’ai joué quelques percussions, quelques notes de sanza, j’ai chanté, composé les titres. J’avais des supers musiciens, je n’allais pas me priver de leur talent, s’il n’y avait pas leur couleur le résultat ne serait pas le même et puis si j’avais fait le disque tout seul, je ne serais peut être pas satisfait de ce qui se passe. Alors qu’avec ces musiciens, je sais ce que je leur demande, ce qu’ils représentent et c’est leur complémentarité qui m’intéresse.
Comment as tu rencontré Yourbuz, la maison qui distribue ton cd.
Le label s’appelle Greenjay. En fait j’ai envoyé des maquettes du disque la mise à plat avant le mix, et Mathieu Jouhan qui était le responsable de La fenêtre, une salle de concert rue de Charonne à Paris 11ème, travaillait en radio, il était régisseur à la foire de Paris lors des concerts de jazz, il a été nommé directeur de Label chez Yourbuz, il avait mon disque, il m’a donc appelé et nous avons signé. Je le connais depuis des années, ça s’est fait simplement par la suite.
Tu joues avec des musiciens de jazz, ta musique n’a pas une couleur typiquement jazz, comment la définir ?
C’est d’abord son originalité. J’aurais tendance à définir ma musique comme chanson world plutôt que jazz. Il y a beaucoup d’improvisation et j’essaie d’harmoniser de manière recherchée, il y a un peu de ternaire dans ma musique, et mon intérêt est qu’il n’y ait pas de frontière entre le jazz, la chanson les musiques africaines, le rock, que tous ces rythmes se rejoignent et soient cohérent.
J’imagine que pour que tout cela soit cohérent, tu as cherché le son qui te caractérise.
Oui, pendant très longtemps. J’ai cherché sans réellement savoir ce que je cherchais, et ça fait un an et demi que j’ai trouvé. Mais c’est la sanza qui a déclenché tout ça au départ. J’ai composé mes premiers morceaux dessus, ce qui m’a permis de découvrir cet univers acoustique. Ensuite le mélange avec le reste s’est fait tout seul.
Tu as enregistré avec des musiciens que tu connais, les prises de studios étaient directes. Ce sont des titres que tu as testé lors de concerts ?
J’ai non seulement testé les morceaux et la musique, mais aussi les musiciens. Michael Felberbaum est la seule personne avec laquelle je travaille depuis toujours, nous avons fait en sorte de jouer ensemble durant toute une année avant d’arriver à l’enregistrement et ça a très bien fonctionné. D’autre part, le choix du « live » n’est pas complètement anodin, parce que n’ayant pas de financement extérieur, j’ai produit moi même le disque, nous avons opté pour le « live » parce que tout le monde connaissait bien le répertoire. Pour le deuxième album, ce sera différent.

Meta, Secret History (Greenjay/Yourbuz)
Pour un premier album, on peut dire que Meta a réussit son coup. Son travail, sincère et volontaire, traduit la bonne entente entre les musiciens. La musique, « live », transmet à merveille l’atmosphère, chaleureuse et tonique. Les compositions, qui trouvent leurs sources dans le jazz, la musique africaine et le rock, dépeignent le personnage, résolument universel. SNK///Article N° : 28

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