Marc Ravalomanana dans Le Journal de l’Ile de la Réunion : une image qui évolue

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Le bras de fer est aussi médiatique sur les lectures de l’événement en vue de la reconnaissance internationale. Le cloisonnement de l’information, la méconnaissance médiatique du présent de Madagascar, les censures et la désinformation alimentent le débat. Exemple unique dans le monde, les journaux réunionnais ont relaté quotidiennement le déroulement des événements bouleversant la Grande Ile voisine. Parmi eux, le Journal de l’Ile de la Réunion a tenté de dresser un portrait des deux candidats favoris, tout en prenant partie contre le traitement métropolitain de l’information.

Bien que le Journal de l’île dénonce le 28/06/02 le traitement des événements à Madagascar par la presse métropolitaine et se pose en défenseur du premier jour du changement politique intervenu, « l‘information à la Réunion est traitée différemment qu’en métropole « , il déclare l’existence d’une  » différence de déontologie (…) entre la presse réunionnaise et la presse nationale « . En réponse aux propos du Ministre des Affaires Etrangères, Dominique de Villepin, justifiant le refus de la France de reconnaître le pouvoir de Ravalomanana, il déclare que « (…) la grande majorité des Réunionnais et des Créoles [ont dérangé]le vieux pouvoir néocolonial parisien qui n’a pas compris le désir d’un peuple indépendant de diriger son destin. « . Néanmoins, durant la période du 13/12/01 au 28/06/02, le quotidien réunionnais cite avec partialité les deux partis de Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana.
Pendant cette période de six mois, Didier Ratsiraka est perçu par le Journal de l’île (Le 13/12/02) comme  » le favori (…) en raison de la position dominante de son parti  » et de son  » appareil politique rodé « . Un  » adversaire atypique  » oppose à cet appareil une  » déferlante mystico-commerciale « . Même s’il constate que  » l’irruption dans la vie publique de cet homme (…) a bouleversé la scène politique traditionnellement structurée autour de partis établis  » et que la population  » le désigne comme le messie « ,  » l’homme providentiel « , il ne semble pas menacer, à ses yeux, le pouvoir en place. Par ailleurs, non seulement son arrivée ne représente pas un renouveau idéologique, mais sa  » propagande à l’américaine  » (13/01/02) étouffe les autres :  » les quatre autres candidats ont du mal à se faire entendre et à ramener la campagne sur le terrain des idées « .
Marc Ravalomanana est présenté (le 13/12/02) à travers son «  soutien [par]des milieux religieux « , et le fait qu’il soit  » inspiré [par]des prédicateurs évangélistes et [par le]marketing politique américain « . Le candidat est critiqué par le Journal de l’île (le 08/01/02) pour ses pratiques politiques jugées  » évangélisantes « .  » L’évangile selon St Marc  » sert à mobiliser les foules autour de slogans tels que  » tout est possible à celui qui croit « ,  » ne craignez pas – ayez la foi « . Un changement de ton apparaît le 21/02/02 où  » l’amiral et sa bande  » sont cités face au  » camp Ravalomanana « .
Malgré ces points de vues, le 23/02/02, au lendemain de sa première investiture, Marc Ravalomanana offre une interview exclusive au Journal de l’île. Suite à cet événement, et dans le même esprit que l’article précédent, les partisans de Ravalomanana, sont présentés comme  » compagnons de lutte « . Le 25/02/02, l’image ironique du prédicateur évangéliste laisse la place à celle, beaucoup plus respectable, du  » chrétien pratiquant « . De pseudo-messie, il devient martyr, pour qui  » aucun prétexte n’est valable pour rater la messe du dimanche (…) malgré les menaces de mort et d’arrestation (…) « . Le 26/03/02, le journal va jusqu’à lui offrir un statut de respectabilité. Il se pose en défenseur de Ravalomanana. Il confirme l’obligation de culte dans son entreprise et dément son appartenance à une secte(1). Il ne s’agit plus de parler à son propos de  » déferlante mystico-commerciale  » comme en décembre 2001 mais bien d’un  » homme d’affaire et politicien malgache, protestant (…)« (2).

1. L’article du Journal de lîle du 26/03/02 fait peut-être référence aux critiques de la presse nationale. En l’occurrence, L’Express Magazine, dans son numéro 2643 (semaine du 28/02 au 06/03/02) critique fortement la personnalité de Marc Ravalomanana dans un article  » Madagascar : la périlleuse ascension de  » Saint Marc  » « . Ils citent entre autres l’obligation  » un jeudi par mois, [pour]les salariés de Tiko, entreprise convertie en machine de guerre électorale (…) d’assister à l’office. [Entreprise où] maudits [sont]les réfractaires : un cadre a été congédié pour manque d’assiduité.  »

2. Le terme péjoratif de  » politicien  » ne semble pas approprié au propos, politique semblerait plus juste. Le contenu de l’article confirme l’idée selon laquelle il s’agirait plus d’une erreur de vocabulaire que d’une volonté de critiquer l’homme.
///Article N° : 2940

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