Tu as dit mediateur culturel ?

Correspondance électronique de Christiane Rafidinarivo, à Baovola Fidison, médiatrice culturelle (2000)

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Le premier travail du médiateur culturel est de tenir le public informé des événements artistiques, intellectuels et culturels en général. De plus, je m’efforce de présenter la démarche qui sous-tend l’œuvre. Je propose une analyse de propos et de sens. Par-delà chaque œuvre, j’essaie de discerner des courants d’idées et de création, des tendances de marché, des signes convergents de changement. Je considère mon travail comme une valorisation de patrimoine. Mais ce n’est pas tout…

La portée critique du travail
C’est d’abord un travail de critique. Il s’agit d’apprécier, de comparer, de confronter. Je m’efforce de ne pas le faire à l’arbitraire de ma seule subjectivité. Mais ça reste un regard personnel qui se veut être un dialogue avec les créateurs. Nivo Galibert, critique littéraire, dit hésiter à être critique vis-à-vis des œuvres à Madagascar. Elle estime que le risque de tuer dans l’œuf un mouvement de création, somme toute encore jeune, est trop grand. Je partage sa crainte. Mais je me dis aussi que le risque est tout aussi grand à applaudir élogieusement à tout.
C’est aussi un travail de miroir : permettre reflet et réflexion entre le public et l’œuvre ou ses créateurs et producteurs. Ca aide ces derniers à progresser tout en éduquant le public de manière à constituer un marché potentiel. Il s’agit de mettre en relation émetteurs et récepteurs pour entraîner une synergie culturelle, un surcroît d’énergie associée.
Culture, kolontsaina et riba, à travers la médiation
En malgache, on a deux mots pour culture. On distingue kolon-tsaina, culture au sens artistique et intellectuel, et riba, culture au sens social et sociologique. Mais le domaine d’intérêt est le même : la culture dans tous les sens, c’est-à-dire, l’ensemble des pratiques, des représentations et des organisations en œuvre dans une société.
On croit toujours que le salut vient par l’économie : la dimension matérielle de la subsistance. Mais on ne peut la maîtriser sans l’esprit et l’identité. C’est la culture qui donne véritablement sens, objectifs, finalités. C’est ce qui fait que la subsistance n’est qu’une dimension parmi d’autres de la pulsion individuelle et collective à subsister, c’est-à-dire, vivre et durer. C’est le fondement de la philosophie malgache comme de l’existence de l’homme dans toutes les civilisations. Il est résumé dans cette pratique de la chose la plus importante à transmettre en se quittant : « veloma ! » Vis ! A la fois rappel, injonction, vœu et essence : vis ! Subsiste ! Dure ! Ne meurs pas !
Nous avons besoin d’explications multiples…
Le médiateur joue un rôle d’intermédiaire, de media : découvrir, expliciter, véhiculer le culturel. C’est un métier de médiation culturelle. Ce n’est pas le seul : les artistes, les enseignants, les éducateurs, les chercheurs, les animateurs exercent aussi un métier de médiation culturelle. A vrai dire, toutes les instances de la société ont cette dimension. La différence est que pour les précédents, il en est fait un métier.
Il me semble important que cette professionnalisation se développe. Qu’elle aille en se multipliant et soit de plus en plus explicative. Nous avons d’ailleurs besoin d’explications multiples. En effet le monde dans lequel nous évoluons est tellement complexe et nouveau que la culture qui nous permette de la comprendre et la maîtriser à notre bénéfice est en cours de constitution. Le rôle de médiation culturelle est crucial dans cette période de changement et de création. Sinon, nous n’aurons à notre disposition que des cultures subies ou aveugles ou tout simplement pas à la hauteur. Le vrai problème, c’est qu’à terme ça risque de nous faire disparaître.
Il est temps de cesser de croire que l’école est le seul vecteur culturel à Madagascar. De toute façon, les problèmes d’illetrisme et de taux de fréquentation sont tels pour l’heure qu’il est urgent de développer conjointement la médiation orale et visuelle : radios, TV, spectacles, conférences, formation, animation, expositions. il est néanmoins fondamental d’effectuer parallèlement un travail écrit. C’est celui qui permet le mieux conservation, référence et réflexion durable au-delà de l’audience immédiate. Et puis, il faut bien écrire l’histoire de la mutation…

///Article N° : 2953

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