Ghana d’hier & d’aujourd’hui

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Vous avez encore jusqu’au 13 juillet pour voir à Paris la meilleure expo jamais consacrée à toute l’histoire de l’art d’un pays africain.

Depuis son déménagement de l’avenue Victor Hugo à la rue Paul Valéry, le Musée Dapper de Paris s’est résolument rapproché du point de vue qui a fondé cette revue : sans rien renier de sa vocation première, qui est, depuis sa fondation, de célébrer souvent bien mieux que d’autres la splendeur du patrimoine africain pré-colonial, il s’est ouvert aux arts africains contemporains, oubliant cette césure absurde et artificielle entre l’illusion d’une tradition figée ou révolue et celle d’une modernité plus ou moins déracinée et délocalisée.
À cet égard l’exposition  » Ghana d’hier et d’aujourd’hui  » est une réussite totale.
C’est même sans doute la plus impressionnante jamais consacrée à tout le destin des arts plastiques dans un pays africain, de la préhistoire à nos jours.
La préhistoire, ce sont essentiellement les étranges statuettes en terre cuite découvertes au milieu des années 1980 sur le territoire des Koma et des Bulsa, au nord du pays. Elles ont été datées par la méthode de thermo-luminescence entre 1300 et 1800 de l’ère chrétienne, et sont donc à peu près contemporaines des fameuses terres-cuites dites  » de Djenné  » au Mali. Dans les deux pays, la plupart des sites archéologiques ont été scandaleusement pillés, et depuis quelques années des lois assez strictes tentent de l’éviter. Elles ont l’avantage de dissuader les pilleurs, et l’inconvénient de réduire à la clandestinité tout ce qui a déjà été pillé…
L’exposition ne présente donc de cet art du  » Komaland  » que des pièces appartenant au Musée de Legon (Université du Ghana) parfois hélas de qualité inférieure à celles qui figurent dans les caves des galeries et des collectionneurs.
Mais l’apogée de la terre cuite au Ghana, ce sont les portraits funéraires des Royaumes Akan (de la fin du xvie au début du xxe siècle). L’ensemble présenté dans cette exposition n’est qu’une succession de chefs d’œuvre d’un modelage admirable qui ne cesse d’hésiter entre l’idéalisme et le réalisme, la stylisation et le souci du détail. Un art comparable à la sculpture grecque au moment de la transition entre l’archaïsme et la période classique.
Le Ghana, bien sûr, c’est l’ancienne  » Gold Coast « , et plus encore que dans leur précieuse orfèvrerie, l’art suprême des Akan et toute leur civilisation baignée de légendes et de poésie se trouvent résumés dans ces merveilleux poids en bronze fondus  » à la cire perdue  » qui leur servaient à peser l’or. Comme pour la terre cuite, cet artisanat génial devenu un art unique se retrouve presque identique de l’autre côté de la frontière, chez les Agni et les Baoulé de Côte d’Ivoire, qui auraient pu faire l’objet d’une vitrine  » entre parenthèses « .
C’est le seul  » bémol  » à formuler sur le concept d’une exposition qui s’en tient au frontières d’un État dont la civilisation déborde largement chez ses voisins.
L’art contemporain ghanéen est d’abord représenté par les extraordinaires cercueils de Samuel Kane Kwei et de ses disciples, épousant la forme des objets qui symbolisent le mieux la vie du défunt, et qui furent les vedettes d’une autre exposition mémorable, celle des  » Magiciens de la Terre « . Mais on découvrira aussi l’étonnant renouvellement de l’art de la terre cuite par Grace Kwami, ou en peinture les saisissants instantanés de vie urbaine de Ablade Glover et d’Ato Delaquis, les abstractions poétiques d’Atta Kwami et de Papa Essel.
On restera tout de même un peu perplexe devant la nouvelle figuration ultra-simpliste de Owusu-Ankomah, le néo-naïf très affichiste et  » Douanier Rousseauesque  » d’Almighty God ou de Mark Anthony.
Je regrette aussi pour ma part l’absence incompréhensible des merveilleuses bannières des Fanti, art ethnique, moderne et populaire des supporters de foot qui célèbre si bien la vitalité enracinée de ce peuple du Ghana.
Mais à ces réserves près, je le répète, c’est une exposition à ne manquer sous aucun prétexte.

(*) Ghana d’hier et d’aujourd’hui, jusqu’au 13 juillet au Musée Dapper, 35 rue Paul Valéry, 75016 Paris. Rens : 01 45 00 01 50. http//www.dapper.com.fr
Catalogue (magnifique), 30 euros.
Prochaine exposition du 25/09/03 au 11/07/04, consacrée aux  » Parures de Tête « .
///Article N° : 3001

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Les images de l'article
Akan (Ghana) - "Tête" - Terre cuite. H. : 38 cm - Musée Dapper, Paris. Inv. n°2798 © Musée Dapper – photo Hughes Dubois.
Almighty God, "Queen Mother of Ashanti region, 2002, Acrylique sur bois, 119 x 60,5 cm, collection particulière © Musée Dapper - photo Hughes Dubois
Akan, Asante (Ghana), Sabre (détail), Bois, fer et feuille d'or. L. : 37,5 cm, Palais de Manhyia, Kumasi © Musée Dapper et Hughes Dubois.





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