Transferts : et si l’on écoutait les artistes ?

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La salle est immense, quadrillée par 54 drapeaux des pays de l’Union Africaine ondulant sous le souffle régulier de ventilateurs. Sous les drapeaux, portés par une grande structure métallique, quelques sièges de bois comme on en trouve un peu partout sur le continent africain, invitent à la palabre. Afrosisiaque…aphrodisiaque…afrozidiaque (2003), l’installation de Pascale Marthine Tayou convie au nécessaire rassemblement des états africains en marge d’un système mondial en proie aux divers processus de mondialisation. Montée dans le cadre de la Saison africaine d’Africalia, l’exposition Transferts réunit au Palais des Beaux Arts de Bruxelles 28 artistes majoritairement originaires du continent africain. Faisant écho à deux thèmes centraux :  » la mort de l’altérité  » et  » l’accélération de l’histoire « , les œuvres présentées – et c’est ce qui fait leur pertinence – restent connectées aux sociétés dont elles sont issues, tout en étant empreintes d’une forte charge critique.
La diversité des approches et des techniques (vidéos, sculptures, installations, photographies, dessins, peintures) constituent ce que Toma Muteba Luntumbue – commissaire de l’exposition (cf. interview) – appelle une  » cartographie critique  » de notre monde saturé d’images et d’informations.
Chacun à leur manière, les artistes agitent nos consciences : Marocaines à deux dimensions (2002), installation vidéo de Brahim Bachiri, révèle et réveille notre amnésie collective et individuelle par le biais d’une litanie de questions se référant à notre histoire contemporaine ; là où le nigérian El Anatsui construit avec Man’s cloth II (2003) une œuvre de résistance face à l’aliénation des sociétés de consommation, le burundais Aimé Ntakiyira fustige le repli identitaire à travers une série de photos – Wir (2001) – mettant en scène un  » africain  » affublé de costumes issus du folklore occidental ; D.O.F (Depth Of Field), collectif de jeunes photographes nigérians, attire nos regards sur des fragments de villes, fragments de vies restituant à la fourmilière urbaine son humanité. Humanité tour à tour triturée balayée, recomposée dans le parcours de l’exposition construite de façon à mettre le spectateur en prise directe avec les œuvres. De ce laboratoire de notre monde contemporain, il ne ressort pas indemne. Comme ces six personnes dont la kenyane Ingrid Mwangi dans To be in the world (2002) a filmé les visages confrontés à de violentes images médiatiques. Mais l’on peut aussi se prendre à espérer devant les gigantesques toiles bordées de rouge du malien Abdoulaye Konaté qui, malgré le sang versé, envisage une potentialité de paix entre palestiniens et israéliens.
Et si l’on écoutait les artistes ?
Transferts – Exposition d’art contemporain – Palais des Beaux Arts de Bruxelles, 23 rue Ravenstein du 21 juin au 14 septembre 2003

///Article N° : 3137

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Les images de l'article
Brahim Bachiri, Marocaine à deux dimensions, 2003, film muet





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