Fatima, l’Algérienne de Dakar

De Med Hondo

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 » Fils d’Afrique, écoutez-moi, levez-vous !  » L’imprécation du griot qui nous accompagnera jusqu’à la fin s’applique à tout le film. En racontant l’histoire de Fatima, c’est la grande Histoire que Med Hondo veut conter, celle de la confiscation des indépendances par des élites corrompues. Il se saisit d’un roman inspiré d’une histoire vraie, écrit il y a une vingtaine d’années par Tahar Cheriaa, que déjà Ababacar Samb Makharam, cinéaste sénégalais aujourd’hui disparu, voulait adapter au cinéma et qui passa même entre les mains de Youssef Chahine. Car la tragédie de Fatima, violée par Souleyman, un sous-lieutenant sénégalais de l’armée française durant la guerre d’Algérie qui, pour racheter sa faute, vient la demander en mariage et l’emmène à Dakar avec le fils noir né de cette nuit fatale porte une dimension humaine d’une incroyable force. Lorsque son mari veut prendre une deuxième femme, c’est un deuxième exil que Fatima devra vivre au sein même de la société sénégalaise mais qui sera possible grâce à un beau-père représentant ses valeurs. Le personnage est en effet moteur de l’action puisque ce sont ces mêmes valeurs qui le font pousser son fils à racheter sa faute et convaincre ainsi par le courage que cela signifie la famille algérienne meurtrie.
Med Hondo aurait pu se contenter du caractère emblématique de cette histoire qui se suffit amplement à elle-même, dans ce qu’elle permet de rencontre et dialogue entre les cultures africaines, franchissant un pont si difficile à poser mais historiquement si présent, et édifiante par les valeurs qu’elle affirme. Mais, fidèle à son souci d’un cinéma qui, comme le disait Serge Daney,  » pointe du doigt plus qu’il ne désigne du regard « , il resitue toute la période concernée, 1959-1971, dans le contexte politique des indépendances, ponctuant le film d’indications de temps liées aux événements politiques, ajoutant sans cesse des références et des scènes où les personnages convoient dans leurs dialogues ce que veut nous dire le réalisateur.
On mesure la différence entre cette énonciation qui plombe le film et la légèreté poétique de la métaphore lorsque le père de Souleyman formule son dépit face à la dérive de son fils qui ne cesse de grimper dans l’échelle sociale en citant un proverbe :  » Plus le singe grimpe à l’arbre, mieux on lui voit le derrière « . Le discours politique n’a pas cette force d’évocation et la volonté d’énonciation puise souvent par souci de clarté dans le stéréotype et la sentence, au risque de ne convaincre que les convaincus. Vieille ambiguïté du cinéma politique.
Reste une histoire forte qui a le grand mérite de rapprocher des peuples qui vivent dos à dos et s’ignorent la plupart du temps, message fortement politique en lui-même. Mais aussi un sentiment global d’amertume que ne manque pas de dégager l’alignement des drames qui ponctuent l’Histoire de l’Afrique contemporaine.

///Article N° : 3453

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