Story of a Beautiful Country

De Khalo Matabane

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Le film est bâti sur un dispositif contraignant : ne pas sortir la caméra de la camionnette duquel il est tourné. Les personnages visités (le réalisateur va voir ses vieilles connaissances) acceptent tous de parler à proximité ou dans cet espace clos tandis que la camionnette poursuit sa route, offrant le défilement des décors. Cet enfermement qui finit par peser évoque le vécu d’un pays opprimé, encore confiné dans son propre espace. Il entre en résonance avec les limites encore vives entre Blancs et Noirs évoquées tour à tour par un habitant de Soweto disant qu’il est difficile de mettre de côté la mémoire, des adolescentes blanches ne voyant que singes et paysages pour définir ce « beau pays », une Afrikaner voulant préserver sa culture, un Boer qui s’entraîne pour remettre de l’ordre dans le pays, une jeune Noire qui trouve difficile de pardonner en moins de dix ans, un Noir jouant du violoncelle, un couple mixte rejeté par les autres, une femme noire se rendant sur la tombe de son fils assassiné, une Indienne de Cape Town revendiquant l’appellation « colored », une femme noire entrepreneuse qui inverse le rapport au cinéaste en le plaçant en position d’interviewé et en lui demandant pourquoi il pose des questions aussi vagues !
L’espace cinématographique résiste ainsi à l’idéologie arc-en-ciel, se revendiquant comme vécu réel d’une nation. Le fait d’y ramener les sujets filmés les convie à parler sans fard. Ce road movie assez déjanté et toujours étonnant prend cependant fin à la Croix de Vasco Da Gamma, endroit où le premier Européen a abordé l’Afrique du Sud en 1497. La caméra peut alors sortir de la camionnette et accompagner le réalisateur : un seuil est franchi, celui de la conscience des limites explorées tout au long du film, et sans doute une façon de les assumer.

///Article N° : 3481

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