Docteurs, professeurs,  » intellectuels  » : imposture sémantique et débat politique au Cameroun

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Réaction à l’appel lancé par des  » intellectuels camerounais « , invitant le président Paul Biya à se représenter aux élections présidentielles.

Dans son ouvrage Enseignement supérieur en Afrique francophone : La catastrophe ?, Paul J.M. Tedga (1988) insiste sur une réduction de la présence de l’État qui devrait cesser d’infecter le milieu académique de considérations politiciennes. L’université camerounaise, comme bien des universités africaines, dépend du pouvoir politique qui en définit les orientations. Or l’université est un lieu réservé où n’ont accès que des élites, voire des élus. Son fonctionnement, du moins en ce qui concerne la transmission de la science, est assuré par des personnes nanties de titres. On le sait depuis au moins Michel Foucault, il n’est pas possible de séparer le savoir du pouvoir, car  » tout système d’éducation est une manière politique de maintenir ou de modifier l’appropriation des discours, avec les savoirs et les pouvoirs qu’ils emportent avec eux  » (Foucault, 1972, p. 46).
Depuis son arrivée au pouvoir, Paul Biya a associé un nombre jamais égalé d’universitaires dans la gestion politique. Du coup, l’université est devenue un lieu de négociation de valeurs symboliques qui a souvent conduit à divers échelons du pouvoir. Une sociologie empirique de la trajectoire des chanceliers d’université le confirme sans équivoque.
Dans un tel contexte, vu la décomposition des structures socio-économiques, l’incohérence fondamentale qui caractérise le régime actuel, la misère absolue qui assomme les populations et, surtout, la prise de position fracassante de certains  » intellectuels  » qui, dans un  » appel  » récent, implorent M. Biya de se présenter pour un autre septennat, on en est à se demander si le diplôme et le concept d’  » intellectuel  » ont encore une substance au Cameroun. A quoi sert en effet l’université dans une société comme la nôtre ? Vu les réflexes monolithiques et les archaïsmes de certains dirigeants camerounais, comment penser les rapports entre l’universitaire véritable, son institution d’attache et le pouvoir politique ? L’université est-elle  » un modèle de productivité, de rentabilité, de recherche de l’excellence  » ou  » un repère d’assoiffés de postes ministériels [et]d’arrivistes repus  » ? (Kom, 1996, p.127) L’intellectuel peut-il concilier son savoir du politique avec les politiques embrouillées, improvisées et suicidaires (du savoir) à l’œuvre dans son pays ? Le véritable intellectuel a-t-il pour rôle de flagorner dans les allées du pouvoir ou de réfléchir à l’avancement de la science ?
Fraude sémantique
Certes, l' » appel de l’intelligentsia  » a déjà suscité des divagations de certains de ses signataires dans le quotidien d’État Cameroon Tribune, resté fidèle à rhétorique. Mais après la réaction fort pertinente d’Alain Didier Olinga (Mutations du 6 février 2004), je vais me baser sur cet  » appel  » pour réévaluer non seulement l’imposture de la démarche de ses signataires, mais aussi déterminer les permanences et les ruptures observables dans la bataille pour  » l’intellectualité  » au Cameroun. Car il est fort à craindre que nos collègues ne veuillent, par leur  » appel « , associer la communauté universitaire (qui a quelque chose d’universel) à une fraude sémantique.
Selon Pius Ngandu Nkashama, l’université doit  » étendre toutes les formes de participation et de contrôle social. Sans pour autant faire de la politique, l’Université doit être politique – et non seulement politisée –, c’est-à-dire, pouvoir définir les critères d’apparition et de la phénoménologie du politique. Dans les sociétés industrielles avancées, ce rôle de l’Université est capital, parce qu’ainsi, le savoir, la connaissance et l’institution scientifique sont en étroite corrélation et en correspondance idéologiquement, et qu’ainsi, l’Université peut maintenir l’homme dans les limites du savoir et de la liberté  » (cité par Zezeze Kalonji, 1992, p. 153. Italiques dans le texte)
L’université n’évolue donc pas dans un vase clos. Elle est spécifique à chaque groupe dont elle prend en charge l’énonciation des discours. L’université devrait être le lieu de conceptualisation des discours endogènes, mais surtout tient, selon Jean-François Lyotard, du  » principe humaniste selon lequel l’humanité s’élève en dignité et en liberté au moyen du savoir  » (Lyotard, 1979, p.58). Peut-on dire que c’est le cas dans notre pays ?
On peut raisonnablement en douter. Car l’université reste plus politisée que politique, et cela se traduit par la farce régulière de nomination de responsables qui ne brillent pas par la qualité de leurs recherches ou leur moralité. La liberté académique par exemple, concept sacré dans tout cénacle de savants, demeure un mythe dans les universités d’État au Cameroun. Nos collègues se sont-ils mobilisés lorsque Amrboise Kom et David Dachi Tagne étaient arrêtés après leurs réflexions sur la littérature politique au Cameroun ? Lorsque Jongwané Dipoko a bénéficié d’une  » chirurgie à vif  » à cause des options syndicales ou quand Isidore Noumba a été suspendu pour l’emploi d’une analogie osée dans un exercice d’économie ? Ces professeurs  » de rang magistral  » ont-ils bougé lorsqu’un numéro de Mutations, journal dirigé par leurs étudiants, a été saisi pour avoir évoqué la succession de Biya, ou lorsqu’un journaliste a été jeté en prison pour avoir suggéré que le chef de l’État aurait été victime d’un malaise ?
On pourrait multiplier les interrogations. La démarche est stupéfiante, surtout de la part d’universitaires qui  » supervisent  » des dizaines d’étudiants, font des cours dans des nids où les apprenants s’entassent les uns sur les autres, sortent leur  » pistolet  » au petit coin parce qu’il n’y a pas de toilettes sur le campus, sont obligés de s’entendre pour ne pas acheter le même bouquin ou s’abonner à la même revue parce que le document le plus récent de la bibliothèque a vingt ans. Des gens visiblement  » gâtés  » qui, à la faveur d’un banal discours de fin d’année, lancent un appel insolite à M. Biya qui, après vingt-deux ans comme chef de l’État et huit comme Premier ministre, a un bilan largement visible au sein même des universités.
Qu’est-ce qu’un intellectuel ?
Le tragique ne réside pas seulement dans la démarche. Il relève aussi d’une ségrégation dans l’identification des signataires, de ce que Hubert Mono Djana appelle  » erreur par métonymie par le fait qu’une [très infime] partie s’efforce de nommer le tout par une illusion d’optique fort possible  » (Mutations, le 4 février 2004). Il tient aussi de l’imposture dans la qualification de ce que le document martèle :  » nous, intellectuels camerounais « . Les linguistes et les grammairiens du groupe savent que quatre occurrences dans un texte si court sont fort significatives. Du coup, on se demande : c’est quoi, au juste, un  » intellectuel  » ? Ne sommes-nous pas là en présence d’un trucage sémantique dont les Camerounais ont l’expertise ?
L’histoire des peuples africains est décidément aussi celle des mésaventures dans la négociation et l’instrumentalisation du savoir. Il y a quelques années, Ambroise Kom abordait, en se basant sur les enjeux de l’écriture, ce qu’il appelait  » la misère intellectuelle au Cameroun « . Et lorsque, dans un article récent consacré à Mongo Beti, il écrivait que l’histoire des intellectuels africains devrait un jour être écrite, il était loin de s’imaginer que ses propres compatriotes créeraient bientôt un précédent qui imposerait de réfléchir sur le concept même d’intellectuel, lequel n’a pas souvent été élucidé dans le débat public au Cameroun, au point que n’importe qui puisse revendiquer cette identité.
C’est Mongo Beti qui, connaissant notre univers mental, permet de mieux nous interroger sur la confusion au sujet du concept d’intellectuel :  » Nous appelons trop souvent intellectuels des gens qui ne sont que des diplômés. Un intellectuel, ce n’est pas seulement quelqu’un qui a des diplômes. C’est quelqu’un qui a choisi d’envisager le monde d’une certaine façon, en accordant la priorité à un certain nombre de valeurs comme l’engagement, l’abnégation, la réflexion. Ce n’est pas parce que je suis agrégé que je suis engagé. Si Sartre était engagé, ce n’est pas parce qu’il était agrégé de philosophie. C’est parce qu’il avait choisi, étant agrégé de philosophie, d’adopter un certain nombre de révoltes et de défis qui l’exposaient parfois à des désagréments. Chez nous, donc, il n’y a pas beaucoup de diplômés qui ont choisi cette voie qui consiste, éventuellement, à s’exposer parce qu’on veut faire prévaloir certains idéaux. En revanche, il y a beaucoup de diplômés qui ont sombré dans l’opportunisme et dans la vénalité. Quand on dit que les intellectuels ont failli à leur tâche, c’est vrai et c’est faux. C’est vrai parce que beaucoup d’entre nous n’ont pas vraiment osé assumer cette fonction d’intellectuel comme l’a fait Tumi ou Ndongmo en temps. C’est un intellectuel Tumi. C’était un intellectuel, Ndongmo.  » (2002 : 35)
On comprend donc qu’un diplômé n’est pas nécessairement un intellectuel, et que le diplôme n’est pas non plus le critère absolu de définition de celui-ci. Le qualificatif d’intellectuel relève d’un choix et d’une éthique par lesquels le sujet s’oppose à l’injustice. Pius Njawé que cite Mongo Beti est un autre exemple. Ceci n’est pas nouveau, et les  » intellectuels  » de l’appel le savent. En lisant Germain Njieundé,  » Coordinateur du Comité de Collecte des Signatures des Enseignants des Universités d’État pour une Candidature du président Paul Biya à la Prochaine Élection Présidentielle « , on est stupéfait par le processus qui donne l’exacte mesure de la stratégie des signataires :  » D’abord les premiers enseignants qui ont eu à signer informaient souvent par la suite leurs collègues ou relations qui se présentaient spontanément pour signer à leur tour. Ensuite, les enseignants anciens ou de rang magistral dont beaucoup considérés comme des maîtres ont été d’un apport positif dans la mesure où leur signature a exercé un effet d’entraînement chez les autres. Les nouveaux promus au grade rang magistral (effectivement ou potentiellement) qui sont des maîtres en herbe n’ont pas été en reste de ce processus. Et à cet égard, tous les nouveaux agrégés présents dans les différentes disciplines ont signé.  » (Cameroon Tribune, 17 février 2004. Je souligne)
Qui dit mieux ? La décision de parapher les maigres paragraphes est la conséquence d’un  » effet d’entraînement  » de la part non pas d’intellectuels, mais de troubadours dont le titre actuel ou futur, et certainement la nomination, semblent être en jeu. Il y a un étonnant effet de mimèsis qui enlève au signataire toute lucidité de jugement. La légitimation de la démarche tient non pas de la pertinence du projet, mais du grade (espéré) des signataires. Du coup, on assiste à une  » fétichisation  » des diplômes qui exclut des cercles  » intellectuels  » ceux qui n’en ont pas, ou qui en ont mais sont dans d’autres institutions nationales ou internationales. Une telle démarche caractérise ce que Mongo Béti dit de cette intelligentsia qui,  » douillettement installée dans l’apocalypse rampante, s’ébat, festoie, folichonne, compte et recompte ses diplômes réels ou supposés, comme fait un avare de son or ou un champion de ses trophées sportifs, – les astique pour les faire reluire, les met en rang d’oignon pour mieux les contempler  » (Cité par Kom, 2003, p.44)
Dans sa réaction à  » l’appel  » controversé, Alain Didier Olinga relevait en effet :  » L’appel des intellectuels camerounais du 19 janvier 2004 marquera un moment important, et pour cela difficilement oubliable, de l’histoire de la collusion du savant et du politique dans notre pays. Même au temps du président Ahidjo, l’on n’a pas souvenance d’une telle ostentation dans la manifestation du soutien universitaire au politique. Il est révélateur d’un moment sensible de la vie du pays. Chaque fois en effet que, dans une société politique, des universitaires sont mis d’une manière ou d’une autre en situation de devoir afficher leur position politique par rapport au pouvoir, rien de bon ne peut en résulter, mais plutôt une chasse aux sorcières et une sclérose des intelligences inévitablement apeurées.  » (Mutations 4 février 2004)
Cette entrée dans l’histoire et cette ostentation tiennent aussi, il me semble, à une autre imposture et à un autre coup de force sémantique dont nous sommes seuls capables.
Responsabilités en question
 » L’appel  » relève en son 5ème point :  » Nous, intellectuels camerounais, avons décidé de transcender nos différences et d’assumer nos responsabilités devant l’histoire  » (Je souligne). Si on présentait cet extrait à un sémanticien étranger, il serait probablement éberlué. En fait, que signifie  » assumer ses responsabilités devant l’histoire  » ? Quel péril menace le Cameroun plus que le désastre provoqué par le règne, catastrophique sur plusieurs points, d’un régime qui a été forcé de concéder des libertés publiques ? On se serait attendu à une réaction devant le dernier rapport de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) qui évoque l’hypothèse d’un scénario zaïrois au Cameroun. Comment réagissent des juristes respectables (autrefois respectés aussi) dans un pays à cheval sur plusieurs constitutions, où pour chaque pièce à remplir, on doit préciser son origine  » ethnique  » jusqu’à la troisième génération ? Le Cameroun reste quand même le seul pays au monde où il existe une catégorie sociologique mise à l’index par la loi fondamentale, et que chaque aspirant au pouvoir, depuis la colonisation française, mais plus gravement depuis M. Biya, doit terroriser pour assurer sa carrière politique : les  » allogènes « . Quelles responsabilités des  » intellectuels  » peuvent-ils assumer dans un pays où les étrangers sont parfois mieux traités que des nationaux, où on persécute des opérateurs économiques, où on laisse des pans entiers de l’économie aux étrangers qu’on importe en grand nombre comme c’est le cas avec la vague récente des Chinois, parce que si on privilégie des nationaux,  » on sait bien à qui cela profiterait « , pour reprendre le ministre Kodock ? Un pays où, s’inquiète Mongo Beti,  » ce qui s’est passé au Rwanda nous guette  » (p. 110), ne peut-il pas générer une véritable initiative de la part de ses  » élites  » ?
Ces questions sont terribles dans leurs prérogatives. Mais elles méritent d’être posées. Mais surtout, il faudrait qu’on se comprenne. On n’exhorte pas les collègues à une rébellion collective contre le prince. Encore qu’une telle révolte pourrait réveiller un dirigeant qui a encore des sens, comme ce fut le cas récemment en France lorsque tous les directeurs de laboratoire ont démissionné pour réclamer de meilleures conditions de travail.  » Assumer ses responsabilités devant l’histoire « , pour des collègues qui se respectent, est une expression trop importante. Même les illustres grammairiens, linguistes et philosophes de l’appel savent qu’elle devrait consister, dans la langue que nous prétendons tous comprendre, à résolument autre chose qu’à prier un septuagénaire, qui a probablement déjà offert tout ce qu’il pouvait, de se présenter à une élection présidentielle dont le départ n’est même pas donné, et dont lui seul maîtrise le calendrier parce que dans notre  » démocratie avancée « , il n’y a pas d’échéancier électoral. Comment peut-on  » assumer ses responsabilités  » dans un pays sinistré simplement en demandant à un homme de se solliciter un autre mandat ? Ces sophistes de notre goulag national tentent-ils de rendre service à M. Biya, à la nation, ou à eux-mêmes ?
Le plus troublant est que depuis la publication de l’appel, nos  » intellectuels  » sont restés muets. Or, comment peut-on  » assumer ses responsabilités « , même en soutenant un régime, ce qui est normal, sans l’aider à lever les défis qui s’imposent au peuple? Comment réagissent ces  » guetteurs d’avenir  » dans un Cameroun où la pauvreté est une fatalité et l’origine  » ethnique  » une malédiction pour les  » allogènes « ? Quelles propositions scientifiques nos  » chercheurs  » proposent-ils au président de la République pour l’aider à accomplir ses missions et assurer au Cameroun un meilleur destin?
Par le passé, le régime de M. Biya a généré beaucoup d’enthousiasmes, même les plus improbables. Mais  » l’appel  » récent est certainement le plus maladroit et le moins original qui ait existé. Que des centaines de gens  » assument leurs responsabilités  » simplement en demandant à M. Biya de se présenter à l’élection présidentielle, c’est-à-dire, en fait, en lui disant de prendre ses responsabilités à lui, signifie simplement qu’il les ignorait. Cela est très grave et insultant à la fois pour le président et le pays. On ne peut pas mobiliser tant d’  » élites « , des plus brillants aux moins éclairés, pour si peu. Un chef d’État sérieux n’attend pas si peu d’universitaires sérieux. Et il est fort à craindre que ces  » ouvriers  » problématiques de la pensée ne soient que les  » évolués  » que redoutait Fanon : de  » vulgaire[s]opportuniste[s] »,  » débrouillards, malins, astucieux « ,  » enfants gâtés hier du colonialisme, aujourd’hui de l’autorité nationale « , chez qui  » on retrouve […] intactes, les conduites et les formes de pensée ramassées au cours de leur fréquentation de la bourgeoisie colonialiste  » (1961 : 15-16) Mais comme le signalait Alain Didier Olinga, les signataires auront à répondre devant l’Histoire.

AUTEURS CITÉS
Beti, Mongo et Kom, Ambroise. Mongo Beti parle. Bayreuth : Bayreuth African Studies, 2002.
Essomba, Essama.  » Interview avec Germain Njieundé « , Cameroon Tribune 17 février 2004
Fanon, Frantz. Les Damnés de la terre. Paris : Maspéro, 1961.
Foucault, Michel. L’Ordre du discours, Paris, Gallimard, 1972.
Kom, Ambroise. Éducation et Démocratie en Afrique. Le Temps des illusions. Yaoundé-Paris, CRAC-L’Harmattan, 1996.
———-La Malédiction francophone. Défis culturels et condition postcoloniale en Afrique. Hamburg-Yaoundé : Lit Verlag-Clé, 2000.
——— » Mongo Btei and the Responsibility of the African Intellectual « . Research In African Literatures, Vol 34, 4 (2003) : 42-56.
Lyotard, Jean-François. La Condition postmoderne. Paris : Minuit, 1979.
Tedga, Paul J-M. Enseignement supérieur en Afrique francophone. La catastrophe ? Abidjan-Paris, P.U.S.A.F.-L’Harmattan, 1988.
Ngandu Nkashama, Pius.  » Débat sur l’Université « , in M. T. Zezeze Kalonji, Une Écriture de la Passion chez Pius Ngandu Nkashama, Paris, L’Harmattan, 1992, pp 151-157.
Olinga, Alain Didier. Débat, Mutations du 06 février 2004.
///Article N° : 3536

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