J’aime le cinéma

D'Oussama Fawzi

Print Friendly, PDF & Email

J’aime le cinéma sonne comme son titre comme un manifeste. Un enfant d’une famille orthodoxe de Choubra, en 1966, dialogue avec son père sur l’enfer et se rend vite compte que cette façon de terroriser sa famille ne conduit qu’à un mensonge généralisé. La naïveté enfantine se transforme vite en espièglerie et en ruse pour réaliser son principal dessein : aller contre l’interdiction du père d’aller au cinéma. Le film, très drôle, est une série de scènes parfois épiques, de quiproquos vaudevillesques, mais ne sombre jamais dans la caricature malgré des caractères extrêmes. Cela tient sans doute au permanent décalage de l’humour, l’ensemble baignant dans une absurde schizophrénie en huis-clos auto-satisfait. L’évocation du discours de démission de Nasser après la défaite de 67 rappelle en fin de film combien cette petite communauté est à l’image d’une Egypte qui se cherche encore ses références historiques.
La communauté copte est présentée comme un groupe tournant sur lui-même, qui n’arrête pas de se chamailler et travaillé par la peur du péché et un conservatisme exacerbé. Cela n’a pas manqué de provoquer des réactions indignées en Egypte. Pourtant, elle a sans doute été choisie comme emblématique par le réalisateur du fait de son fonctionnement fermé et parce que le fait religieux est ainsi plus facilement porté en dérision qu’un islam intouchable. Car le décalage permanent de l’humour fait plus penser à la dérision qu’à la caricature, et c’est finalement davantage le rapport à la religion et à l’autorité qui se voit ainsi épinglé.
Au-delà de ces positions somme toute assez banales d’un appel au rêve (le cinéma), à la lucidité et à la vie face aux intégrismes et aux peurs, J’aime le cinéma représente un agréable divertissement qui ne fait que frôler les poncifs musicaux et émotionnels du cinéma égyptien pour proposer un témoignage décapant sur la transmission. L’Egypte ne cesse de s’interroger sur son histoire contemporaine et les raisons de la perte de sa splendeur passée. Elle le fait de plus en plus en explorant son vécu intime. C’est là qu’elle puise les pistes d’un devenir débarrassé de cette handicapante mélancolie que met volontiers ce film en exergue.

///Article N° : 3575

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire