Hamlet à Yaoundé

Adaptation de Hugues Serge Limbvani

On joue Shakespeare à l'africaine
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L’adaptation de Hugues Serge Limbvani dénonce des problèmes liés au mariage forcé en Afrique.

Même William Shakespeare, auteur de l’œuvre et écrivain anglais du 17è siècle ne s’y reconnaîtrait plus s’il avait vu ça ! D’une manière générale, c’est le sentiment que cette autre lecture de Hamlet a laissé au public vendredi et samedi derniers au Centre culturel français (Ccf) de Yaoundé. Chef-d’œuvre classique et appartenant au patrimoine mondial, la représentation de Hamlet par la Compagnie congolaise Boyokani a connu un grand succès.
La pièce Hamlet, adaptée et mise en scène par Hugues Serge Limbvani est l’histoire de Gertrude, une jeune africaine que l’on oblige selon les coutumes à épouser un vieux roi. De cette union forcée, va naître le prince Hamlet. Détestant son époux, Gertrude tombe amoureuse de Claudius, le frère de son mari dont elle va utiliser, dans l’intention de se débarrasser de ce vieux mari devenu trop encombrant. Après sa mort, le défunt roi va apparaître sous la forme d’un spectre pour dévoiler à son fils Hamlet son bourreau et lui demander de le venger.
C’est cette tragi-comique que huit comédiens, Eric, Momo, Criss, Marina, Kaf, Abdoulaye, Hugues Serge et Maïmouna vont servir avec aisance au public, en captivant son attention par une gestuelle colorée de  » signes  » et par une maîtrise du texte dont la bonne diction va rendre les répliques compréhensibles et mettre la scène en mouvement. Pendant plus de 2h, les regards des spectateurs sont restés rivés sur les acteurs sans se rendre compte du temps qui s’égraine. Des costumes aux couleurs chatoyantes assortis de colliers, foulards, écharpes et agrémentés des chansons classiques, congolaises, maghrébines et sud-africaines vont envoûter l’espace en créant une ambiance d’émotivité et donner du piquant à la prestation des comédiens. Autant d’éléments subtils qui vont entraîner le public dans une sphère où se mêlent intrigues et complots du pouvoir politique pour poser les problèmes dont souffrent encore la femme africaine en ces temps contemporains sur son propre continent : Le mariage forcé. Comment peut encore imposer à une femme un homme pour qui elle n’éprouve aucun sentiment ? Que faire si de nos jours les femmes sont encore maltraitées pendant les rites de veuvage et se voir imposer les frères de leur époux défunt comme deuxième mari ? C’est à cela que le metteur en scène s’attèle à décrié dans l’adaptation de ce classique à l’africaine.
Le metteur en scène réussit un pari lorsque dans son adaptation, il arrive à faire une jonction de textes entre les siens, ceux de Shakespeare et quelques vers de  » Souffles « , poème de Birago Diop, auteur sénégalais.  » Ecoute plus souvent les choses que les êtres, la voix du feu s’entend, écoute dans le vent, les morts ne sont pas morts « , pour convaincre le prince Hamlet de croire aux morts. La motivation particulière du metteur en scène à restituer à la postérité la mémoire de Shakespeare et à  » contextualiser  » les thèmes porteurs de messages universels : l’amour, les droits et liberté, la justice sont ce sans quoi on ne saurait construire un monde meilleur et améliorer la condition humaine.
Présente au Cameroun dans le cadre de sa tournée dans le cadre du réseau des Centres culturels français (Ccf) en Afrique francophone, la Compagnie Boyokani était à son 23ème spectacle avec la pièce Hamlet qui est sa deuxième expérience des classiques de Shakespeare. Bien avant cela, en 1999, elle a monté  » Othello  » avec des comédiens camerounais. Elle poursuit sa quête avec deux autres pièces du même auteur  » Peines perdues  » et  » Roméo et Juliette.  »
Boyokani signifie  » union ou entente  » en lingala (langue parlée au Congo et en RDC). Et cela se vérifie à travers la diversité d’origines des ses membres : Congo, Côte d’Ivoire, Mali et Sénégal. Après la sous-région Afrique centrale, la compagnie va mettre le cap sur l’Afrique de l’Ouest avec pour destinations Bamako, Conakry et l’Amérique du nord.
Tant que les sociétés africaines ne sauraient ménager la femme en lui donnant le respect et la réelle possibilité d’assumer son rôle d’éducatrice, l’émergence des hommes de valeur n’est pas pour demain. Ne dit-on pas que derrière tout grand homme se cache l’œuvre d’une femme ?

///Article N° : 3666

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Les images de l'article
Photos de scène de "Hamlet" de la Compagnie Boyokany
Photos de scène de "Hamlet" de la Compagnie Boyokany
Photos de scène de "Hamlet" de la Compagnie Boyokany
Photos de scène de "Hamlet" de la Compagnie Boyokany





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