First Take

Archie Shepp & Siegfried Kessler

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A 68 ans, le saxophoniste que John Coltrane adouba comme son héritier est plus actif que jamais. Installé depuis quelques années à Paris, il vient d’y fonder son propre label Archie Ball : réalisation d’un vieux rêve car Shepp a toujours milité, entre autres pour l’indépendance des artistes à l’égard (à l’écart) du show-business, et dès 1964 il participa à la fondation de la « Jazz Composers Guild » qui rassemblait la plupart de l’avant-garde new-yorkaise.
« First Take « , première production du label, est un duo avec son ami « Siggy », qui fut son pianiste pendant les années 1970 – ils se sont souvent retrouvés depuis…
Shepp a déjà signé plusieurs de ses chefs d’œuvre en duo avec des pianistes (Horace Parlan, Mal Waldron) mais celui-ci s’en distingue par son répertoire. En effet, il y revisite avec une évidente nostalgie quelques uns de ses thèmes majeurs des années 1960-70. De façon amusante, au cours de ce concert enregistré à Montpellier, il s’emmêle un peu dans sa biographie et date de 1960 sa rencontre avec Siegfried Kessler (qui a eu lieu dix ans plus tard) et le mythique « Matin des Noirs  » qui ouvre l’album. Il s’agit en fait de la pièce maîtresse de son concert au Festival de Newport 1965 : invité par Coltrane qui le laissa jouer pendant la majeure partie du temps, Shepp, à 28 ans passa ainsi brutalement de l’anonymat à la célébrité.
(cette première version du « Matin des Noirs  » se trouve dans le cd « New Thing at Newport « , Impulse/Universal). Le duo Shepp/Kessler donne une tonalité élégiaque à ce morceau historique, véritable manifeste musical de la lutte pour les droits civiques.
« Steam » est un hommage à un cousin de Shepp assassiné (« meurtri » dit-il dans son délicieux français improvisé) par la police lors d’une manifestation à Philadelphie – la ville où ont débuté Shepp et Coltrane. Cette ravissante valse figure depuis trente ans au programme des concerts de Shepp, ainsi que le joyeux « Ujaama  » (en swahili « famille », « communauté ») qui conclut ce cd et la plupart de ses récitals.
Depuis une trentaine d’années, Shepp se passionne pour le répertoire de Duke Ellington, dont il reprend ici « Don’t Get around much anymore « , ainsi que l’admirable « Lush Life  » de Billy Strayhorn (le co-compositeur du Duke). C’est l’occasion pour lui de nous rappeler qu’il n’est pas seulement un grand saxophoniste sensuel dans la lignée de Ben Webster, mais aussi un chanteur limité mais très émouvant. Son dialogue intimiste avec le pianiste allemand culmine dans leur version du « Misterioso  » de Monk, enchaîné habilement avec un « California Blues » aussi original que traditionnel.
Certes on est ici bien loin des envolées frénétiques du « free jazz  » dont ces deux compères furent des figures majeures de chaque côté de l’Atlantique. Mais à l’écart de toutes les modes, ce concert offre un résumé idéal de tout l’héritage musical « africain-américain « .

First Take, Archie Shepp & Siegfried Kessler (Archie Ball / Abeille Musique)///Article N° : 3790

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