Le hip hop tanzanien ou la volonte de briser le mur du silence (2e partie)

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Affirmation d’un hip hop à portée politique et sociale
Face à une réalité économique rude, une frange de la jeunesse principalement établie en villes commence à exprimer à travers ses compositions de rap swahili ses peurs et ses inquiétudes quant à l’avenir du pays. Elle parvient à dépasser les clivages de génération qui avaient été exacerbés durant les années de socialisme et post-Nyerere. Une communion entre un public de plus en plus large et les jeunes artistes s’opère grâce à la volonté affichée de ces derniers artistes d’ériger un hip hop dans lequel la société tanzanienne puisse s’identifier.
Les thématiques développées par les artistes puisent directement dans le quotidien d’une jeunesse exposée aux changements politiques, économiques et socioculturels des années 90. Elle se fait le témoin des conséquences catastrophiques du virage économique très violent entamé en 1986. De fortes inégalités entre les classes sociales se creusent. L’avenir de cette jeunesse tiraillée entre le choix de rester au village pour s’engager dans une agriculture peu rentable (88) ou d’une vie en ville de plus en plus laborieuse est dès le départ exprimé à travers les chansons des premiers artistes de rap swahili.
L’éloquence des textes des groupes de rap conquit toute la société tanzanienne. Le hip hop est désormais écouté avec attention par les citoyens tanzaniens qui se retrouvent dans les paroles des auteurs. Un rapprochement inédit a lieu entre les ‘récepteurs’et les ‘émetteurs’du hip hop et cette musique n’est désormais plus le mauvais élève à proscrire des ondes FM.
Les porte-parole d’une société en crise
Très tôt, les premiers artistes de hip hop se sont exprimés en tant que porte-parole d’une société désenchantée au lendemain des promesses d’un avenir meilleur qui avait été annoncé en trombe par les autorités dirigeantes sortantes des premières élections multipartites de 1995.
Les premiers artistes de rap swahili des années 90 qui jouissent d’une réelle notoriété ; Kwanza Unit, 2 Proud (qui par la suite change son nom en Mister II), Hard Blasters ; dotent le rap swahili d’un rôle civique et social très fort. Cette singularité rapproche le public avec les acteurs tanzaniens de la culture hip hop.
Ces artistes issus de la génération de la Old School impulsent un hip hop engagé proche des desseins qui avaient animé les premiers chanteurs de rap américains. Ils puisent les thèmes de leurs chansons à partir des réalités quotidiennes auxquelles la jeunesse urbaine est confrontée.
En 1995, le titre « Wapi tunakwenda ? » (89) de 2 Proud exprime déjà de fortes inquiétudes quant à l’avenir du pays. Nous citons un extrait de cette chanson :
« […] Ni wapi tunakwenda ?
(tu-tunakwenda)
Shule namaliza
Sina pa kujishikiza
Nabaki najiuliza
Nitafanya kazi gain
Kwenye kila kampuni kazi haipatikani
Heri kilimo ingekuwa ni nafuu
Lakini pembejeo nazolewa bei juu
Ila watoto wa wakuu
Wanaopata kazi kupitia wazazi
Hii siyo sawa
Kwao hiyo ni sawa
Mungu ape nini labda gunia la chawa ?
Na sasa naripoti  »
Où allons-nous ?
(Nous ne faisons qu’aller)
Je termine l’école
J’ai nulle part où aller
Je suis condamné à me demander
Quel travail je vais bien pouvoir faire
Dans chaque compagnie il n’y a pas de travail
Le bonheur aurait été l’agriculture
Mais les outils agricoles sont bien trop coûteux
Excepté pour les enfants des élites
Qui grâce à leurs parents décrocheront du travail
Tout ceci n’est pas juste
Mais bien normal pour eux
Qu’est-ce que Dieu peut bien offrir, un sac de poux
Et maintenant je rapporte les faits […]
Les maigres profits générés dans le secteur agricole et l’absence d’emplois dans les villes nourrissent les interrogations d’une jeunesse qui se demande bien vers où elle se dirige. Le coût élevé des « inputs » ne l’encourage pas à s’investir dans la production de cultures de rente. Dans les villes, les pratiques de discrimination pratiquée dans le milieu du travail favorisent les enfants des fonctionnaires, des représentants politiques et des riches commerçants.
Le titre « Ndani ya Bongo » chanté par le même auteur ainsi que Dolla Soul du groupe De-Plow-Matz témoigne en 1996 du vent de liberté diffus dans la capitale économique au lendemain de l’uwazi politique et économique (90). Elle souligne aussi la liberté des mœurs propre à l’anonymat urbain :
« Chacun joue (sa vie) comme il l’entend, je suis un homme de Bongo » (« kila mmoja anacheza
anavyoweza mimi ni mbongo »).
Le chacun pour soi est de mise dans cette jungle urbaine :
« Moi je suis seul mais bruyant comme un conducteur, ahaa !! » (« Mimi niko ‘single’ lakini kelele kama utingo, aha »).
Cette chanson souligne de même la course incessante à l’argent. Pour s’établir à Dar es Salaam, il faut savoir être malin (« inakubidi uwe na Bongo« ) et user de son intelligence. 2 Proud joue avec le double sens du mot « bongo » qui dans l’argot swahili (91) signifie aussi bien l’intelligence que la ville de Dar es Salaam.
Ce rôle de miroir de la société s’est renforcé suite à la constante précarisation des conditions de vie d’une majorité de Tanzaniens.
La famine est un fléau qui menace de nombreux villages chaque année. Au nom de la fameuse main invisible du libre-échange ou d’un soko la huria, les autorités se démettent de toute responsabilité face aux augmentations successives du prix du pétrole, des denrées alimentaires, du prix des « inputs », de la baisse constante des prix de vente des matières premières, etc. Pour parer au plus grave en période d’insécurité alimentaire, chaque année, les donneurs et ONG sont sollicités. Leur très forte contribution dans le budget de l’Etat chaque année accentue la dépendance du gouvernement aux donneurs de fonds étrangers.
Les rapports hommes femmes n’échappent pas à la dictature de l’argent. Le personnage « Sofia » du même titre, compose par Joni Woka et Ras Lion, est aimé par un jeune prétendant qui n’a ni maisons, ni voiture. Les interprètes mettent l’accent sur l’effritement des liens amoureux suite aux tensions économiques auxquelles est confrontée la jeune génération.
En ville, les jeunes expriment beaucoup de méfiance et de déception à l’endroit des jeunes filles qui choisiraient leurs partenaires en fonction de leur condition économique. La chanson « Thamani ya pesa » de Joni Woka et de Rais Lion dénonce l’abandon d’une jeune fille pour son partenaire, insatisfaite de sa situation financière. D’autres chanteurs de hip hop ont exprimé leur tristesse à la vue de leurs « dada » ou sœurs de cœur s’adonnant à la prostitution pour survivre. Il est fréquent que les jeunes étudiantes inscrites dans le secondaire en échange d’un plat de « chipsi kuku nyama choma » (92) acceptent d’avoir des rapports sexuels avec le premier venu exhibant des signes de « richesse ». Elles s’exposent ainsi à des risques de grossesse involontaire, à un avortement effectué dans des conditions pitoyables, au pire à une infection au virus du sida.
Joni Woka et Rais Lion ainsi que Mister II (respectivement « Ajira za watoto » et « Mtoto wa mtaani ») s’attristent sur le sort de nombreux enfants tanzaniens qui ont abandonné les bancs d’école pour se consacrer à la quête quotidienne de quelques shillings. Ces abandons sont liés à la pauvreté à laquelle de nombreuses familles sont acculées et deviennent ainsi actifs très tôt, dès la petite enfance.
D’autres enfants sont livrés à eux-mêmes dans les rues des villes suite soit à l’abandon d’enfants non reconnus par les parents ou à la perte des parents. La pandémie du SIDA en Tanzanie est alarmante et toucherait un pourcentage élevé des couples mariés. Tous ces enfants s’engagent dans des petites activités rémunératrices dans leur village. Ils travaillent aussi dans les carrières, les mines ou dans les villes en tant que domestiques. Ils sont de même nombreux à être exploités dans les grandes plantations de thé.
L’avenir du pays pour ces enfants et la jeunesse tanzanienne est donc une des préoccupations majeures qui est couramment exprimée à travers le rap tanzanien. La Tanzanie est encore très dépendante de l’agriculture. Elle représente 49 % du PIB et emploie environ 80 % de la population. Or, l’immobilisme économique qui frappe les campagnes incite la jeune génération (les pasteurs et / ou les agriculteurs) à « kutafuta maisha » en ville voire à l’étranger. Ces situations sont très bien narrées dans la chanson « Bitozi » du groupe Joni Woka et Rais Lion. Ce titre tourne en dérision les propos d’un bitozi (93) cherchant à quitter le pays pour faire sa vie en Europe :
« We Bitoz wewe
Kuacha kujidanganya
Kukimbilia Ulaya
Tanzania hapa utawini
Hata kama unalima nyanya
Bora ujue unachokifanya […]
Kwa wazungu unalilia kwenda
Kiingereza yenyewe huwezi
Unaweza maneno mawili tu
Yes no […] »
Toi le vantard
Arrête de te faire du mal
A vouloir t’exiler en Europe
C’est ici en Tanzanie que tu gagneras ta vie
Même si tu te consacres à la culture de tomates
C’est toujours mieux de savoir ce que tu fais
Chez les blancs tu t’escrimes à vouloir y aller
L’anglais tu ne le connais même pas
Tu ne connais que deux mots
Oui non […]
Ce désir de fuite est symptomatique d’une jeunesse qui ne voit pas d’avenir dans son pays. Découragée par les difficultés de la vie et parfois aussi nourrie d’illusions à travers les nombreuses séries B américaines diffusées sur la chaîne publique ITV, une frange importante de cette jeunesse aspire à vivre à l’étranger. En réalité, nombreux sont ceux qui tentent de partir pour des destinations parfois plus courtes, comme l’Afrique du Sud. Les plus téméraires partent avec un capital en vue de vendre sur un marché plus lucratif leurs marchandises pour parfois revenir ensuite au pays.
Dans les campagnes, depuis une quarantaine d’années, des pratiques agricoles encore très rudimentaires, souvent privées d’irrigation, épuisent la majorité des petits agriculteurs. La majorité des petits paysans dépendent de leurs cultures vivrières et de quelques cultures rentes (telles que le café, le sisal, le tabac, etc.) pour subvenir à leurs besoins (94). Cette situation très critique incite de nombreux jeunes villageois à migrer en masse dans les zones urbaines. Ils grossissent chaque année le lot des wamachinga ou de jeunes revendeurs de rues qui sont les principaux acteurs du secteur informel.
Dans les villes, la société de consommation fait son petit bout de chemin, seuls lieux d’irruption de la modernité dans le pays. Elle participe à creuser le fossé entre les walalahoi (95) qui vivent avec moins d’un dollar par jour et les matajiri (96) qui se ruent sur les modèles de téléphones portables dernier cri. Le groupe Wagosi wa Kaya a d’ailleurs composé une chanson sur ce thème intitulée « Simu ya mikononi ».
Le système éducatif public n’assure pas le rôle de promotion sociale au sein de la classe paysanne. Les salles de classe surchargées dans les écoles primaires, le manque d’infrastructures au sein de ces écoles, l’usure des jeunes professeurs peu rémunérés, et parfois non payés pendant plusieurs mois consécutifs, dressent un tableau peu attrayant des conditions d’enseignement. Le titre de Joni Woka « Walimu » s’attache à rappeler « hali ngumu » ou la situation difficile des professeurs auprès des viongozi ou des responsables politiques tanzaniens :
« Wakitoka vyuoni ajira hakuna […]
Bila walimu viongozi wangetoka wapi
Nauliza sasa mbona mnanyamaza […] »
Lorsqu’ils terminent leur formation, ils n’ont pas de salaires
Sans professeurs, les leaders se seraient formés comment ?
Je me demande maintenant pourquoi vous restez silencieux
Le nombre insuffisant d’écoles secondaires dans les zones rurales participe à creuser ce fossé entre un milieu urbain pourvu en écoles secondaires publiques et privées (97) et les villages. Seuls les watoto wa wakuu comme le souligne Mister II (« Ndani ya Bongo ») semblent bénéficier d’un accès à une éducation de qualité dans le secondaire et le supérieur (98).
Le titre du groupe Wagosi wa Kaya « Safari zetu » ou « nos transports » témoigne des conditions de transport laborieuses et périlleuses dans un pays ou les infrastructures routières et ferroviaires sont très peu développées et constituent un handicap sérieux au développement économique du pays. Bien que certains grands axes routiers fassent fréquemment l’objet de rénovation, une très grande proportion du pays ne bénéficie pas de routes bitumées. Là encore, ce titre est une complainte légitime exprimée à la base via les artistes de hip hop pour dénoncer la non assistance des autorités à l’endroit des millions de citoyens qui, au quotidien, pâtissent de l’insécurité des routes, de moyens de transport défectueux voire en sont complètement privées (99).
Le titre « Vituko uswahilini » de Suma G et son clip dépeignent avec ironie le quotidien des quartiers pauvres de Dar es Salaam. On voit dans la vidéo un enfant se soulager à proximité de l’espace étriqué de la cour de maison de fortune des bidonvilles et dans lesquelles on s’assoit d’habitude pour manger son ugali, le plat traditionnel principal de nombreux Tanzaniens.
Les nouvelles autorités dirigeantes au lendemain de l’indépendance ne remettent pas en cause le découpage territorial qui avait été initié à l’époque coloniale. Une séparation géographique toujours aussi nette distribue la population à Dar es Salaam en fonction de son statut socio-économique. Le quartier uzunguni concentre la population d’expatriés. Les zones d’habitation appelées Uhindini sont peuplées par la classe commerçante d’origine asiatique. Alors que les autres citadins disposant de faibles revenus se concentrent dans les bidonvilles de Dar es Salaam ou d’autres villes appelées Uswahilini.
Le renforcement d’inégalités de plus en plus prégnantes dans la société tanzanienne fait souvent l’objet des thèmes explorés par les artistes de hip hop. A travers leurs chansons, les wazungu ou les wageni sont perçus comme de riches toubabs et les seuls bénéficiaires de l’économie du pays.
Il est un fait que les vagues de privatisation profitent aux investisseurs étrangers (100). Le groupe Joni Woka et Ras Lion se demandent dans un des titres de leur dernier album « Fasihi » (101), pourquoi ce pays pourvu en richesses naturelles et d’autres atouts économiques, demeurent inlassablement un des plus pauvres au monde :
« […] Nchi yetu nzuri imejaa upendo na amani
Sasa mbona utajiri wanachukua wageni
Majumba mazuri na magari ya kifahari wanamiliki wageni
Halafu wanatuita sisi maskini […] »
Notre beau pays est plein d’amour et de paix
Mais pourquoi seuls les étrangers s’emparent des richesses ?
Des palaces et des voitures de luxes sont
entre les mains des étrangers
Puis, ce sont ceux-là même qui nous
appellent les démunis
Ces pratiques clientélistes du gouvernement ont alimenté des discours nationalistes extrémistes (102). Or, pour ôter les ressentiments de la société à l’endroit de ses politiques de privatisation, le gouvernement s’est employé à recruter une des figures importantes du hip hop afin de promouvoir le bien-fondé des privatisations auprès de la société tanzanienne. L’article « Rap star signs up to privatization » consulté sur internet (103) explique que le gouvernement a recruté :
« […] one of the country’s leading rap artists Mr Ebbo to boost a publicity campaign that extols
the virtues of privatisation. The campaign, by the Tanzanian authorities, aims to educate the public about the benefits of private ownership as the privatisation process in the East African country nears its end. »
Ce chanteur a donc joué le jeu de la récupération politique en composant un rap qui :
« is explaining why it makes sense to privatise the railway system. He asks whether it’s
better to let it die in public hands or revitalise it by leasing to investors.
Le choix de ce chanteur par les autorités n’est pas anodin. Comme le rappelle l’article :
« Mr Ebbo, otherwise known as Abel Loshilaa Motika is a Maasai warrior / rapper. He is an imposing figure in his traditional garb and he has a political, social and economic conscience ».
Il est moins certain que cette sensibilisation ait réellement changé l’opinion générale au sein de la société sur la question des privatisations. Les rachats d’anciennes entreprises étatiques ou les investissements dans certains secteurs tels que les minéraux, l’électricité, le pétrole et le gaz sont la plupart du temps perçus par les citoyens comme des occasions saisies essentiellement par des investisseurs étrangers à des fins d’enrichissement personnelles.
C’est dans ce climat politique et économique sclérosé que les artistes de hip hop en Tanzanie ont construit un langage populaire destiné à éduquer et à conscientiser les citoyens. En tant que témoins privilégiés d’une évolution sociale et économique inquiétante du pays, ils s’emploient à dresser un tableau très réaliste de la société tanzanienne.
De même, leur détachement avec la politique leur donne une liberté de parole inédite car peu présente dans d’autres espaces de la société. Si ces chanteurs donnent à entendre la misère économique qui frappe autant les populations urbaines que villageoises, certains n’hésitent pas à aller plus loin en dénonçant l’indifférence et les malversations du gouvernement.
Constitution d’un rap politique et civique
La propagande socialiste soutenue par des pratiques autoritaires qui étaient destinées à écarter les ennemis de la Nation tanzanienne n’a pas constitué pas un terreau favorable à la formation d’un espace libre d’expressions à l’intérieur de la classe populaire. Le régime de Nyerere avait donc conjuré l’émergence d’une politisation de la société tanzanienne. Mais, quel changement l’ouverture économique et politique du pays a-t-elle apporté a cette situation ?
L’arrivée au pouvoir en 1995 de Benjamin Mkapa n’augure pas de réelle coupure politique avec les années de régime socialiste. Le Chama Cha Mapinduzi (CCM) qui avait remporté les premières élections multi partisane n’était que l’héritier de l’idéologie du très respecté Baba wa Taifa soit de la TANU, le parti qui avait mené le pays à l’indépendance. Par conséquent, cette continuité politique et idéologique n’introduit aucun bouleversement dans les rapports que la masse citoyenne entretenait avec le politique. De nouvelles élites prennent les rênes de l’économie et du pouvoir politique.
Le gouvernement Mkapa depuis son accession au pouvoir n’encourage toujours pas la participation des citoyens à la vie politique et économique du pays. Ils sont priés de supporter tant bien que mal, comme par le passé, les conséquences sociales des décisions économiques prises par les autorités dirigeantes. Les autorités considèrent que seules les membres du parlement et les représentants locaux constituent « the only playfields for politics in the country » (104).
A la moindre contestation, les militaires sont appelés pour mater toute forme de protestation. En avril 2004, les étudiants de l’université de Dar es Salaam contestent l’adoption d’une nouvelle loi portant sur le système de financement des études supérieures. Le Students Loan Board Act oblige les étudiants à contracter des prêts pour financer eux-mêmes les frais d’éducation à l’université. Le mardi 20 avril 2004 les autorités appellent les field forces pour mater la manifestation des étudiants. Début juin 2004, le président Mkapa entérine cette loi.
Les leaders des partis d’opposition en Tanzanie n’animent pas de débats politiques constructifs. Peu institutionnalisée, l’opposition ne constitue pas une réelle menace face au mastodonte politique qu’est le parti dirigeant, le CCM. D’après certains, le multipartisme ne serait qu’un « apparatus for creating space for those who could not get room in the single party » (105). Quoiqu’il en soit, le processus de démocratisation n’a pas débouché sur une véritable politisation de la société.
Une démocratisation de la vie politique en trompe l’œil est un thème très présent dans le rap swahili. Il dénonce les dessous de la politique tanzanienne gangrenée par des pratiques de corruption tout comme l’ensemble de la société tanzanienne. Nous citons à titre d’exemple, les titres « Traffic » soit le trafic routier, « Ndani ya Mahakaman » ou « Dans le tribunal » et la chanson « Vinatia Chungu » ou « C’est bien dommage » du même groupe Wagosi wa Kaya. A travers ces chansons, ce groupe met en scène les pratiques quotidiennes de corruption qui consistent à acheter auprès des policiers de la route la conduite d’un bus surchargé ou en excès de vitesse, ou l’issue d’un procès (un magistrat marié à un avocat ne tranchera pas en faveur du plaignant si l’avocat cède aux avances financières de l’accusé), ou encore les malversations dans le secteur tertiaire. Il s’insurge contre l’environnement délétère qui imprègne de nombreux bureaux de travail dans les villes (106). Le harcèlement sexuel dans le monde du travail est très fréquent.
De même, il n’est pas rare que des sociétés privées ou des institutions publiques soient occupées par un personnel issu d’une même famille, ou d’une même région, ou tout simplement d’une même ethnie. Les pratiques de corruption par l’argent, par le sexe, par l’offre de viande, etc. s’opèrent à tous les niveaux de la société tant l’insécurité alimentaire et financière sont une réalité qui touche la quasi-majorité de la population du pays.
Lors des élections, le vote d’opinion est le grand absent de la vie politique tanzanienne. A chaque rendez-vous électoral, une distribution colossale de dons (des kangas, des casquettes, des tee-shirts, de l’argent, etc.) est destinée à acheter les votes des citoyens.
Le tube « Ndio mzee » du chanteur Prof Jay tourne en dérision l’attitude des candidats aux élections qui, à l’habitude, énoncent beaucoup de promesses non tenues durant la campagne électorale. Le chanteur joue le rôle d’un homme politique et candidat en promettant monts et merveilles surnaturelles telles que du « milk running out of home taps, bar maids driving Mercedez Benz’s, and cars that fly ! » (107). Le refrain de cette chanson a été utilisé par « the majority of politicians » comme un « local jingle during their drives and speeches » afin d’amuser et d’attirer un jeune électorat (108).
Certains artistes s’engagent à dire tout haut ce que la société pense tout bas. Elle est en effet murée dans un silence qui est le fruit des opérations d’intimidation des autorités et du refus de celles-ci de l’inclure dans les débats politiques. Le faible taux d’éducation et les difficultés d’accès à l’information constituent aussi des freins non négligeables à l’émancipation politique de la masse citoyenne.
D’autres chanteurs se sont attachés à pousser un cri d’alarme quant à la fragilisation de la paix dans le pays. Le havre de paix qu’est la Tanzanie dans une Afrique déchirée par tant de guerres civiles n’irait plus de soi. Mister II dans le titre « Wapi tunakwenda » s’exprime en tant qu’artiste visionnaire. La jeunesse sans travail, celle qui parcourt des kilomètres chaque jour pour vendre dans les avenues de la capitale économique quelques biens pour subvenir à sa faim est pointée du doigt :
« Vijana tunadunda
Nakwenda kama nunda
Tunakwenda wapi
(ch : Sijui !)
Amani itatushinda »
Youth are bouncing
Steeping like gangs
Where are we going
I don’t know
We couldn’t maintain peace
Par conséquent, les artistes jouent tour à tour un rôle de dénonciateur, d’accusateur, de garde-fous d’une société qui ne voit plus les dysfonctionnements qui la gangrènent, de rapporteurs et de briseurs de silence. Un rap civique et politique s’exprime à travers les ondes FM avec comme dessein la critique ou la mobilisation de la conscience populaire à partir d’un langage compris par tous. Mangesho décrie ces artistes comme les nouveaux organes politiques de la société (109). D’après ses recherches, plusieurs titres furent l’objet d’une censure indirecte de la part des programmateurs de radio qui sont les vitrines médiatiques des autorités dirigeantes. Durant l’année 2002, les chansons les plus subversives à l’égard du gouvernement sont interdites de diffusion par une station radio qui est sous le contrôle de l’Etat, RTD (Mangesho, 2003 : 111). Elle diffuse du Bongo Flava « but under scrutinity of the government« .
Ainsi, certains textes scandés par les rappeurs ne seraient pas conformes aux normes et aux valeurs du peuple tanzanien (110). Cette négation est inquiétante car elle va dans le sens d’un contrôle par l’Etat des espaces de liberté qui se déploient dans la société. La République Démocratique du Congo a annoncé en 2004 qu’elle interdisait la diffusion du rap dans le pays (111). La censure dans le milieu artistique, qu’elle soit pratiquée officiellement comme en RDC ou de manière moins affirmée comme en Tanzanie, est un indicateur alarmant pour la liberté d’expression et la santé politique du pays.
Les chanteurs de hip hop en Tanzanie se sont attelés à écrire un rap très social. Certains vont à l’encontre de l’attitude silencieuse qui prévaut dans la société tanzanienne en dénonçant de manière très explicite les dérives politiques.
La Tanzanie à travers le succès des artistes de hip hop vit donc un processus de conscientisation et de politisation inédit. Ce que les citoyens en général ne se permettent pas de dire tout haut, est désormais verbalisé par des jeunes qui se sont emparés d’un outil de parole à portée nationale. Ce rôle de briseur de silence est très fort dans un domaine que la société n’ose que très rarement verbaliser : le sida.
Les rappeurs qui souhaitent donner un rôle civique à leur rap rivalisent de modes d’expression créatifs en puisant dans une mise en scène originale et / ou une composition du texte frappante pour sensibiliser les jeunes sur la pandémie du sida qui croît de manière alarmante en Tanzanie. Le titre « Starehe » chanté par Prof Jay et Ferouz a récemment frappé un très grand public. Il met en scène un jeune homme infecté par le virus. Celui-ci s’écrie avec désespoir « ninaooo » (littéralement : je l’ai). Il s’adresse au docteur (interprété par Prof Jay) qui après lui avoir confirmé sa séropositivité lui conseille de ne pas baisser les bras. En réponse, le jeune tanzanien lui demande de ne pas l’encourager pour les jours qui lui restent à vivre : « dokta usinipe moyo… !« .
De nombreux artistes grâce à leur éloquence se substituent à un Etat cruellement absent dans les secteurs de la santé et de la sensibilisation au sida dans les zones rurales. Son échec depuis son arrivée au pouvoir à assister le peuple tanzanien nourrit les ressentiments et en même temps est à l’origine d’un nouvel espace d’expression populaire très fort. Des liens très forts s’établissent entre les artistes de hip hop et la société.
Dans le même temps, la récupération commerciale du Bongo Flava a déclenché une réaction de contestation dans la communauté des artistes de hip hop. Certains ont déclaré la guerre aux amateurs de rap qui manqueraient cruellement d’originalité et s’éloigneraient d’un rap a portée civique et / ou politique c’est-à-dire de la philosophie du hip hop pour composer un rap katuni.
L’engagement des artistes pour la défense et le maintien d’un hip hop authentique
Le poids de la musique commerciale est aujourd’hui au cœur des préoccupations des artistes engagés. Récemment le nouveau talent du rap swahili Afande Sele (112) a exprimé à travers ses chansons le ras le bol des chanteurs de rap aux textes insignifiants. Les histoires d’amour sont leurs thèmes de prédilection. Les stars de ce Bongo Flava bénéficient du soutien de nombreux sponsors via la radio, la presse et certaines compagnies privées. Ensemble, ils assurent une promotion radio et télévisuelle colossale.
Son titre « Mtazamo » chanté avec Solo Thang et Prof Jay met bien en lumière l’étiolement selon le chanteur d’un rap swahili engagé car victime de son succès et par conséquent objet de nombreuses sollicitations. Tous les abus sont permis pour être en haut de l’affiche. Les jeunes filles qui souhaitent se lancer dans la musique pratiquent rushwa ya ngono ou la corruption par la prostitution. D’autres se contentent de reproduire les styles des gros tubes précédents.
D’après Mister II, les radios orientent le goût des auditeurs en assurant des grandes campagnes promotionnelles, aptes à assurer le succès des artistes qui ont les moyens et acceptent de rentrer dans le jeu de la corruption. La machine commerciale s’emballe depuis quelques années. Mais face à cette explosion d’une variété rap peu parlante aux yeux de la génération hip hop la plus engagée, la résistance s’organise. En décembre 2004, Mister II décide de lancer un premier « Hip hop Summit ». L’objectif est de rappeler le rôle et l’esprit du hip hop au sein de la communauté des artistes et de discuter autour sur des questions fondamentales : l’emploi, le professionnalisme, les compétences en business, le piratage, la propriété intellectuelle, les droits d’auteur, la vente et la distribution, les conflits entre les artistes, le rôle des médias et des artistes dans la prévention du sida.
Par conséquent, certains artistes tentent de redéfinir le hip hop face à l’explosion du Bongo Flava exploitant des thèmes plus légers, tels que l’amour ou des « histoires » (hadithi) qui sortent de la réalité quotidienne. Cette tendance révolte le chanteur Afande Sele à travers ses chansons. Il critique la génération de rappeurs qui seraient plus attirés par la célébrité et le désir de s’enrichir que par un réel don (kipaji) de « kuelimisha jamii » soit d’éduquer la communauté sur les problèmes de la société contemporaine. Il a saisi l’opportunité de redéfinir le rôle de l’artiste dans la société à travers de nombreux titres de rap qui lui ont valu d’être aujourd’hui l’un des chanteurs les plus écoutés et appréciés. Dans le titre « Mayowe », il exprime son refus de laisser le rap tanzanien se transformer en un rap insignifiant et commercial :
« Hivyo ukiharibu Rap lazima n’takuchukia […]
Kelele za mashabiki, zikumvibishe kichwa ukajiona mwanamuziki […] »
So if you’ll destroy rap I have to hate you
The fans noise shouldn’t make you proud and take yourself as a musician.
De meilleures conditions de création de cette musique sont revendiquées par les acteurs du hip hop. Leurs créations sont l’objet d’un piratage intensif. Les droits d’auteur bien qu’ils aient été rédigés et adoptés par le Parlement (113), ne contrecarrent pas les malversations de certaines maisons de distribution qui, à leur gré, commercialisent des compilations de musique Bongo Flava sans la consultation et l’assentiment des groupes sélectionnés. D’après certains artistes rencontrés, l’absence d’une solidarité entre artistes ne permet pas de faire porter les violations de droits d’auteur en justice.
Le hip hop en Tanzanie a connu un boom sans précédent écouté par une population considérable. Mais quel poids cette musique va-t-elle revêtir dans les années à suivre ? Face aux problèmes du sida, d’une corruption généralisée, de l’absence d’emplois, de la non-participation du peuple aux décisions politiques, quelle évolution le hip hop va-t-il connaître en Tanzanie ? Va-t-il s’orienter vers un hip hop de plus en plus soft et apolitique ou renforcera-t-il sa vocation d’outil populaire de sensibilisation politique, sociale et civique au sein de la société ? Les artistes de rap engagés sont moins diffusés sur les ondes FM. Par conséquent, la détermination de certains artistes à réveiller les consciences saura-t-elle défendre et pérenniser un rap a portée social et politique ?
Conclusion
Le hip hop est une culture globale totale qui a su transcender ses frontières géographiques originelles pour se faire l’écho de réalités socio-économiques complexes et extraordinairement variées de par le monde. Le hip hop n’est plus le seul reflet des réalités et des sentiments partagés par la seule jeunesse exclue des cités urbaines new-yorkaises. Il est devenu transculturel.
En constante interaction avec la société, comme toute forme artistique, il a pour vocation de transmettre un message et des émotions. Son entrée récente dans d’autres sociétés a débouché sur un éclatement de ses formes et de ses contenus. Les uns y verront un simple effet de la mondialisation quand d’autres parleront de manière plus volontiers de multiculturalisme.
En Afrique, le hip hop renverse la tendance qui avait prévalu dans de nombreux pays africains où des régimes autoritaires s’étaient emparés du pouvoir au lendemain de la décolonisation. En Tanzanie, la culture de manière générale s’était pliée aux volontés des nouvelles autorités en place. Elle s’était transformée en outil de propagande politique.
Or, avec l’avènement de la culture du hip hop, de nouveaux organes politiques représentatifs de la classe populaire ont émergé. Une fusion entre un large public et les artistes s’est renforcée grâce à l’amélioration des conditions d’enregistrement et au développement de l’industrie musicale.
Si le hip hop s’est heurté à la mentalité de la génération Nyerere dans un premier temps, cette position de rejet de l’opinion publique a connu un revirement de situation exceptionnel il y a quelques années. Les dures réalités de la vie quotidienne associées à l’engagement des artistes décidés à dénoncer et / ou à témoigner des maux qui affectent la société tanzanienne ont rapproché le grand public avec les acteurs du hip hop en Tanzanie.
La force politique, culturelle et sociale du hip hop nous offre une sociologie de la jeunesse, des enjeux en cours et des négociations qui se jouent dans les sociétés africaines. Elle révèle aussi un aspect très peu développé dans cet essai : la singularité des formes d’expressions employées par les acteurs de cette culture.
Alors que les premiers anthropologues en Afrique mirent en valeur l’extrême richesse de la littérature orale africaine, aujourd’hui la parole s’exprime dans ce continent à travers d’autres canaux. Le hip hop constitue une réelle aubaine pour appréhender les représentations sociales des sociétés contemporaines. L’étude circonspecte des rapports entre la musique contemporaine et la politique ouvre la voie à une meilleure compréhension de ces sociétés. Cette porte d’entrée qu’est le hip hop est précieuse pour tous ceux qui se penchent sur les sociétés non occidentales, rongées par de profondes crises sociales, culturelles et économiques. Il est un thème social et politique majeur, porteur de problématiques capitales qui ne doivent pas passer à la trappe de la communauté des chercheurs en sciences sociales.
Bibliographie
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HAAS, J. & T. Gesthuizen, (2000). « Ndani ya Bongo : Kiswahili rap keeping it real », article paru dans Mashindano ! Competitive Music Performance in East Africa, Mkuki na Nyota Publishers, Dar es Salaam.
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PERULLO, A. (2001) The music Business in Tanzania. Copyright Law, Contracts and collective management organizations, sponsored by American Embassy [et traduit en swahili dans la seconde moitie du livre : Biashara ya muziki Tanzania. Hakimiliki, mikataba, na taasisi ya kusimamia haki] PERULLO, A. & J. FENN, « Language Ideologies, Choices, and Practices in Eastern African Hip Hop », article paru dans Global Pop, Local Language, édité par Harris M. Berger et Michael Thomas Carroll. Jackson : U. Press of Mississipi, 2003, pp. 19-51.
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SHIVJI, I. (1975) Class Struggles in Tanzania. Tanzania Publishing House Dar es Salaam.

88. La révolution agricole malgré les quantités de terres arables disponibles en Tanzanie n’a pas eu lieu. Ce qui conduit certains observateurs à la déduction suivante : « kilimo, uti wa mgongo uliosahaulika » (l’agriculture, la colonne vertébrale qui a été – volontairement – oubliée) (cf. Mtanzania, 13/07/04).
89. Cette chanson est issu de l’album « Ni mimi » distribué en 1995. Mister II, avec huit albums à son actif, est le plus gros producteur de musique rap.
90. Haas et Gesthuizen rappellent dans leur article (2000, p. 281) que ce mot était scandé dans un titre connu chanté avec Mister II : « Ndani Ya Bongo » (1996). Il rappelle très clairement que la Tanzanie est un pays désormais ouvert (« Kufanya unachotaka Bongo uwazi ») en référence au passage d’un Etat planifié à une économie libérale. L’uwazi d’après Haas et Gesthuizen « is contributing to a new mode of living for many Tanzanian people » (p. 281).
91. Appelé en swahili : kiswahili cha mtaani. Le site www.darhotwire.com comprend une liste intéressante des ces mots abondamment utilisés par les jeunes installés principalement en zone urbaine. Mister II nous précise qu’avant l’expansion du hip hop dans le pays, chaque district de Dar es Salaam avait son propre « slang » (celui de Temeke, de Sinza, de Kinondoni, etc.). Depuis la musique aurait gommé ces différences en imposant un seul parle des « rues ». Il en conclut que la musique à contribue à unir les citoyens (« muziki inaunganisha watu ». On note cependant que la génération la plus âgée assimile régulièrement ces mots à un usage mbovu du swahili, soit impropre.
92. Soit un plat de poulet grillé accompagné de frites (cf. le titre de Joni Woka et de Rais Lion « Ajira za Watoto »).
93. Autre mot qui appartient au swahili de la rue et signifie d’apres Joni Woka un jeune qui est attiré par tout ce qui est luxueux mais n’aime pas travailler.
94. Un faible pourcentage de riches agriculteurs investissent dans la culture de canne à sucre, d’épices, de tabac, etc. Ils sont quelques-uns à pouvoir s’équiper en tracteurs, à installer un système d’irrigation pour pallier aux périodes de sécheresses chronique.
95. Les walalahoi renvoient à la classe la plus démunie, aux « sous prolétaires » (Maupeu, 2001, 185). Avec un PNB par habitant de 250 $ US par an, la Tanzanie est l’un des pays les plus pauvres au monde. 51 % de la population vit sous le seuil de pauvreté mondial fixé à 1 $US par jour et 30 % de la population vit dans le dénuement le plus complet.
96. Soit la classe bourgeoise (matajiri signifie littéralement riches).
97. Certaines de ces écoles sont internationales. Leurs droits d’inscription sont excessivement élevés dans la capitale économique.
98. Le taux d’accès aux études secondaires en Tanzanie compte parmi les plus bas de l’Afrique subsaharienne.
99. Récemment un des représentants du gouvernement a annoncé publiquement que son gouvernement continuerait à acheter ces fameuses « mashangingi » ou « big luxurious four wheel drive car » (TUKI, 2001) pour pouvoir se déplacer a travers le pays. Cette déclaration fracassante a heurté de nombreux journalistes qui se sont offusqués de cette dérive politique qui consiste à dépenser des millions dans l’achat de ces voitures tout terrain de luxe pour le bénéfice des parlementaires au lieu d’investir d’urgence dans la construction d’infrastructures routières. Cf l’article « The so-called ‘good governance’with the exorbitant shangingi’s comfort in Bongoland » paru dans The Family Mirror du 29 / 06-05 / 07/04.
100. Le président de la République en poste jusqu’au mois d’octobre 2005, Benjamin Mkapa, a réitéré à plusieurs fois son souhait d’accueillir des entrepreneurs sud-africains pour investir dans son pays.
101. Il est sorti au début de l’année 2004. Le titre s’appelle « Kwa nini ? ». Le terme swahili fasihi est intéressant. D’après le TUKI, il renvoie à la littérature. D’après Joni Woka et Ras Lion, ce terme peu commun dans le parler swahili désigne l’ensemble des choses qui sont incluses dans l’art et apparaissent dans leur dernier album (« vitu vyote vipo ndani ya usanii »), à savoir de quoi distraire, éduquer et contester (« kuburudisha, kufundisha na kuonya »).
102. Cf Bancet (2004).
103. Consultable sur www.255flevour.8k.com
104. Cf l’article « Why Tanzanian democracy is sailing through rough sea » paru dans The Family Mirror du 13 / 07-19 / 07/04.
105. Ibid.
106. Voici un extrait de cette chanson : « Mimi sikuajiriwa kwa kufoji vyeti, wanaofanya hivyo ndiyo hao hao wanafiki, wanafiki […] wamekuwekea kitu, unajua nini roho zao za kutu […] wanasababisha mpaka unafukuzwa kazi […] Khoo ! sitapiki, naeleza ukweli na siyo unafiki, […] ujumbe wangu umefika » (moi je n’ai pas été recruté avec un faux CV, ceux qui agissent de cette manière sont des hypocrites, ils te glissent quelque chose – allusion à la sorcellerie – ceux sont eux qui te virent. Ah ! je ne vomirais pas, j’explique la vérité et ce n’est pas de l’hypocrisie).
107. Cf l’article « Why Professor Jay matters in Tanzania ? » paru dans un magazine The Entertainer (date inconnue)
108. Ibid.
109. Mangesho (2003, p. 180) : « BF (Bongo Flava) artists are playing the role of what he calls the social elites, the organic intellectuals. […] BF is a « cultural movement that is a direct product of city life… fundamental form of praxis ».
110. Ibid, p. 111.
111. Cf l’article dans l’hebdomadaire Rai du 1er / 07 au 7 juillet 2004 : « Muziki wa rap sasa wapigwa marufuku – Kinshasa, DRC » (la musique de rap est désormais interdite de diffusion).
112. Il a remporté le prix du Mfalme wa Rhymes soit une voiture Toyota. Cette compétition s’est tenue au début du mois d’avril 2004 dans la salle de concert du Diamond Jubilee.
113. Cf Perullo (2001). Il a rédigé un livret très didactique, écrit en swahili et anglais, destiné à offrir aux artistes en herbe ou confirmés un manuel pratique sur les hakimiliki ou les droits d’auteur en Tanzanie.
///Article N° : 4091

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