« Nous avions un rêve » : celui de Martin Luther King, celui de l’intégration réussie des Noirs, dans les années soixante aux USA, ce qui lui valut de se faire assassiner en 1968.
Ce roman, publié dans une collection polareuse, est politique, écrit par Jack Lamar, ex-journaliste et critique littéraire, un peu foncé de peau, qui vit en France.
Melvin Hutchinson (le héros), attorney, noir, justicier redoutable, pourrait briguer la présidence (attention, on n’est pas dans 24h chrono) : un écolo qui pense qu’il vaut mieux pendre les parasites, ça économise les seringues, le gibet peut être réutilisé, etc
et aussi remettre dans le droit chemin dans des Centres de Rééducations de Toxicomanes (CRT) tous les parasites. Un pur et dur (il picole grave
), symbole du Noir qui fait tout bien et s’intègre. Il y a aussi Emma : elle est noire itou, et, basta, pourquoi serait-elle fière ou honteuse de sa couleur ? Laquelle vit avec un blanc, qui se fait traiter de « biscuit milanais » (blanc à l’extérieur et noir à l’intérieur) Et enfin, un « frère » de la dernière génération, Rashid, qui écrit une thèse « Négros et Chiennasses : le langage problématique du rap dans le rapport affectif » et qui n’a aucun respect pour Luther King « pac’qu’il a jamais rien fait d’autre que laisser les Noirs se faire tabasser« . Ces trois personnages emblématiques posent toutes les questions de l’intégration aux États-Unis. Chez nous ça donnerait un truc besogneux, alors que là, une flopée de personnages secondaires innervent le roman
Et bien sûr, la droiture redoutable de Hutchinson est utilisée par les Blancs qui le manipulent abominablement
Pour l’auteur, l’opposition Blancs/méchants, Noirs /opprimés ne tient plus. Il montre qu’une « reségrégation » est en route, cette fois alimentée par les Noirs qui érigent de nouvelles barrières : intellectuelles, mentales et sexuelles. C’est cette ambiguïté qu’il décrit ici avec un humour cynique.
On est dans un roman noir (ah ! ha !) sans enquête ni détective, avec un crime contre la tolérance qui pose toutes les bonnes questions : celles qui n’ont pas de réponse. Mais si, mais si.
