Kongo Magni

De Boubacar Traoré

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Dans les années soixante, Boubacar Traoré (Kar Kar : casser, casser) a fait danser tout le Mali. Il a transformé le blues bambara en twist, et, avec sa guitare accoustique, il haranguait les jeunes, les invitant à reconstruire le pays dans l’euphorie de l’indépendance toute neuve.
En blouson noir, et jean, il était le Chuck Berry et l’Elvis Presley malien…qu’il avait découverts au cinéma.
Il épouse alors sa bien-aimée Pierrette. Même pas de quoi s’acheter des cigarettes, car les disques n’existent pas, il travaille comme tailleur, tout en entraînant des orchestres, dans sa ville natale, Kayes. Silence radio : tout le monde le croit mort jusqu’à ce que la télévision malienne le « ressuscite ». (1). Pierrette décédera en donnant naissance à leur fille en 1987 (2). Désespéré, il part pour la France, où il bosse dans la construction et chante le dimanche dans les foyers d’émigrés.
Un autre « miracle » se produit : un producteur anglais découvre la cassette de « Mariama » et lui fait des propositions. Il tourne en Angleterre et la reconnaissance internationale arrive avec le festival de Lausanne en 1992.
Et voici son dernier album : intitulé Kongo Magni (la faim ce n’est pas bon), interprété en Kassonké, la langue de sa région natale. Et bien, l’arthrose n’a pas abîmé les doigts du guitariste : toujours ce son limpide reconnaissable entre tous. De sa voix douce, il caresse le blues, sur ses thèmes favoris : la perte d’êtres chers, la difficulté de vivre… Toujours engagé, il chante « qu’il faut pouvoir vivre libre et autonome », et rend hommage aux cultivateurs et éleveurs maliens, qui contribuent à l’autosuffisance du pays.
Traoré a fait appel à des instruments traditionnels, kora, calebasse. L’accordéon et l’harmonica déstabiliseront un peu les habitués, ils ajoutent une dimension nouvelle à la musique. Preuve que le chanteur se renouvelle. Un disque envoûtant, d’une déchirante beauté.
Avec de si belles musiques, ça devient facile de décrocher de Bach. Si, si.

(1) Cette épopée a été superbement filmée par Jacques Sarasin : Je chanterai pour toi, dans lequel KarKar rencontre Ali Farka Touré. Sorti en 2002 en France, présenté dans le monde entier, et primé. DVD (2003)avec un diaporama : Karkar dansant le madison, looké Presley etc…
(2) L’histoire de la mort de Pierrette, qui pèse sur la conscience de son époux, est contée dans l’excellent livre de Lieve Joris (interviouvée dans le film) : Mali blues. Ed. Actes Sud/Babel (2002)
Kongo Magni, de Boubacar Traoré (Marabi productions)///Article N° : 4102

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