Tour de chant dans l’espace francophone

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Les années 1980 marquent un tournant pour la scène musicale de l’espace francophone. Événements, marchés, festivals et concours radiophoniques naissent et installent des ponts entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques. Mais ce n’est qu’à l’orée des années 1990 que les espaces de dimension internationale naîtront véritablement au sud du Sahara, principalement en Afrique occidentale et centrale. Tour d’horizon non exhaustif d’un secteur boosté par le dénominateur commun de la francophonie.

Le label francophone naît véritablement en France à l’initiative du journaliste Jean Louis Foulquier lorsqu’il lance, en 1985, la première édition des Francofolies de la Rochelle. Premier objectif : organiser un espace de diffusion pour contribuer à la dynamique de la chanson française. Les Francofolies feront école et s’exporteront à Montréal (1989), à Spa (Belgique, 1994) à Berlin (1996) puis à Genève. D’autres tentatives seront lancées en Europe de l’Est et en Amérique Latine.
Peu à peu naissent en France d’autres espaces publics – privés ou associatifs – de diffusion de la musique francophone (Musiques métisses à Angoulême, les Nuits atypiques de Langon, le Métissons ou les Nuits métisses de Marseille, Africolor etc.…) qui participent au développement et à la circulation de ces musiques notamment sur le continent africain où se montent divers évènements.,
Festivals et rencontres
Le Marché des Arts du Spectacle Africain (M.A.S.A), créé en 1993 à Abidjan en Côte-d’Ivoire, propose aux diffuseurs une biennale qui donne à voir ce que le continent a de meilleur, dans le domaine musical mais aussi du théâtre et de la danse. La manifestation offrira, entre autres, une visibilité internationale au Comorien Maalesh, ouvrira les portes de l’Allemagne au Congolais Swedé Lokolé ou élargira l’audience déjà prometteuse de la Malienne Rokia Traoré (Prix RFI Musique du monde 1997). Les conditions de sélection du Marché mettent l’accent sur l’originalité des créations, sur leur âme africaine et sur l’esthétique scénique. Cette exigence favorise le démarquage de la variété récurrente qui inonde trop souvent le spectacle africain. Après six éditions, l’administration ivoirienne n’a cependant pas réussi à monter de véritables partenariats avec les festivals internationaux. Et l’impact du MASA sur le développement de la carrière des musiciens africains reste mitigé. Depuis le début (2002) des troubles qui secouent le pays, l’affluence des diffuseurs et médias internationaux n’est plus de mise.
Le Festival annuel de Jazz de Saint Louis – créé la même année que le Masa par Michelle Nardi – s’imposera au fil de ses éditions par une affiche alléchante avec des musiciens tels que Archie Shepp, Doudou N’Diaye Rose, Herbie Hankock, Aldo Romano, Richard Bona, Roy Haynes, Bernard Lubat, Femi Kuti, Ray Lema, les Elite Swingsters.
Les Rencontres Musicales de Yaoundé (R.E.M.Y), nées en 1988, sont conjointement organisées par l’association Afrique en création et le Cameroun, en partenariat avec Musiques métisses de Christian Mousset. Ouvertes à toutes les musiques d’Afrique y compris les non francophones, elles ne connaîtront que deux éditions après avoir révélé le Nigérian Lagbadja – saxophoniste jouant masqué et nourrissant sa musique d’afro beat, de la juju et du jazz – ainsi que Faadah Kawtal, formation camerounaise s’inspirant de sa culture peul pour produire une expression teintée de Blues.
D’autres festivals apparaîtront sur le continent comme le Festival de jazz de Dakar-Gorée, le Festival international de percussions de Conakry ou de Bamako, le Festival d’Essaouira Gnaoua, les Transes Atlantic de Safi et bien d’autres. Tous ont pour vocation de stimuler la circulation de la musique sur le continent et d’élargir sa visibilité. Malheureusement, les coûts et les difficultés des transports interrégionaux, les tracasseries douanières et des politiques régionales contradictoires entravent la synergie de l’ensemble des entrepreneurs culturels.
Associations et médias
Autre moteur de la scène musicale francophone, les organisations, associations ou médias tels que le Conseil francophone de la chanson, Francophonie Diffusion, Zone Franche ou Radio France Internationale (RFI). jouent un rôle prépondérant dans la promotion et la circulation de la musique et sont hautement bénéfiques à l’industrie et aux artistes.
RFI organise le prix RFI Musique du monde depuis 1981 pour les artistes et les groupes d’Afrique, des Caraïbes et de l’Océan Indien. Il constitue, pour ces créateurs, un appui déterminant pour leur carrière internationale sur le marché du disque et du spectacle. Grâce à ce prix, bon nombre de chanteurs ou de groupes se sont imposés sur la scène mondiale, notamment Rokia Traoré du Mali, Tiken Jah Fakoly de Côte-d’Ivoire, Didier Awadi du Sénégal ou Rajery de Madagascar. Le prix RFI des Musiques du monde est certainement l’un des outils les plus performants pour la diffusion et la promotion des musiques dans l’espace francophone et dans le monde.
Le Conseil francophone de la chanson (CFC) a vu le jour en 1986 sous l’impulsion de professionnels européens du milieu de la chanson, désireux de partager leur savoir faire. L’ONG de type associatif se fixe pour mission de promouvoir la chanson et les musiques de l’espace francophone à travers différents projets. Elle encourage le professionnalisme et soutient la promotion des artisans dans les secteurs de la création, de la production et de la diffusion. Elle suscite des échanges internationaux, favorise l’émergence et la consolidation des industries musicales. Elle soutient par ailleurs la défense et l’harmonisation des droits de propriété intellectuelle tout en étant présente sur les grands marchés internationaux comme le MASA, le MIDEM et le WOMEX.
Doté d’un secrétariat général basé à Montréal, d’un bureau européen à Bruxelles et africain à Douala, le CFC s’emploie à développer des activités de sensibilisation, de formation et de communication relatives aux musiques de tout l’espace francophone.
Depuis 1993, Francophonie Diffusion aide la diffusion, la promotion et la commercialisation des musiques et des artistes de l’espace francophone. Elle s’appuie sur 150 radios de 90 pays sur les cinq continents auxquelles elle fournit une logistique et des outils pour une programmation variée des nouveautés francophones. Un circuit est également mis à la disposition des producteurs pour la diffusion de leurs titres francophones. Le réseau permettant d’écouter par exemple Manu Dibango à Melbourne, M à Berlin ou Rachid Taha à Moscou.
La scène musicale francophone est riche de plateformes, de structures et d’initiatives diverses. Elles contribuent inéluctablement à l’élargissement des horizons artistiques, au développement des carrières musicales, de l’industrie et à la professionnalisation des créateurs, surtout dans les pays du Sud. Pour ces derniers, malgré les succès sporadiques, malgré le discours officiel des politiciens de la francophonie, les résultats demeurent approximatifs. La timide diffusion des musiques étrangères sur les médias occidentaux sape leur visibilité. Les difficultés qui contingentent l’obtention des visas de circulation et de travail au Nord s’amplifient au fil des ans. Le besoin obsessionnel des marchands d’adapter les musiques du Sud aux goûts du consommateur du Nord tue l’originalité créatrice des musiciens les confinant dans les ghettos institutionnels où, dans le meilleur des cas, dans celui de la  » world music  » .

Né à Korhogo en 1950, Souleymane Coulibaly, dit Soro Solo, est un des journalistes radio les plus connus de Côte d’Ivoire. Formé au Studio-école de la RTI à Abidjan et à l’Institut national de l’audiovisuel en France, il a travaillé au service des grands reportages de TF1, au Canadian Broadcasting Service de Montréal et la Clark Atlanta University d’Atlanta (USA). Depuis 1983, il animait la matinale (5 h à 8 h) sur Radio Côte d’Ivoire, ainsi que différentes émissions culturelles, notamment « Tête d’affiche » (portraits d’artistes), « Rencontre » (radioscopies) et « Le Grognon » (émission d’humeur où les auditeurs interviennent en direct). Il a reçu en 1993 et 94 le prix Ebony de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire et en 2000 le prix Expression Azimut du meilleur journaliste pour la promotion de l’art.///Article N° : 4132

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