Flesh, d’après Koulsy Lamko

Yaya Mbilé explore les douleurs charnelles et l'angoisse de la mort

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Flesh, pièce tirée de l’ouvrage Comme des flèches du dramaturge tchadien Koulsy Lamko, a été présentée le 10 septembre 2005 au Centre culturel français de Yaoundé. Les deux représentations programmées à la 14è édition des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun (Retic) les 20 et 23 novembre ont été annulées, faute de conditions techniques adéquates, mais la pièce semble avoir un avenir prometteur ; elle a été conviée au Festival Mantsina sur scène, du 17 au 24 décembre 2005 au Congo Brazzaville, et sera en février 2006 au Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), avant d’entamer en mars-avril 2006, une tournée dans les alliances franco-camerounaises.

Des roues de voitures, une blouse pleine de cambouis, du matériel de mécano : nous sommes dans le garage de Bouba (Thierry Ntamack), mort du sida, qui vient d’être inhumé. Entre son amante, Amina (Clémentine Abéna Ahanda) : de retour du cimetière, elle se remémore les temps forts de leur liaison et essaie d’y puiser le courage d’aller annoncer à son mari qu’elle aussi est victime de la maladie. Dans son long monologue, elle se résoudra à dire la vérité à son mari :  » Moi qui déteste le silence, surtout se taire pour ne pas se sentir coupable…Pourtant, il faut que je lui dise, à mon mari… « . Comme sur un écran, les souvenirs de la jeune femme affichent ces moments de passion. Ils font même parfois revenir la voix du défunt, par des échos ( » Amina, sois forte, je te précède, je t’attends… « ) ou des flash-back faisant revenir Bouba sur scène. Les airs de flûte joués par (le griot) Philippe Mbako et la voix groove de (la griotte) Kareyce Fotso conduisent inexorablement le public sur  » le chemin de Kosso, le village des morts « .
La pièce Flesh (la chair, en anglais), tirée de l’ouvrage Comme des flèches du dramaturge tchadien Koulsy Lamko, aborde ainsi les rivages de la douleur avec la distance de la poésie. En Afrique, le sida rime avec la mort. Flesh évoque la solitude, le rejet et le regard accusateur de la société à l’endroit des victimes. Au-delà de la mort, la honte et le désespoir poussent au suicide et à la vengeance. La pièce renvoie l’homme à lui-même, l’invite à s’aimer tel qu’il est, à cultiver la force de l’esprit : l’ignorance, la négligence ou la faiblesse ne nous exposent-ils pas à cette maladie ? Il s’agit ici de transcender l’angoisse de la solitude, de la mort et de l’amour, car l’on est de passage sur terre, quelle que soit la cause de notre mort.
Dans sa mise en scène, Yaya Mbilé pousse son exploration des douleurs charnelles et de l’angoisse de la mort au-delà du sida. Elles rongent tout malade atteint de maladie incurable comme le cancer ou la leucémie.  » Elle est tassée dans nos membres… nous suce, nous vide de notre sève « . Les lumières, tantôt pâles et sombres tantôt vives et ocres, soulignent des ambiances distinguant le monologue d’Amina dans l’atelier et les flash-back naissant de ses souvenirs. Elles délimitent aussi les trois espaces de l’action : celui des griots, celui du revenant et celui d’Amina. La maîtrise incontestée du texte et la qualité du jeu des comédiens complètent une mise en scène préservant l’émotion.
La pièce se saisit de la question du sida dans une société où ses victimes sont des parias. Elle rappelle à tous qu’en tant qu’humain, l’on ne peut se soustraire à la mort :  » Ils me fuiront les hommes, et en me fuyant, ils croiront fuir la mort, comme si cela se devait, comme si cela se pouvait. « . L’être humain y est valorisé par l’estime de soi malgré la souffrance et la douleur, malgré le regard de l’autre :  » Ce n’est pas parce qu’on n’existe plus aux yeux des autres que nous devons refuser d’exister à nos propres yeux… « 

Auteur : Koulsy Lamko
Mise en scène : Yaya Mbilé
Scénographie : Issa Lucien
Assistanat à la mise en scène : Simon Pierre Bell
Création lumières : Daniel Sahmo
Costumes : Doudou Félicité
Comédiens : Clémentine Abena, Thierry Ntamack, Kareyce Fotso, Philippe Mbako///Article N° : 4260

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