Les déconnards

De Koffi Kwahulé

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Une philosophie du déconnement
Etudiant africain que sa concierge appelle  » Monsieur « , il vit seul dans sa mansarde, seul avec  » la pute « , cette maladie qui lui sert la gorge et l’asphyxie. Ce sont les histoires du pays qui remplissent sa solitude et qu’il se met à raconter comme pour combler le vide de sa petite chambre. Les respirations épiques du village fou et de ses déconnards l’arrachent à l’étouffement de l’exil et à l’étroitesse de son existence.
Des histoires drôles et pathétiques, des histoires de déconnement qui peignent avec tendresse une Afrique si éloignée du rationalisme occidental, comme cette lettre d’un cousin qui annonce le décès d’un parent tout en passant commande d’une paire de chaussures et d’un survêtement de l’équipe de France avec un coq sur la poitrine, comme cet ancien combattant qui se croyait l’ami de De Gaulle parce qu’il avait reçu de lui une poignée de main et une médaille ou encore cette empoignade de femmes jalouses… On rencontre ainsi Dynamo, celui qui passe son temps à allumer les femmes des autres, l’homme qui s’est mis à rire aux funérailles de son beau-père, la femme aussi laide qu’un cadavre qui louche et que son mari appelle Gestapo… Ces aberrations qui font la nature humaine dressent devant nous leur absurdité. Aussi folles, aussi déconnantes soient-elles, il n’y a pas d’histoires africaines sans philosophie…
Cet étudiant qui se dit raciste parce qu’il préfère les Blancs racistes aux Monsieurs-moi-je-connais-bien-les-Noirs ( » au moins avec les racistes ont sait à quoi s’en tenir ! « ), c’est Sidiki Bakaba : un comédien de talent qui enfourche le texte jusqu’au bout en le domptant comme un cheval qui se cabre. Grâce à la versatilité de son jeu, il parvient à rendre la variété stylistique du texte de Kwahulé, ses changements de ton, de niveaux de langue, d’accents qui font le français d’Afrique et campe avec force les personnages qui viennent peupler sa mansarde.
Ces histoires  » folosophiques  » ne seront en définitive qu’un testament, une lettre d’adieu que l’étudiant enregistrait sur une bande et qu’il nous les donne en héritage avant de disparaître sous le métro.

Khépri Créations / Afrique en créations
Mise en scène : Koffi Kwahulé et Sidiki Bakaba
Décors : Aurélia Fronty
Lumières : Ebouclé Kodjo
avec Sidiki Bakaba///Article N° : 444

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